La loi de finances rectificative pour 2013 aura eu un parcours compliqué jusqu’au bout. Après avoir été rejeté en bloc par le Sénat (puis adopté définitivement par l’Assemblée nationale qui, dans ce cas de figure, a toujours le dernier mot), le texte a vu, le 29 décembre dernier, sept de ses 93 articles frappés par la censure totale ou partielle du Conseil constitutionnel, dont l’article 60 qui réforme le financement de la taxe d’apprentissage et que le ministère du Travail a présenté comme « la première étape de traduction législative » de la future réforme de la formation professionnelle. Au-delà de cette disposition, l’essentiel des mesures à retenir n’a toutefois pas été retoqué.
L’article 60 n’a pas été jugé contraire à la Constitution dans son intégralité. Le Conseil constitutionnel a ainsi validé la fusion de la taxe d’apprentissage et de la contribution au développement de l’apprentissage en un prélèvement unique sur les entreprises de 0,68 % de la masse salariale. Il a, en revanche, censuré les nouvelles règles d’affectation du produit de la taxe. Le texte prévoyait qu’une première « fraction » – dont le montant, au moins égal à 55 % du produit de la taxe due, aurait été fixé par décret – serait affectée aux régions tandis qu’une « deuxième fraction » – dénommée « quota » et dont le montant aurait également été déterminé par décret – serait attribuée aux centres de formation d’apprentis et aux sections d’apprentissage. Or, pour le Conseil constitutionnel, si le législateur pouvait renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de fixer les critères d’affectation d’une partie des recettes provenant de la taxe d’apprentissage, il aurait dû encadrer cette affectation. En ne le faisant pas, il a « méconnu l’étendue de sa compétence ».
Dans un communiqué, le ministre du Travail, Michel Sapin, et son homologue chargé du budget, Bernard Cazeneuve, ont indiqué que, tirant les conséquences de la décision des sages, le gouvernement proposera d’inscrire dans la loi – et non plus dans un décret – les critères d’affectation de la taxe d’apprentissage. Le véhicule législatif choisi pourrait être le projet de loi relatif à la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale, qui sera présenté au conseil des ministres le 22 janvier prochain. Ou peut-être faudra-t-il attendre la prochaine loi de finances. Mais, en tout état de cause, l’objectif est que la réforme du financement de l’apprentissage puisse être mise en œuvre dans sa globalité à la date prévue, à savoir le 1er janvier 2015.
La loi de finances rectificative pour 2013 fait figure, comme souvent avec les collectifs budgétaires, de texte fourre-tout. Parmi les mesures à retenir, au-delà des crédits débloqués en faveur notamment du secteur social (1), beaucoup sont passées sans encombres devant les sages.
On signalera notamment l’article 52, qui prolonge de cinq ans le dispositif expérimental de mise à disposition de logements vacants lancé par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (2). Un dispositif qui vise à développer une offre de logement temporaire pour des personnes en grande difficulté, en mettant à leur disposition des locaux, publics ou privés, dans l’attente de la réalisation d’un projet (vente, réaffectation, réhabilitation…). L’expérimentation devait prendre fin le 31 décembre 2013. Elle est prolongée jusqu’au 31 décembre 2018. Au passage, des dispositions sont prévues pour inciter les propriétaires à s’engager dans ce dispositif de résidence temporaire.
Autre nouveauté, dans un tout autre domaine : l’article 63 de la loi permet à l’Office français de l’immigration et de l’intégration de recouvrer lui-même les taxes qui lui sont affectées. Conséquence de la dématérialisation de l’achat de timbres fiscaux pour l’acquittement des taxes dues par les étrangers, cette mesure s’inscrit dans le processus de simplification des démarches administratives initié dans le cadre de la modernisation de l’action publique.
On retiendra encore l’article 90, qui proroge la prise en charge par le Fonds national des solidarités actives (FNSA) du financement du revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA) pour un montant de 28 millions d’euros. Cette prestation, applicable dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon – à l’exception du département de Mayotte –, est gérée et liquidée par la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), qui la verse aux allocataires à travers son réseau de caisses générales de sécurité sociale. Alors que le dispositif devait initialement prendre fin au 31 décembre 2010, il a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2012. La loi de finances initiale pour 2011 a alors transféré son financement au FNSA, qui verse à la CNAV les sommes correspondant aux prévisions de dépenses. Le RSTA a ensuite été prorogé une nouvelle fois jusqu’au 31 mai 2013, afin d’assurer à ses bénéficiaires, le cas échéant, une transition progressive vers le revenu de solidarité active. Cependant, la prise en charge financière du coût du RSTA par le FNSA n’avait pas fait elle-même l’objet d’une prorogation. C’est désormais chose faite.
(1) Rallonges budgétaires dont certaines ont fait l’objet d’un décret d’avance, afin de permettre au gouvernement de faire face aux besoins de crédits les plus urgents sans attendre la promulgation du collectif budgétaire – Voir ASH n° 2836 du 6-12-13, p. 46.