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Les Roms, révélateurs des failles de l’accompagnement social

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Pour Laurent Ott (1), cofondateur de l’association Intermèdes-Robinson (Longjumeau, Essonne), les manquements en matière d’accompagnement social des populations rom – mis en lumière dans notre enquête sur l’anticipation et l’évacuation des bidonvilles (2) – témoignent des difficultés des institutions sociales à apporter des réponses adaptées aux plus précaires.

« Nous ne pouvons que confirmer les interrogations des acteurs locaux qui émaillent cette enquête. Intermèdes Robinson est ainsi engagée depuis des années dans des ateliers d’éveil, éducatifs, réguliers dans différents bidonvilles de l’Essonne. Comme tant d’autres associations, nous avons vu, nombre de fois, le travail éducatif et relationnel engagé réduit à néant par des expulsions menées sans concertation. Nous aussi, nous avons pu croire que la circulaire d’août 2012 apporterait quelques garanties, permettrait de prendre en compte les dynamiques en cours, respecterait le travail et l’énergie déployés par les familles et les associations. Et nous aussi, malheureusement, devons témoigner qu’il n’en est rien. Cette circulaire est restée lettre morte, prétexte à expulser, recherche de bonne conscience.

La plupart des organisations chargées des diagnostics dans les camps où nous intervenions ne nous ont même pas contactés alors qu’elles étaient justement chargées, entre autres, de faire état de telles interventions. Certaines, que nous avions sollicitées, nous ont complètement ignorés. Et la seule qui ait fait la démarche de nous interroger et ait pris en compte notre travail dans ses recommandations a vu l’ensemble de celles-ci rester lettre morte ! La préfecture, de son côté, n’a pas tenu sa promesse de nous associer à la concertation préalable aux destructions de camps…

Quant à ce qui a suivi, les diagnostics et les expulsions, voici quelques constats, relatifs aux familles d’un seul camp : familles en errance et, pour celles qui ont “bénéficié” d’un hébergement en hôtel via le 115, déscolarisation plus ou moins prolongée ou épisodique des enfants pour cause d’éloignement ; pluie d’OQTF [obligations de quitter le territoire français], dont une octroyée à une jeune fille en service civique, puis retirée après des réactions ; OQTF puis expulsion de deux mères, pourtant hébergées par le 115, laissant derrière elles leurs enfants ; paupérisation des familles hébergées dans les hôtels quand elles ne peuvent plus ni cuisiner, ni laver leur linge et qu’elles sont éloignées de leurs repères ; errance et ré-expulsions plus ou moins régulières des autres…

Les problèmes dont peuvent être porteuses ces populations ne devraient pourtant pas tant nous déstabiliser. Sécurité alimentaire, droit à l’école, logement, insertion par le travail, s’agit-il vraiment de choses si extraordinaires que nous ne pourrions pas y répondre ?

Mener des interventions éducatives et sociales auprès des familles rom revient ainsi à interroger les manquements et les failles de notre propre système de protection sociale. Si celui-ci est tellement en difficulté pour répondre à leurs besoins, ce n’est pas parce que ceux-ci seraient inouïs ou inédits. C’est, plus brutalement, parce qu’ils sont en augmentation pour tous et dans toutes les franges de la population. Au fond, les Roms mettent en évidence des difficultés internes à nos institutions et services sociaux pour réellement contacter, suivre et accompagner les publics précarisés. Ainsi, la non-rencontre avec les familles et enfants rom amène les institutions à prendre conscience de leur difficulté à mener des actions éducatives durables, quand la précarité, la violence sociale et économique, ruinent les modes d’intervention traditionnels du secteur. Elle révèle aussi la difficulté à prendre globalement en compte la situation des familles, l’inadaptation de certaines modalités d’intervention éducative – placement, assistance éducative – aux problématiques sociales actuelles, ainsi que la grande difficulté des services sociaux à assurer les démarches concrètes auprès d’institutions comme la CAF et la sécurité sociale, qui ont érigé des montagnes d’obstacles à l’accès aux droits pour ces groupes. Ils se reposent alors sur tous les acteurs possibles : les associations ou bien les intéressés eux-mêmes, que l’on mettra en demeure de “se responsabiliser” et de réussir ce qu’on ne sait plus faire.

C’est peut-être cela qu’on reproche le plus à cette minorité rom qu’on stigmatise, et qu’on accuse d’être trop différente : nous avertir sur ce qui nous attend. »

Notes

(1) Contact : laurent.ott@orange.fr – http://recherche-action.fr/intermedes.

(2) Voir ASH n° 2838 du 20-12-13, p. 34.

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