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Témoignage sans pathos

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L’auteur des photos de l’exposition « Vieillir libre »(1) qui montrent des personnes âgées dans leur quotidien, c’est lui. Et de celles d’aînés isolés partant en vacances grâce aux Petits Frères des pauvres, aussi(2). Jean-Louis Courtinat a également participé à des expositions collectives sur le thème des adolescents en rupture(3) et des soins palliatifs(4). Il est l’un des rares photographes qui se consacrent corps et âme à la photographie sociale – depuis trente ans, pour sa part. Né en 1954, il débute dans la presse locale avant d’avoir le « déclic » en ouvrant un livre de W. Eugene Smith sur une sage-femme ayant passé sa vie à soigner les habitants les plus démunis d’un petit village des Etats-Unis. « D’un seul coup, je venais de trouver ma voie. C’est cela que je voulais faire, m’engager auprès des autres. Défendre leur cause. Dénoncer, certes, mais aussi louer, célébrer. » Il devient l’assistant de Robert Doisneau en 1986. S’il accepte volontiers d’accompagner l’artiste dans ses déambulations parisiennes, Jean-Louis Courtinat se rend compte que la photo de rue, prise sur le vif, n’est pas pour lui, car il ressent le besoin de s’installer longuement aux côtés des sujets qu’il photographie. Doisneau dira de lui : « Il trouve toujours la bonne distance. Aucun pathos dans ses images, pas de complaisance ni de voyeurisme mais une solidarité et une délicatesse profonde. » Son premier recueil de photos, Les damnés de Nanterre, publié en 1995, fait grand bruit : il s’agit d’un travail d’enquête réalisé pendant deux ans au Centre d’hébergement et d’accueil des personnes sans abri (Chapsa) de Nanterre. Il passe ensuite deux autres années auprès des enfants malades du cancer à l’Institut Curie. Dans les années 2000, le photographe part en Roumanie documenter l’institutionnalisation des enfants abandonnés. C’est son seul reportage à l’étranger, car Courtinat préfère montrer la souffrance située à sa porte : « Pour moi, point de grands espaces, point de pérégrinations à travers le monde. Mes sujets sont toujours liés à des lieux précis, des univers clos, intimes, que je peux contrôler et où je peux revenir souvent. » L’homme fait peu d’images, passe plus de temps à vivre avec les gens qu’à les photographier. Il n’utilise que le noir et blanc (la couleur est, selon lui, « anecdotique et distractive »), capture des visages pris de près, se focalise sur les regards. Exigeant envers lui-même, celui qui travaille encore uniquement en argentique, est antirecadrage : « Je ne fais ni concession ni arrangement avec la réalité. Si je n’ai pas réussi à saisir ce qui m’était offert, c’est que je n’étais pas bon. » Ses 72 « meilleurs » clichés, qui montrent une bonne partie des déliquescences de notre société, sont réunis dans un ouvrage photo de poche. Des images qui dérangent parfois, comme cette jeune femme malade du sida qui pleure dans son lit aux urgences de l’Hôtel-Dieu, ou ce sans-abri lavé avec un balai-brosse au Chapsa (« le degré zéro de l’humanité », se souvient-il). Malgré son talent, Jean-Louis Courtinat est un artiste qui doute : ce qu’il transmet est-il aussi riche que ce qu’il a vécu ? s’interroge-t-il. Au sujet du reportage « Vivre avec toit »(5), réalisé auprès d’hommes et de femmes âgés qui venaient de retrouver un logement après avoir longtemps vécu à la rue, il écrit : « Ai-je saisi l’essentiel ? L’important est-il d’ailleurs dans ce qui est montré, ou dans ce qui n’est pas montré ? Il faut beaucoup plus que des photos pour que ces êtres fragiles ne portent plus le fardeau de préjugés et de tabous qui les livrent à l’indifférence de tous. »

Jean-Louis Courtinat

Coll. « Photo Poche » – Ed. Actes Sud – 13 €

Notes

(1) Voir ASH n° 2610 du 22-05-09, p. 42.

(2) Voir ASH n° 2829 du 18-10-13, p. 39.

(3) Voir ASH n° 2674 du 17-09-10, p. 39.

(4) Voir ASH n° 2680 du 29-10-10, p. 38.

(5) Voir ASH n° 2795 du 1-02-13, p. 38.

Culture

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