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Gratification : les acteurs de la formation unis pour réclamer des mesures urgentes

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Rassemblés lors d’une table ronde par l’Unaforis, ils ont demandé à l’Etat de prendre ses responsabilités sur la gratification et formulé, plus largement, des propositions pour améliorer la mise en œuvre de l’alternance.

A quatre ans d’intervalle, les tables rondes se suivent, mais ne se ressemblent pas. En janvier 2010, face à la pression des acteurs, la direction générale de l’action sociale avait réuni l’ensemble des partenaires concernés pour débattre de « l’alternance dans les formations sociales ». Le 18 décembre dernier, les organisations – Assemblée des départements de France (ADF), Association des régions de France, (ARF), Union nationale des centres communaux d’action sociale, fédérations gestionnaires, partenaires sociaux – se sont retrouvées à nouveau autour de « l’alternance intégrative ». Première différence de taille, néanmoins : dans un contexte singulièrement aggravé, la table ronde était, cette fois, à l’initiative de l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale) (1), et elle s’est déroulée sans les représentants des ministères des Affaires sociales et de l’Enseignement supérieur, « qui se sont fait excuser » – même si les centres de formation ont obtenu un rendez-vous le 14 janvier avec le conseiller social du Premier ministre. Deuxième divergence : les étudiants ont pu exprimer leurs points de vue par le biais de leurs délégués nationaux (deux membres de la Coordination nationale étaient invités) et régionaux (une vingtaine étaient présents dans la salle).

« Un investissement »

« Le dialogue a été constructif, signe que, sur ce sujet lourd, on peut parler calmement », se réjouit Pierre Gauthier, président de l’Unaforis. Une sérénité due en partie, il faut bien le reconnaître, à l’absence des représentants des ministères. L’ensemble des participants se sont ainsi retrouvés autour d’une conviction commune : l’alternance intégrative – et les stages longs – doit rester le fondement des formations sociales. « C’est un investissement et non une charge que nous voulons poursuivre », affirme Jean-Marie Poujol, membre du bureau du Syneas (Syndicat des employeurs associatifs de l’action sociale et médico-sociale). Tous ont également défendu la gratification au sens où les étudiants des formations sociales ne doivent pas être exclus du droit commun, et demandé à l’Etat de prendre ses responsabilités en la matière. « Que les administrations fassent leur travail au lieu de renvoyer la balle à d’autres ! », lâche Pierre Gauthier. « Les employeurs n’ont pas les moyens, notamment pour les petites structures, de rétribuer les stagiaires sur leurs fonds propres » !, renchérit Jean-Marie Poujol. Pour tous, le problème urgent reste le financement de la gratification, que l’Unaforis évalue à 29 millions d’euros annuels (après la loi Fioraso). Ce qui, ramené au budget de l’Etat et au vu des enjeux, « est loin d’être insurmontable », commente Pierre Gauthier.

Il n’empêche, ce financement continue de nourrir le dialogue de sourds entre les employeurs et la direction générale de la cohésion sociale. Pour cette dernière, comme elle l’indique dans une instruction aux préfets et aux services déconcentrés du 3 décembre, des crédits ont été dégagés pour les établissements et services financés par l’ONDAM (objectif national des dépenses d’assurance maladie) médico-social « pour soutenir au cas par cas les structures en difficulté pour le financement de la gratification ». Mais, outre le fait que cela ne règle qu’une partie des structures (quid par exemple des CHRS ?), « ces sommes semblent avoir été utilisées autrement », pointe Pierre Gauthier. D’où différentes propositions pour assurer le fléchage des crédits et éviter leur dissolution dans d’autres budgets. Jean-Pierre Hardy, chef du service « politiques sociales » de l’ADF, continue ainsi à réclamer que la gratification des stagiaires soit considérée comme une des missions d’intérêt général des établissements et financée à ce titre par des crédits de la sécurité sociale et de l’Etat. L’ARF se demande, de son côté, s’il ne serait pas envisageable de s’inspirer du système mis en place pour les étudiants du secteur paramédical : les conseils régionaux leur versent des indemnités de stage (auxquelles s’ajoute le remboursement des frais kilométriques), qui ont fait l’objet d’une compensation par l’Etat. Reste que leur montant est moins élevé que la gratification…

Faudrait-il, par ailleurs, créer une obligation d’accueil des stagiaires à la charge des employeurs, comme l’a suggéré un participant ? Proposition aussitôt rejetée par le Syneas, qui estime qu’« on ne peut pas agir par la contrainte et la culpabilisation ». Il y voit aussi des risques d’effets pervers sur la qualité de l’accueil et de dévoiement du stage « qui n’est pas un contrat de travail ». Il se dit par contre favorable à ce que l’accueil des stagiairessoit un critère de l’évaluation externe des établissements (2) parce qu’il « participe à l’amélioration de la qualité ». Enfin, la gestion pour le moins cacophonique du dossier de la gratification, comme l’a montré la parution – inattendue – de la circulaire Fioraso (3), renvoie à une question de fond, affirme Chantal Cornier, vice-présidente de l’Unaforis : le dispositif de formation est éclaté entre le ministère des Affaires sociales, celui de l’Enseignement supérieur et l’ARF. Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Massification des stages

La gratification n’est toutefois que la partie émergée de l’iceberg, sont convenus les participants. Et la table ronde a permis d’aborder les autres facteurs qui expliquent la pénurie de stages. Il y a le phénomène de « massification des stages », qui met les étudiants des formations sociales en concurrence avec ceux des bac pro, les apprentis, les emplois d’avenir… Ou encore les contraintes pesant sur les employeurs, « dont la préoccupation est avant tout d’assurer la continuité et la qualité de la prise en charge », et qui « ont la tête ailleurs », comme l’explique de façon imagée Jean-Marie Poujol.

A cela s’ajoutent les difficultés liées à l’ingénierie complexe de l’alternance intégrative, qui entraîne de nouvelles exigences pour les employeurs… Et plusieurs propositions ont été formulées pour faciliter sa mise en œuvre : réguler la mise en stages au plan régional en associant l’ensemble des acteurs (à l’image du comité de suivi mis en place par l’Etat et la région en Bretagne), renforcer les liens entre les centres de formation et les employeurs afin de sensibiliser ces derniers à l’alternance, soutenir les tuteurs…

Autant d’éléments que l’Unaforis devrait reprendre dans une note de synthèse dont elle se servira lors de son rendez-vous en janvier au cabinet du Premier ministre. Elle compte obtenir à cette occasion des précisions sur la concertation annoncée par Geneviève Fioraso sur les difficultés financières de la gratification et sur laquelle elle n’a aucune nouvelle. Cette synthèse devrait l’aider également à préparer sa participation aux « états généraux du travail social » où l’alternance devrait être abordée. Sachant, martèle Chantal Cornier, que « c’est maintenant et pas en octobre prochain qu’il faut s’y mettre ! ».

NOUVELLES MOBILISATIONS DES ÉTUDIANTS LE 6 FÉVRIER PROCHAIN

Le 14 décembre, 300 étudiants (selon les organisateurs) venus de toute la France ont défilé à Paris à l’appel de la Coordination nationale des étudiants en travail social. Une délégation a été reçue au cabinet de Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur. « On a remis un état des lieux sur les problèmes posés par la gratification et nos revendications, notamment le déblocage de fonds en urgence et des budgets fléchés vers les établissements publics et privés (4). On devrait nous fixer un nouveau rendez-vous vers février », rapporte Fabien Gella, représentant de la coordination. Cette dernière appelle à nouveau les étudiants à organiser des mobilisations locales le 6 février prochain.

Notes

(1) Qui l’a organisée à partir des remontées des débats orchestrés en novembre par les centres de formation sur les territoires.

2) Comme l’a proposé le groupe de travail Dinet/Thierry sur « la gouvernance des politiques de solidarité » constitué dans le cadre de la préparation du plan national de lutte contre la pauvreté.

(3) Voir ASH n° 2831 du 1-11-13, p. 15 et 34.

(4) Sur les autres revendications, voir ASH n° 2834 du 22-11-13, p. 20.

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