Les initiatives de solidarité en direction des publics en difficulté peuvent être freinées par les nombreuses normes législatives et réglementaires. L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) a confié à la plateforme « La fraternité en actes » (1) une étude-action sur le sujet (2). Chacun des réseaux membres a présenté l’initiative qui lui a semblé le mieux illustrer les difficultés rencontrées : association accueillant des bénéficiaires du RSA (revenu de solidarité active) ou accompagnant des squatters, crèche parentale, centre social réalisant une animation au pied d’une tour d’habitation… Partout, l’impression laissée par l’exigence de conformité scrupuleuse aux règlements est celle « d’une non-reconnaissance du bien-fondé des buts poursuivis, de la sincérité des efforts déployés pour dépasser les difficultés » des bénéficiaires, alors que les promoteurs attendent « des encouragements et des aides de la part des institutions publiques ».
Néanmoins, dans les interactions entre les associations intervenant auprès de publics précaires et les agents publics chargés du contrôle et du suivi de leurs actions, la plateforme distingue trois logiques. Il y a d’abord l’« accommodement ». Dans ce cas, l’administration ferme les yeux sur les entorses au droit commun, ce qui permet à la structure de poursuivre son activité tout en la plaçant dans une insécurité juridique forte. Autre logique, celle des « apprentissages croisés », qui débouchent sur des « compromis ad hoc qui sont au fondement de règles locales », attestant de progrès réalisés dans la compréhension réciproque entre les services de contrôle et les responsables des initiatives. La troisième voie est celle de l’« innovation », soit l’inscription dans les textes de nouveaux principes « au nom de la sauvegarde d’un intérêt supérieur ». Dans cette logique, une réflexion est engagée sur la mise en place dans le code civil d’un « statut de l’entraide ».
L’étude pointe que la logique diffère selon que l’initiative relève d’une association appartenant ou non à un réseau national capable d’interpeller les autorités administratives… L’ONPES estime qu’il faut soutenir les associations œuvrant dans le champ social en prenant en compte les besoins d’évolution législative et réglementaire. Il se félicite d’un premier pas amorcé dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale (3), qui a repris certaines propositions de « La fraternité en actes », en indiquant qu’« une expertise juridique sera menée pour reconnaître et conforter les activités d’entraide civile afin d’éviter les risques de requalification des prestations gratuites d’échange, notamment dans le cadre du droit commercial et du droit du travail ». Le plan indique aussi qu’une expérimentation de soutien à des initiatives de personnes démunies se regroupant pour résoudre leurs problèmes de vie quotidienne pourrait être étudiée et, dans ce cadre, une dérogation aux normes envisagée.
(1) Cette plateforme regroupe l’Association des collectifs enfants, parents, professionnels (ACEP), la Fédération des centres sociaux et socioculturels, les Compagnons bâtisseurs, L’Heureux cyclage, Pact Arim, Récit, le Secours catholique, Solidarité Paysans, Voisins et citoyens en Méditerranée.
(2) « La solidarité à l’épreuve des normes », publiée dans La lettre de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale n° 4 – Décembre 2013 –
(3) Voir ASH n° 2794 du 25-01-13, p. 39.