Recevoir la newsletter

Le linge sale de la démocratie

Article réservé aux abonnés

Cycle délicat, lavage à 90 °C, linge secoué, le tambour vibre, la machine tourne, tourne, tourne… en même temps que Floriane Devigne et Fred Florey tournent leur film. Les deux réalisateurs ont posé leur caméra dans la buanderie d’un immeuble de logements très sociaux pour capturer les échanges entre les locataires. En Suisse, traditionnellement, la laverie se situe au sous-sol des immeubles de location, et tous les habitants y lavent leur linge sale à l’abri des regards. A Lausanne, au 85, rue de Genève, les machines sont installées au rez-de-chaussée, entre les boîtes aux lettres et l’ascenseur… le sous-sol étant réservé à des activités de prostitution (1). Gérée par Claudina – gardienne des clés –, la pièce du hall d’entrée devient dès lors le théâtre d’une intimité partagée. La tâche de « dame lessive » est rude : à elle de faire respecter le planning des 80?utilisateurs, à elle de recueillir les plaintes des résidents et d’être le témoin de leurs conflits et règlements de comptes quotidiens. Il semble que, pour ces voisins de toutes origines, avoir le pouvoir sur la machine à laver devient un enjeu d’une terrible importance. Alors quand la mécanique s’enraye – que les machines cassent ou qu’une résidente refuse de payer pour leur utilisation –, ce ne sont plus seulement les roulements du tambour qui font trembler les murs. Mais l’ambiance est presque plus inquiétante quand, quelques heures durant, personne ne vient utiliser les trois machines qui, d’ordinaire, tournent à plein régime… Filmer la « chambre à lessive » n’est-il, pour les deux réalisateurs, qu’un prétexte pour combattre le cliché d’une « mentalité helvétique » respectueuse de l’ordre ? C’est, en tout cas, un excellent moyen de montrer une expérience de démocratie. Et que, dans ce lieu qu’on supposerait trivial, chaque protagoniste, bien que vivant dans une situation précaire et dans le dénuement, prend soin de ses habits pour garder sa dignité.

Le documentaire La clé de la chambre à lessive, filmé dans un espace exigu avec plein de délicatesse, vient d’être primé au festival « Traces de vies » (2) par le prix de la diversité ACSé (Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances).

La clé de la chambre à lessive

Floriane Devigne et Frédéric Florey – 1 h 12 – DVD en vente sur www.artfilm.ch – Projection le 31 janvier à 19 h 30, à la FEMIS – 6, rue Francœur, Paris XVIIIe

Notes

(1) En Suisse, la prostitution est autorisée et encadrée.

(2) Organisé à Clermont-Ferrand par l’Institut de travail social de la région Auvergne, ce festival vient d’achever sa 23e édition – Voir ASH n° 2834 du 22-11-13, p. 37.

Culture

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur