Le groupe de travail sur la coparentalité, chargé de faire des propositions pour clarifier les règles relatives à l’autorité parentale, n’est pas parvenu à dégager une position commune, indiquent la direction des affaires civiles et du Sceau (DACS) et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) dans un rapport rendu public le 8 janvier (1). Mis en place en juin 2013 par le ministère de la Justice et le ministère délégué à la famille en réponse au mouvement des « pères perchés » – pères qui réclament une fixation plus égalitaire du lieu de résidence de l’enfant par le juge en cas de séparation des parents –, le groupe de travail est composé d’associations représentatives de parents et de familles, d’avocats, de magistrats et de représentants du défenseur des droits. En particulier, les associations représentant les pères et celles représentant les mères ont le plus souvent campé sur leurs positions divergentes. D’une façon générale, les membres du groupe de travail se sont également montrés divisés sur la question de l’amélioration de l’exécution des décisions judiciaires relatives à l’autorité parentale. Les propositions relatives au renforcement de l’accompagnement de l’exercice de la coparentalité font quant à elles l’objet d’un « relatif consensus » (2).
Alors que la loi du 4 mars 2002 a adapté les règles relatives à l’autorité parentale aux évolutions de la famille en fixant le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, « la mise en œuvre apaisée de la coparentalité semble toutefois encore se heurter à des difficultés », constate tout d’abord le groupe de travail. Ainsi, en cas de séparation des parents, certains enfants n’entretiennent plus de relations régulières avec l’un d’entre eux. Parallèlement, certains parents n’ont plus la possibilité d’exercer leur autorité parentale et de participer effectivement à l’éducation de leur enfant. Ce parfois en raison de l’inexécution par l’autre parent des décisions prononcées par le juge aux affaires familiales.
Pour une grande majorité du groupe de travail, il faudrait en premier lieu définir « clairement » l’exercice conjoint de l’autorité parentale, c’est-à-dire préciser qu’il suppose une prise de décision commune des parents. Il s’agit ici de remédier à une interprétation erronée de l’article 372-2 du code civil qui prévoit, pour les actes usuels concernant l’enfant, une présomption d’accord entre les parents de bonne foi afin de faciliter la vie quotidienne. Or, souligne le rapport, il arrive souvent que le parent vivant avec l’enfant prenne une décision concernant un acte usuel et n’avise l’autre parent qu’a posteriori, le mettant ainsi devant le fait accompli…
Une majorité du groupe de travail, à l’exception notamment de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et de SOS les mamans, est par ailleurs favorable à une définition de l’acte important qui devrait être décidé d’un commun accord par les parents ou à défaut autorisé par le juge. Retenant la définition établie par la jurisprudence, elle propose de le définir comme un « acte qui rompt avec le passé et engage l’avenir de l’enfant ou qui touche à ses droits fondamentaux », et de ne pas fixer de liste exhaustive des actes usuels et importants par voie législative ou réglementaire. En revanche, une liste indicative ou un guide d’accompagnement serait « utile ». Par exemple, les membres du groupe de travail sont en désaccord sur la possibilité de qualifier le déménagement d’acte important, certains estimant que le parent qui agit à l’insu de l’autre devrait être sanctionné, d’autres jugeant qu’il s’agirait d’une atteinte aux libertés individuelles et que le déménagement peut être justifié par des motifs légitimes, d’ordre professionnel ou familial notamment. A l’heure actuelle, rappelle le rapport, le parent en désaccord avec le déménagement de l’enfant peut saisir le juge, mais celui-ci ne statue en pratique qu’après le déménagement. Une situation particulièrement dénoncée en cas de déplacement de la métropole vers l’outre-mer et inversement.
Seules les associations représentant les pères sont pleinement favorables à la possibilité de faire de la résidence alternée le principe, le juge ne pouvant y déroger que de façon exceptionnelle, indique le rapport. Tous les autres membres, à l’exception de l’UNAF (3), considèrent au contraire que la résidence alternée doit rester une simple possibilité. Une position confortée par une récente étude du ministère de la Justice analysant des décisions prises par les juges, qui montre que dans 80 % des cas les parents sont en accord sur la résidence des enfants et que 93 % des demandes des pères sont satisfaites (4), souligne le rapport. Rappelons à ce titre qu’un amendement au projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, introduit par les parlementaires contre l’avis du gouvernement, prévoit que, en cas de désaccord des parents sur la résidence de l’enfant, le juge doit donner la priorité à la résidence alternée sauf décision « dûment exposée et motivée ».
C’est dans le domaine du renforcement de l’accompagnement de l’exercice de la coparentalité et de l’amélioration de la résolution des conflits familiaux que le groupe de travail a pu explorer des pistes plus consensuelles. L’ensemble des membres s’est ainsi déclaré favorable au développement de la médiation familiale et du plan parental (contrat signé par les parents détaillant les modalités futures d’exercice de l’autorité parentale après leur séparation). Enfin, plusieurs propositions visent à mieux coordonner la justice : préciser la compétence territoriale du juge aux affaires familiales en cas de déménagement de l’enfant, raccourcir les délais d’intervention du juge ou encore améliorer la formation des magistrats.
(1) « Comment assurer le respect de la coparentalité entre parents séparés – Rapport sur les réflexions du groupe de travail sur la coparentalité » – DACS, DGCS – Janvier 2014 – Disp. sur
(2) Le rapport n’exprime pas l’avis des ministères qui ont assuré l’animation et le secrétariat du groupe de travail ni des ministères qui ont été invités à participer occasionnellement au groupe de travail, soulignent la DACS et la DGCS.
(3) L’UNAF considère que la résidence alternée devrait être le premier projet examiné par le juge, sauf pour les enfants en bas âge.
(4) « La résidence des enfants de parents séparés – De la demande des parents à la décision du juge – Exploitation des décisions définitives rendues par les juges aux affaires familiales au cours de la période comprise entre le 4 juin et le 15 juin 2012 » – Maud Guillonneau, Caroline Moreau – Disponible sur