Compte tenu du vieillissement de la population et des enjeux démographiques à venir, « il paraît opportun d’encourager » le développement des nouvelles formes d’habitat avec services, telles que les résidences services ou l’habitat groupé, partagé ou intergénérationnel, qui « rencontrent un écho favorable auprès des personnes âgées » encore autonomes mais confrontées à l’apparition des premiers signes de fragilité. Mais ce développement ne doit pas « affecter l’offre plus ancienne que constituent les logements-foyers », qui sont des établissements sociaux réglementés à la fois par le code de l’action sociale et des familles et le code de la construction et de l’habitation. Pour le groupe de travail sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPA) (1), mis en place en mars dernier par Michèle Delaunay et qui lui a remis ses conclusions le 7 janvier (2), « le développement de l’habitat avec services, logements-foyers compris, doit [donc] être appréhendé dans son ensemble ». Il formule ainsi 17 préconisations qui doivent permettre « l’élaboration d’un cadre équilibré ». Il propose notamment de revoir le régime juridique des résidences services – qui sont soumises au statut de la copropriété – afin de mettre leurs usagers à l’abri des excès du marché (3) et de garantir la qualité des habitats regroupés via l’élaboration d’un label. Mais la plus grande partie du rapport est consacrée aux logements-foyers, dont il appelle à valoriser le rôle en matière de prévention de la perte d’autonomie. Des propositions bien accueillies par la ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie (voir encadré ci-contre).
Comme récemment la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) (4), le rapport pointe le « manque de visibilité » dont souffrent les logements-foyers. Leur diversité et leur hétérogénéité peuvent en effet « nuire à la compréhension de leur rôle, ce qui ne facilite pas leur insertion et le partenariat avec les autres acteurs de la coordination gérontologique ». Pour rendre plus visibles les logements-foyers, le groupe de travail propose de leur assigner une mission de prévention de la perte d’autonomie et de l’inscrire dans la loi. Un article du code de l’action sociale et des familles définirait ainsi la mission des EHPA, et notamment celle des logements-foyers. Cette mission passerait par :
→ l’organisation de la vie sociale au sein de l’établissement, qui peut se traduire notamment par une ouverture du logement-foyer vers l’extérieur ;
→ l’organisation et la coordination des interventions extérieures au sein de l’établissement ;
→ l’inscription du logement-foyer dans la coordination gérontologique locale.
En parallèle, pour accompagner financièrement le développement des missions de prévention des logements-foyers, le groupe de travail recommande de transformer le « forfait soins » que perçoivent certains d’entre eux en « forfait autonomie » et de le généraliser à tous les logements-foyers. Ce forfait devrait permettre, selon lui, soit de recourir à des recrutements, au besoin mutualisés, pour assurer l’organisation et la mise en œuvre de la mission de préservation de l’autonomie, soit de défrayer un intervenant externe pour assurer la coordination des soins dans la structure, tel qu’un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), ou des activités d’animation.
Autre proposition du rapport, qui participe également à la visibilité des logements-foyers : définir par voie réglementaire les prestations socles de ces structures (accès à un service de restauration, de sécurité, d’entretien du linge, d’animation-prévention). Des prestations socles obligatoires, et donc comprises dans la redevance facturée aux usagers, qui se distingueraient de celles qui sont offertes en sus dans certaines structures. A l’issue d’une période transitoire de trois à cinq ans, tous les logements-foyers devraient pouvoir proposer ce socle minimal. Seuls les établissements les proposant accéderaient au « forfait autonomie », aux aides de la CNAV et au plan d’aide à l’investissement (PAI) de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (5). Pour le groupe de travail, « l’accès à ces aides aurait ainsi un effet levier pour l’évolution du parc de logements-foyers, l’inscrivant de façon délibérée dans l’offre gérontologique locale ». En ce sens, souligne-t-il, cette proposition rejoint celles formulées par l’Assemblée des départements de France et le rapport « Broussy » visant à mettre en place des plateformes de services intégrés (6).
Les logements-foyers sont des établissements accueillant des personnes autonomes dont la mission est de préserver l’autonomie, rappelle le groupe de travail, pour qui il convient de maintenir le principe de l’accueil des personnes âgées classées en groupe iso-ressources (GIR) 5 et 6 (c’est-à-dire les moins dépendantes). Toutefois, au regard de cette même mission de prévention, il pourrait être prévu une possibilité de dérogation à cette règle lorsque le logement-foyer a passé une convention avec un SSIAD, un service polyvalent d’aide et de soins à domicile ou un infirmier libéral et avec un EHPAD, lorsqu’il est inscrit dans une coordination gérontologique et lorsque cet accueil entre dans le cadre de son projet d’établissement. « Les personnes relevant du GIR 4 pourraient ainsi entrer dans ces établissements », suggère le rapport. En conséquence, le rapport propose de supprimer l’obligation qu’ont actuellement les logements-foyers de calculer chaque année leur GIR moyen pondéré (GMP) et d’attester qu’il ne dépasse pas 300, et de la remplacer par des règles plus adaptées.
Dans un communiqué du 7 janvier, la ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie indique avoir retenu les propositions formulées par le groupe de travail, qui seront versées à la concertation en cours sur le projet de loi de programmation et d’orientation pour l’adaptation de la société au vieillissement (7). Elle reprend en particulier la création d’un « forfait autonomie » dans les logements-foyers, qui doit « permettre à ces établissements de mieux assurer leur mission de prévention » de la perte d’autonomie. Un forfait autonomie déjà évoqué par le Premier ministre lors du lancement de la concertation en novembre dernier. Mais surtout, Michèle Delaunay annonce que l’objectif est aussi de rénover le parc actuel des logements-foyers « grâce à un plan d’investissement de 50 millions d’euros sur trois ans, dont 10 millions d’euros dès 2014 ». Alors que le rapport suggère que le plan d’aide à l’investissement (PAI) de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie puisse être ouvert aux logements-foyers, les services du ministère ont précisé aux ASH que les 50 millions d’euros venaient en plus du PAI, qui reste réservé aux EHPAD.
(1) Groupe de travail installé sous la houlette de la direction générale de la cohésion sociale, et associant les gestionnaires d’EHPA, les bailleurs sociaux, les administrations et caisses de retraite concernées ainsi que l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale.
(2) Rapport sur l’habitat collectif des personnes âgées autonomes – Disponible sur
(3) Il s’agit notamment d’individualiser les charges dues par les occupants qui sont souvent obligés de payer des prestations qu’ils n’utilisent pas, y compris lorsqu’ils n’occupent pas le logement (par exemple en cas d’hospitalisation).
(4) Voir ASH n° 2838 du 20-12-13, p. 12.
(5) L’accès des logements-foyers au PAI nécessiterait que le périmètre de ce dernier, actuellement limité aux EHPAD, soit modifié, indique le rapport. Une suggestion loin de faire l’unanimité parmi les membres du groupe de travail.
(6) Sur le rapport « Broussy », voir ASH n° 2801 du 15-03-13, p. 5.
(7) Voir ASH n° 2836 du 6-12-13, p. 9.