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Fouilles corporelles des détenus : la direction de l’administration pénitentiaire en précise les modalités

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Après avoir essuyé de sévères critiques, notamment de la Cour européenne des droits de l’Homme, le régime des fouilles des personnes détenues a été encadré par l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (1). Une disposition dont les difficultés d’interprétation ont été à de nombreuses reprises soulevées devant le juge administratif, constate la direction de l’administration pénitentiaire (DAP), qui précise donc, dans une note, le cadre juridique des fouilles, « de manière à accompagner efficacement les personnels pénitentiaires dans l’évolution de leurs pratiques professionnelles ». Ce document abroge la circulaire du 14 avril 2011 relative aux moyens de contrôle des personnes détenues.

Nature des fouilles

La DAP rappelle que la fouille par palpation consiste en une « recherche extérieure, au-dessus des vêtements, pratiquée par tapotements successifs le long du corps ». Il s’agit de « détecter et de retirer tout objet ou substance interdit ou dangereux suffisamment volumineux pour être repérés par la palpation » afin de s’assurer que le détenu ne présente ni danger immédiat pour autrui ou pour lui-même, ni risque d’évasion ou de trafics. Ce type de fouille doit être effectué par une personne de même sexe que la personne détenue, souligne l’administration. Quant à la fouille intégrale, poursuit-elle, elle « consiste en une mise à nu de la personne détenue effectuée sans aucun contact physique entre la personne fouillée et l’agent chargé de procéder à la fouille » (2). Cette mesure s’accompagne de la fouille des effets vestimentaires de l’intéressé. Ici, l’objectif est de rechercher des objets ou substances interdits ou dangereux susceptibles d’échapper à une détection par matériels techniques ou à une fouille par palpation. La fouille intégrale doit être réalisée par une personne du même sexe que la personne détenue et dans des conditions qui garantissent le respect de la dignité de la personne détenue (local préservant l’intimité, conditions d’hygiène satisfaisantes…).

Cadre juridique

De manière générale, la note indique que le recours aux mesures de fouilles doit répondre aux critères de nécessité et de proportionnalité. En vertu du principe de nécessité, la fouille doit être justifiée au regard des risques particuliers que peut présenter la personnalité du détenu, c’est-à-dire son profil pénal (faits à l’origine de son incarcération) et son profil pénitentiaire (comportement en détention, motifs ayant conduit à son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés…). La fouille peut aussi être ordonnée en raison de suspicions fondées sur des éléments recueillis notamment lors des contrôles des correspondances écrites et téléphoniques, en détention ou auprès de partenaires extérieurs ou sur toute observation réalisée par les personnels. Le principe de proportionnalité, lui, implique de graduer les moyens de fouille utilisés et de ne réaliser la fouille intégrale que de manière subsidiaire, prévient la DAP. Elle souligne que « le choix de la nature de la fouille à appliquer (fouille par palpation ou fouille intégrale) et de sa fréquence s’opère en prenant en considération non seulement le but poursuivi (prévention d’une infraction, maintien de la sécurité ou du bon ordre) mais également la personnalité de la personne détenue ».

Dès lors, au regard de ces principes, le recours systématique aux mesures de fouille doit être prohibé, martèle l’administration. Conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat, il n’est par exemple pas possible d’imposer des fouilles intégrales systématiques aux personnes détenues sans distinction, au sortir des parloirs, au seul motif qu’ils constituent une zone à risque en matière d’introduction d’objets ou de substances interdites ou dangereuses. En revanche, précise la DAP, les fouilles peuvent être justifiées lorsque la structure de la zone de parloirs ne peut accueillir de moyens de détection électronique. Dans tous les cas, poursuit-elle, « le chef d’établissement doit à cet égard prendre en compte le comportement de chaque personne détenue, ses agissements antérieurs et la fréquence de ses fréquentations aux parloirs afin de moduler la nature de la fouille à mettre en œuvre et sa fréquence ».

Toutefois, indique la direction de l’administration pénitentiaire, il est possible de déroger à ce régime prohibant tout recours systématique à des mesures de fouilles, notamment pour des raisons d’ordre public et de contraintes du service public pénitentiaire. Cette dérogation n’étant valable que sous réserve du respect des principes de nécessité et de proportionnalité. En pratique, la mise en œuvre de fouilles systématiques doit être justifiée par l’existence de suspicions fondées sur le comportement du détenu, ses agissements antérieurs ou les circonstances de ses contacts avec des tiers. Leur nature et leur fréquence doivent être adaptées aux nécessités de l’ordre public et à la personnalité de l’intéressé.

Rappelons enfin que c’est le chef de l’établissement pénitentiaire qui prend la décision de faire exécuter des fouilles. Décision qui doit être prise par écrit – sauf en cas d’urgence – et être motivée en droit (énumération des dispositions juridiques justifiant la fouille) et en fait (préciser les faits caractérisant l’existence d’un risque justifiant la fouille).

[Note du 15 novembre 2013, NOR : JUSK1340043N, B.O.M.J. n° 2013-12 du 31-12-13]
Notes

(1) Voir ASH n° 2637 du 18-12-09, p. 50.

(2) Dans un communiqué du 6 janvier, le Genepi (Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées), qui dénonce les « écarts notables dans la conduite » des fouilles intégrales, « regrette que cette note ne signe pas la fin de l’humiliant et dégradant contrôle que constitue la fouille à nu ».

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