Pour la première fois, une étude de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) évalue le fonctionnement des communautés thérapeutiques, structures d’hébergement destinées à aider des personnes dépendantes à une ou plusieurs substances psychoactives à se débarrasser de leur addiction (1). Le dispositif repose sur une vie communautaire avec des personnels d’encadrement. L’accompagnement s’appuie sur les compétences d’un groupe de pairs, leur influence étant considérée comme un des facteurs prioritaires du changement individuel (2). Alors qu’à l’étranger les communautés existent depuis longtemps, en France, sept établissements de ce type ont été créés à titre expérimental depuis 2007 sous l’impulsion gouvernementale (3). Réalisé à partir d’une enquête sociologique conduite pendant les deux premières années de deux communautés situées en Aquitaine, le rapport décrypte le fonctionnement de ces structures, analyse les points positifs et les difficultés rencontrées par les professionnels et par les résidents.
Principal succès des communautés : elles ont su se prémunir de toute dérive autoritaire. « En faisant le choix de l’ouverture, de la transparence et de l’intégration dans le tissu local », les deux communautés étudiées ont neutralisé les risques de dérive sectaire, principaux freins au développement de ce dispositif en France. Pour mémoire, l’unique communauté fondée en 1974 par l’association Le Patriarche a été considérée comme une secte en 1995, ce qui a amené les professionnels à rejeter cette modalité thérapeutique. Autre aspect positif : les bénéfices pour les résidents sont réels. Ils se sentent mieux, perçoivent très positivement le fait de « pouvoir poser leurs valises », ressentent de la fierté à réduire leur consommation de drogue ou à y mettre fin. « La longue durée potentielle de la prise en charge en communauté thérapeutique constitue pour eux la spécificité de ce dispositif qui répond à leur sentiment d’insécurité », relèvent les auteurs.
Pour autant, les deux communautés étudiées ont développé un modèle de prise en charge qui reste assez classique : rapport asymétrique entre professionnels et résidents, leadership des professionnels, travail éducatif comme activité centrale, gestion du groupe par des animateurs. Au final, les équipes – en particulier les éducateurs – se sont montrées au départ assez méfiantes et réticentes à appliquer les principes communautaires. L’idée de donner des responsabilités aux résidents a provoqué de fortes résistances de la part de certains professionnels.
Parmi les pistes de progression du dispositif, les auteurs invitent à développer les ateliers techniques et les activités socioculturelles. Ceux-ci occupent « une place centrale » pour les résidents car ils revêtent une dimension thérapeutique et forgent leur engagement dans la communauté. Espaces d’échanges, de défoulement, de parole et d’apprentissage, ils produisent un rythme de vie qui porte les résidents au fil des semaines et constituent « le cœur de l’offre des communautés thérapeutiques ». Par ailleurs, les familles ainsi que les exusagers pourraient jouer un plus grand rôle dans le dispositif, suggère le rapport, indiquant que certaines communautés thérapeutiques européennes intègrent également la famille, afin de renforcer la motivation de l’usager et de passer les caps difficiles. Dans certains pays, les anciens résidents intègrent la communauté comme salariés.
Enfin, les auteurs proposent d’évaluer différemment les communautés thérapeutiques. Actuellement, l’évaluation repose sur la rétention du résident (temps passé dans la communauté), son insertion et son abstinence. Mais l’efficacité du dispositif doit aussi être jugée sur la capacité de la communauté à garder le contact avec les résidents qui en sont partis et à leur offrir des solutions de suite, ce qui nécessite qu’elle se situe « au cœur d’un réseau dense de dispositifs ».
(1) Rapport disponible sur
(2) Voir notre « Décryptage » intitulé « L’alliance des pairs et des professionnels » dans les ASH n° 2648 du 26-02-10, p. 24, et notre « Vos pratiques » sur la communauté de Brantôme (Dordogne) dans les ASH n° 2613 du 12-06-09, p. 38.
(3) Plans gouvernementaux de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool (2004-2008 et 2008-2011) – Voir ASH n° 2479 du 17-11-06, p. 7.