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Psychiatrie : un rapport demande l’intégration de ses préconisations dans la future loi de santé publique

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Il faut diminuer le nombre de rapports sur la psychiatrie et la santé mentale et donner la priorité à la mise en œuvre des recommandations récurrentes de la quinzaine de rapports qui se sont succédé en dix ans. C’est l’avis de la mission sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, constituée en fin d’année dernière par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, qui a rendu public son rapport final le 18 décembre (1). Présidée par le député (UMP) Jean-Pierre Barbier, la mission formule une série de recommandations visant à améliorer la prise en charge des personnes atteintes de maladie mentale (2). Lors de la présentation du texte en commission, son rapporteur, le député (PS) Denys Robiliard, a de son côté appelé à ce que les propositions de la mission soient mises en œuvre dans la future loi de santé publique prévue en 2014.

Rénover la notion de « secteur »

« Une personne sur quatre est susceptible de développer au cours de sa vie un trouble en santé mentale » et « 1 % de la population souffre de troubles schizophréniques », rappelle la mission tout en soulignant que cette forte prévalence engendre un coût économique et social d’environ 107 milliards d’euros par an (3). C’est pourquoi la santé mentale est « un enjeu à la fois sanitaire, social et économique » que la ministre de la Santé a inscrit dans la future stratégie nationale de santé (4), se félicite-t-elle. Toutefois, le « secteur » (5) – cadre de la prise en charge des patients présentant des troubles psychiatriques – souffre de plusieurs dysfonctionnements, à savoir, en amont, un accès aux soins de premier recours « difficile » et, en aval, une articulation avec les structures médico-sociales « déficiente ». La mission recommande donc de replacer l’usager au cœur du dispositif en rénovant le « secteur » autour d’une prise en charge intégrée qui privilégie l’inclusion sociale et la démocratie sanitaire. Il faudrait aussi, estime-t-elle, « réaffirmer la légitimité et l’actualité des secteurs en fixant par la loi leurs missions communes », établir des passerelles avec les établissements médico-sociaux ou encore inciter les établissements de santé mentale et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à conclure des conventions prévoyant des consultations de psychiatres dans ces derniers et l’admission de leurs résidents à l’hôpital en cas de crise. Par ailleurs, s’agissant de l’objectif de prise en charge de proximité sur l’ensemble du territoire, la mission juge le bilan « décevant ». Relevant que les moyens entre secteurs sont inégaux – avec un écart allant de 9 à 16 équivalents temps plein (ETP) pour les psychiatres, de 54 à 140 ETP pour les infirmiers et de 50 à 300 pour ce qui concerne les lits –, elle préconise un renforcement des moyens humains et financiers.

Diminuer les délais d’accès aux soins

Il faut améliorer l’accès aux centres médico-psychologiques (CMP), plaide également le rapport. En effet, malgré un maillage « intense » de 3 800 CMP sur l’ensemble du territoire, le délai d’attente pour un premier rendez-vous peut atteindre jusqu’à six mois alors que ces structures sont considérées par les professionnels comme la porte d’entrée dans le dispositif de soins. Le rapport préconise donc de fixer, dans les schémas régionaux d’organisation des soins élaborés par les agences régionales de santé, un objectif de délai maximal pour obtenir un premier rendez-vous, d’organiser un système de pré-entretien avec le concours d’infirmiers ou de psychologues ou encore d’augmenter l’amplitude horaire et les jours d’ouverture des CMP. Autres recommandations : former les médecins généralistes à la détection des troubles psychiatriques et améliorer la prise en charge somatique des patients diagnostiqués.

Pour la mission, il faut aussi améliorer la prise en charge des troubles psychiatriques en milieu pénitentiaire. A ce titre, elle recommande de renforcer le temps d’intervention et le nombre de professionnels de santé mentale intervenant auprès des détenus, d’assurer un meilleur suivi de leur sortie en formalisant la coordination entre les services pénitentiaires d’insertion et de probation et les psychiatres ou encore de sensibiliser le personnel pénitentiaire aux pathologies psychiatriques dans le cadre de leur formation initiale et continue. Mais, surtout, elle appelle à évaluer l’application de l’article 122-1 du code pénal qui opère une distinction entre l’abolition et l’altération du discernement. Dans le premier cas, la personne n’est pas pénalement responsable de ses actes alors que, dans le second, elle est au contraire punissable mais la juridiction tient compte de l’existence du trouble psychique pour déterminer sa peine. Or, souligne la mission, si dans l’esprit du législateur cette mesure devait conduire à une réduction de la peine, dans les faits, au contraire, un « principe de précaution » conduit au prononcé de peines plus lourdes.

Le rapport appelle par ailleurs à conforter les politiques à destination des populations précaires, par exemple en généralisant les équipes mobiles psychiatrie-précarité et en soutenant la démarche « Un chez-soi d’abord ».

Développer la démocratie sanitaire

La mission recommande enfin de développer les conseils locaux de santé mentale (6). Pour elle, ces plateformes, qui permettent une coordination et une concertation des professionnels, des acteurs locaux et médico-sociaux, des usagers et de leurs familles…, constituent également un cadre de mobilisation des dispositifs de droit commun. Elle préconise donc l’élaboration d’un référentiel national « qui servirait de guide tout en gardant la souplesse nécessaire à l’adaptation au territoire » ainsi que leur extension à la pédopsychiatrie et à la psychiatrie du sujet âgé. Il faudrait aussi encourager la participation des usagers et de leurs familles via, notamment, le développement des groupes d’entraide mutuelle, plaide-t-elle.

Notes

(1) Rapport d’information n° 1662 – Disponible sur www.assemblee-nationale.fr.

(2) Signalons que la question des soins psychiatriques sans consentement n’est pas abordée dans ce rapport. Elle a en effet fait l’objet d’un rapport d’étape en mai dernier qui a inspiré la loi du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge – Voir respectivement ASH n° 2813 du 7-06-13, p. 11 et n° 2826 du 27-09-13, p. 50.

(3) Evaluation réalisée par la Cour des comptes.

(4) Voir ASH n° 2826 du 27-09-13, p. 8.

(5) Le secteur, consacré par une circulaire en 1960 puis par la loi en 1985, repose sur trois principes, rappelle la mission : la continuité de la prise en charge des patients, de la prévention à l’insertion en passant par le soin ; la pluridisciplinarité de la prise en charge sous l’autorité d’un médecin psychiatre « chef de secteur » ; la proximité de la prise en charge et l’égalité de traitement des patients. Ainsi, au plan géographique, un secteur couvre environ 70 000 habitants.

(6) Au nombre de 25 en 2009, ils seraient aujourd’hui plus d’une centaine, dont 64 en fonctionnement et 45 en gestation, chiffre la mission. Sur ces dispositifs, voir aussi le décryptage dans les ASH n° 2821 du 23-08-13, p. 26.

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