Le constat était attendu, mais il n’en est pas moins amer : l’échéance de 2015 pour rendre la France accessible ne sera pas respectée et « les personnes en situation de handicap devront encore patienter entre trois et dix ans pour pouvoir vivre comme des citoyens ordinaires », déplorent la FNATH (L’Association des accidentés de la vie) et l’Association des paralysés de France (APF). En effet, pour contourner l’échéance de 2015, le gouvernement va inviter les établissements recevant du public (ERP) à élaborer des agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP). Préconisés par le rapport « Campion » (1), ces documents de programmation financière des travaux d’accessibilité doivent permettre aux structures qui ne respecteront pas l’échéance de 2015 d’organiser leur mise aux normes dans les années à venir.
Lancée après le comité interministériel du handicap du 25 septembre dernier, la concertation sur ces documents – qui a rassemblé, sous l’égide du ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, les associations représentatives des personnes handicapées, les collectivités locales, les fédérations professionnelles, les représentants des maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre – vient de s’achever et une ordonnance organisant le dispositif est attendue pour la fin du premier semestre. « Un gestionnaire d’ERP devra déposer un Ad’AP – ou s’engager à le faire – à la préfecture dans l’année qui suit la publication de l’ordonnance », explique Nicolas Mérille, conseiller national « accessibilité » à l’APF. En clair, un gestionnaire devrait avoir jusqu’en juin 2015 pour déposer son Ad’AP. La démarche lui laissera ensuite entre trois et neuf ans pour réaliser les travaux selon la taille de son établissement. « Il s’agit d’un dispositif volontaire. Rien n’oblige un propriétaire à déposer un Ad’AP. En même temps, aucune sanction n’est prévue si un établissement n’est pas accessible fin 2015 – qui reste la date légale. Seule une plainte pourrait conduire la justice à le condamner. Au final, tous les établissements qui ne sont pas accessibles et qui ne déposent pas d’Ad’AP risquent de s’en sortir », déplore Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH.
Des interrogations subsistent : le gouvernement prévoit de laisser jusqu’à neuf ans aux propriétaires d’un « patrimoine important » pour le rendre accessible. Mais « la notion de “patrimoine important” reste imprécise et risque d’être appliquée à de nombreux établissements », craint Arnaud de Broca, qui rappelle que la première loi sur l’accessibilité date de 1975. Par ailleurs, « il n’y a pas de consensus sur les sanctions qui interviendront si le gestionnaire ne respecte pas les engagements pris dans le cadre de son Ad’AP ». Enfin, les pouvoirs publics ont évoqué la possibilité de suspendre l’agenda d’accessibilité en cas de difficultés économiques de l’établissement. Or « qu’est-ce qu’une difficulté économique ? Dans quel cas l’agenda peut-il être suspendu ? », s’interroge Arnaud de Broca. Pour ce dernier, le plus important sera de convaincre les gestionnaires d’entrer dans le dispositif.
(1) Voir ASH n° 2800 du 8-03-13, p. 5.