Les avocats pourraient-ils exercer des mesures de protection ? C’est la crainte de l’Association nationale des délégués et personnels des services mandataires à la protection juridique des majeurs (ANDP), après le rapport réalisé par le Conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris. Ce document propose en effet que l’avocat soit autorisé à exercer, « en sa qualité propre », la protection d’un majeur vulnérable, sans avoir à obtenir le certificat national de compétence de mandataire judiciaire, obligatoire depuis la réforme du 5 mars 2007. « La loi de 2007 n’autorise pas le juge à désigner un avocat comme mandataire alors que, dans l’ancien système, le procureur pouvait le faire, explique Marie-Hélène Isern-Réal, l’avocate qui a rédigé le rapport. De nombreux avocats exerçaient des mandats et donnaient entière satisfaction. » Elle rappelle que plusieurs pays européens permettent à ces auxiliaires de justice d’assumer des fonctions de protection et que la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme du 18 octobre 2011 a condamné un avocat autrichien à assumer gratuitement les fonctions de curateur d’une personne handicapée mentale. Le rapport propose la création d’une fonction d’« avocat protecteur », qui permettrait à un membre du barreau de protéger un majeur vulnérable au titre d’un mandat judiciaire sans avoir le statut de mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Dans une lettre ouverte au bâtonnier de Paris, Christiane Feral-Schuhl, l’ANDP s’oppose fermement à cette suggestion. Elle rappelle que l’activité de protection juridique des personnes majeures exige « une technicité dans de très nombreux domaines relevant tout à la fois du droit, de la gestion financière et administrative, de la clinique et de l’action sociale ». Elle souligne « la singularité et la complexité des fonctions » qui ne recoupent que « très partiellement celles de la profession d’avocat ». Rappelant qu’un projet de référentiel-métier est en cours, elle juge que cette initiative porte « atteinte à la recherche actuelle de statut et de reconnaissance » des mandataires judiciaires (1). L’association pointe aussi que, dans certaines situations, ce professionnel n’hésite pas à « déléguer et même [à] s’effacer derrière les compétences d’un avocat lorsque cela est nécessaire » et que « l’articulation » des deux métiers permet de « servir les intérêts de la personne vulnérable ».
Le rapport devrait être présenté prochainement à l’assemblée générale du Conseil national des barreaux, qui décidera ou non de saisir les pouvoirs publics en vue d’un changement législatif. L’ANDP estime qu’« il serait risqué de confondre les deux [métiers] alors que leurs places singulières et respectives […] sont une garantie pour les libertés individuelles ».
(1) Dans une lettre ouverte aux syndicats employeurs de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale à but non lucratif, l’ANDP plaide pour l’intégration du métier de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et de celui de délégué aux prestations familiales dans le champ de la convention collective du 15 mars 1966.