Al’issue de plus de un an de préparation et de concertation avec les partenaires sociaux et après des débats parlementaires houleux (1), la loi garantissant l’avenir et la justice du système des retraites a été définitivement adoptée le 18 décembre. Une loi dont l’entrée en vigueur est toutefois conditionnée à la décision du Conseil constitutionnel, saisi par l’opposition. Avec ce texte, le gouvernement affiche deux principaux objectifs : redresser les comptes des régimes de retraite au moyen notamment de la hausse progressive de la durée d’assurance cotisée requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein ; corriger les inégalités les plus importantes face à la retraite, par exemple, par une meilleure reconnaissance de la pénibilité du travail ou par l’ouverture d’un droit à l’assurance vieillesse aux aidants de personnes handicapées. Tour d’horizon des principales dispositions.
Conformément à la réforme des retraites de 2010, un décret devait, quatre ans avant le 60e anniversaire des assurés, fixer leur durée de cotisation. Ce mécanisme est supprimé par la nouvelle loi qui, pour assurer la pérennité financière des régimes de retraite au regard de l’augmentation de l’espérance de vie, prévoit désormais que la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une pension de vieillesse à taux plein évoluera de un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035 pour les assurés nés entre 1958 et 1973. Une mesure qui s’appliquera aux salariés et aux fonctionnaires. La durée de cotisation passera ainsi à :
→ 167 trimestres pour les assurés nés entre le 1er janvier 1958 – qui atteindront l’âge légal de départ à la retraite (62 ans) en 2020 – et le 31 décembre 1960 (soit 41 ans et 3 trimestres) ;
→ 168 trimestres pour les assurés nés entre le 1er janvier 1961 et le 31 décembre 1963 (soit 42 ans) ;
→ 169 trimestres pour les assurés nés entre le 1er janvier 1964 et le 31 décembre 1966 (soit 42 ans et 1 trimestre) ;
→ 170 trimestres pour les assurés nés entre le 1er janvier 1967 et le 31 décembre 1969 (soit 42 ans et 2 trimestres) ;
→ 171 trimestres pour les assurés nés entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1972 (soit 42 ans et 3 trimestres) ;
→ 172 trimestres pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1973 (soit 43 ans).
Parallèlement, pour financer les retraites, le gouvernement augmentera, par voie de décret, la cotisation d’assurance vieillesse due par les actifs et par les entreprises : + 0,15 point en 2014, puis + 0,05 point chacune des trois années suivantes.
La loi prévoit aussi que la revalorisation annuelle des pensions de vieillesse interviendra en octobre, et non plus en avril (2). Toutefois, ce report ne concerne pas un certain nombre d’allocations qui seront toujours revalorisées au 1er avril, à savoir : l’allocation de solidarité aux personnes âgées – ainsi que l’allocation spéciale pour les personnes âgées à Mayotte –, l’allocation supplémentaire d’invalidité, les anciennes allocations du minimum vieillesse et la pension d’invalidité (que ce soit pour les salariés ou les fonctionnaires).
A compter du 1er janvier 2015, les salariés des employeurs de droit privé et le personnel des personnes publiques employé dans les conditions de droit privé pourront disposer d’un compte personnel de prévention de la pénibilité. Ainsi, l’exposition à un ou plusieurs facteurs de pénibilité dépassant des seuils déterminés par décret ouvrira droit à des points portés à ce compte. Lors de la présentation des grandes lignes du projet de loi en août dernier (3), le Premier ministre a indiqué que chaque trimestre d’exposition donnerait droit à un point ou à deux points en cas d’exposition à plusieurs facteurs, le nombre total des points devant être plafonné à 100. D’après la loi, les points acquis pourront être affectés en tout ou partie :
→ à la prise en charge de tout ou partie des frais d’une action de formation professionnelle continue permettant au salarié de se réorienter vers un métier moins pénible (4) ;
→ au financement d’un maintien de rémunération lors d’un passage à temps partiel en fin de carrière ;
→ au financement de la majoration de durée d’assurance vieillesse octroyée à tous les titulaires d’un compte personnel de pénibilité et d’un départ anticipé à la retraite.
A tout moment de sa carrière, le salarié pourra demander à utiliser ses points pour financer une formation professionnelle continue. En revanche, il devra attendre l’âge de 55 ans pour formuler une demande d’utilisation de ses points en vue de sa retraite anticipée.
Un fonds spécifique sera créé pour assurer le financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité. Il sera abondé par :
→ une cotisation due par tous les employeurs entrant dans le champ d’application du compte, égale à un pourcentage fixé par décret dans la limite de 0,2 % de leur masse salariale ;
→ une cotisation additionnelle due par les employeurs exposant au moins un de leurs salariés à l’un des facteurs de risques professionnels, égale à un pourcentage fixé par décret entre 0,3 et 0,8 % de leur masse salariale – ou entre 0,6 et 1,6 % en cas d’exposition des salariés à plusieurs facteurs.
Rappelons que, pour répondre aux inquiétudes des entreprises et des représentants de salariés, les ministres chargés des affaires sociales et du travail ont, le 27 novembre dernier, confié à Michel de Virville, conseiller-maître à la Cour des comptes et connaisseur des questions sociales, une « mission de facilitation et de concertation permanente sur la mise en œuvre opérationnelle du compte personnel de prévention de la pénibilité ».
Comme actuellement, pour l’acquisition de trimestres d’assurance vieillesse, les périodes d’assurance ne pourront être retenues que si elles ont donné lieu au versement d’un minimum de cotisations, un minimum déterminé par décret qui va être abaissé. Ainsi, à partir du 1er janvier 2014, les assurés devront justifier l’équivalent de 150 heures rémunérées au SMIC pour pouvoir valider un trimestre (contre 200 heures aujourd’hui), a précisé Jean-Marc Ayrault en août dernier. Une disposition qui doit favoriser les personnes ayant travaillé à temps partiel, comme les femmes (82?%), les étudiants, les travailleurs saisonniers ou précaires.
Le texte prévoit aussi un certain nombre de mesures de justice. Par exemple, il sera désormais possible de valider au titre de l’assurance vieillesse, sous certaines conditions, les périodes de stages gratifiés, d’apprentissage et de formation des demandeurs d’emploi effectuées à compter du 1er janvier 2015. Par ailleurs, la loi donne la possibilité aux jeunes entrant dans la vie active de racheter, à un tarif préférentiel, jusqu’à quatre trimestres d’assurance au titre de leurs études supérieures dans les dix ans qui suivent la fin de leurs études. Cette possibilité de rachat de trimestres sera également offerte, sous certaines conditions, aux apprentis au titre des années où ils étaient en apprentissage et aux assistantes maternelles au titre des périodes d’activité incomplète.
La loi facilite l’accès à la retraite anticipée des personnes handicapées. Celles-ci peuvent aujourd’hui liquider une pension de vieillesse à taux plein dès l’âge de 55 ans, sous réserve de justifier de la durée d’assurance requise pour leur génération, et de la qualité de travailleur handicapé ou d’un taux d’incapacité permanente de 80 %. Non seulement le texte abaisse le taux d’incapacité à 50 % pour les pensions des assurés des secteurs privé et public qui prendront effet à compter du 1er février 2014, mais il supprime aussi la condition de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé à partir de 2016.
En outre, les parlementaires ont adopté une disposition qui permettra à tous les assurés (secteurs privé et public) justifiant d’un taux d’incapacité permanente de 50 % – et non plus seulement aux seuls assurés handicapés – de bénéficier d’une pension de retraite à taux plein dès l’âge de 62 ans. Une disposition qui s’appliquera aux pensions prenant effet à compter du 1er février 2014.
Aujourd’hui, pour pouvoir être affiliés gratuitement à l’assurance vieillesse, les personnes bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale et d’un congé de soutien familial doivent justifier de ressources inférieures à un certain plafond (5). Une condition que la loi supprime à partir du 1er février 2014. Autre précision du texte : à compter du 1er janvier 2015, les personnes résidant dans les départements d’outre-mer qui ont la charge d’un enfant (non plus exclusivement d’un enfant handicapé), d’un adulte handicapé ou – ce qui est aussi nouveau – d’une personne âgée dépendante seront obligatoirement affiliées à l’assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale.
Par ailleurs, la loi prévoit que « l’assuré social assumant, au foyer familial, la prise en charge permanente d’un adulte handicapé dont l’incapacité permanente est supérieure à un taux fixé par décret, qui est son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son ascendant, descendant ou collatéral ou l’ascendant, descendant ou collatéral d’un des membres du couple, bénéficie d’une majoration de durée d’assurance d’un trimestre par période de 30 mois, dans la limite de huit trimestres. » Cette disposition s’appliquera aux périodes de prise en charge intervenues à compter du 1er février 2014.
(1) Le texte n’a en effet pas recueilli les faveurs des sénateurs en première lecture. La commission mixte paritaire – qui réunit sept députés et sept sénateurs – n’étant pas parvenue à un accord, le projet de loi a dû être réexaminé par les deux chambres. Le Sénat l’ayant une nouvelle fois rejeté, c’est donc l’Assemblée nationale qui a eu le dernier mot.
(2) Le mécanisme de revalorisation demeure identique. Toutefois, celle-ci se fonde dorénavant sur les prévisions d’inflation prévues par le gouvernement dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances et non plus sur celles établies au printemps précédent par la commission économique de la Nation.
(4) Les points seront convertis en heures de formation et abonderont ainsi le compte personnel de formation du salarié prévu par la loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi et qui devrait être mis en place le 1er janvier 2015 – Voir ASH n° 2827 du 4-10-13, p. 43 et n° 2838 du 20-12-13, p. 16.
(5) Pour les titulaires du congé de présence parentale, le plafond de ressources à ne pas dépasser est celui, pour une personne seule, applicable à l’allocation de rentrée scolaire (23 687 € pour un enfant en 2013) et, pour un couple, au complément familial (44 772 €). Pour les bénéficiaires du congé de soutien familial, ce sont les plafonds du complément familial qui s’appliquent (36 599 € pour une personne seule et 44 772 € pour un couple en 2013).