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« Je suis fière de ce comité. Je me battrai pour lui »

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Céline Raphaël est médecin et membre du comité de suivi du colloque sur la maltraitance des enfants (1), que Laurent Puech a quitté bruyamment fin novembre (2). Elle répond ici à certains des arguments avancés par l’ancien président de l’Association nationale des assistants de service social pour expliquer son départ.

« Blessée à la lecture de cet article, je tiens à m’exprimer à titre personnel car il me semble que la vision de Laurent Puech sur le travail de ce comité est injuste et erronée. De plus, je regrette sincèrement qu’un professionnel de l’enfance ayant accepté d’y participer puisse divulguer sans aucune réserve, même s’il n’en fait plus partie, le contenu de ces réunions. Il me semble que nous pourrons être jugés sur ce travail une fois le rapport rendu (en juin 2014), mais pas avant.

Le colloque organisé le 14 juin 2013 fut un grand succès. Cinq ministres et de nombreux professionnels de l’enfance se sont déplacés, nous assurant de leur soutien et de leur volonté de faire de la lutte contre la maltraitance une priorité. Afin que cette journée d’envergure ne soit pas qu’un coup d’épée dans l’eau, le comité scientifique d’organisation du colloque a souhaité la formation d’un comité de suivi pluri-professionnel le plus représentatif possible du monde de la protection de l’enfance, incluant ainsi des représentants du corps médical, de la justice, de la police, de l’Education nationale, de l’administration, du travail social. Afin que ces membres aient la plus totale liberté de parole, il a été décidé de ne pas y inclure de représentants du gouvernement et aucun politique n’a cherché à en influencer les travaux.

Je suis peinée de lire que, d’après M. Puech, “nous n’avons pas construit les bases de notre travail”. Au contraire, s’appuyant sur l’année de travail préparatoire au colloque, l’objectif a été clairement exposé dès le début (les comptes rendus des premières réunions en attestent) : définir des problématiques prioritaires sur lesquelles auditionner des experts compétents dans le domaine de la protection de l’enfance afin de rendre un rapport au Premier ministre en juin 2014.

Par ailleurs, et pour aider à la chute des tabous sur la maltraitance faite aux enfants, une demande de Grande cause nationale 2014 est en cours d’élaboration et notre comité a été consulté sur le contenu technique du dossier.

J’ai souffert de la violence de mon père pendant 14 longues années. Personne n’a pu ou voulu voir cette souffrance et me tendre la main pour me sortir de cet enfer. C’est à une infirmière scolaire perspicace que je dois la vie. Tout au long de mon parcours, j’ai pâti de différentes lacunes du système, dont ce manque de formation si terrible que nous entendons dénoncer et la croyance tenace selon laquelle la maltraitance serait un phénomène marginal ne touchant que les marginaux.

Je suis terrifiée de lire que M. Puech s’insurge contre “le signalement et le partage d’informations obligatoires, par les médecins en particulier”, mais peut-être ne mesure-t-il pas à quel point les articles des divers codes concernant l’obligation de signaler pour les médecins sont peu clairs, à tel point que seuls 5 % des signalements proviennent du corps médical. Il n’ignore sûrement pas que si les différents secteurs de la protection de l’enfance étaient mieux décloisonnés, si l’information était réellement partagée entre professionnels, entre départements, le repérage et la prise en charge des enfants maltraités seraient tout autres. Dans mon cas, mes instituteurs, mon médecin de famille, le personnel des urgences m’ayant vu arriver avec une jambe ayant triplé de volume, auraient peut-être pu discuter ensemble pour réaliser l’évidence : j’étais une enfant maltraitée qu’il fallait d’urgence protéger.

Point de sensationnalisme ni de volonté de ma part de jouer sur l’émotion ou la culpabilisation. Ma souffrance est un fait avéré. La mort insupportable de trop nombreux enfants sous les coups de leurs parents également. Pourquoi vouloir nier ces drames ou les minimiser ? A travers l’écriture de mon livre La Démesure, à travers ma participation à ce comité, je me bats pour que les langues se délient et que les yeux s’ouvrent enfin. Et dans ce combat, je sais que je suis soutenue de manière sincère par Anne Tursz et André Vallini.

Je me suis battue pour survivre à mon père. C’était “marche ou crève” et j’ai eu la force de marcher. Je suis fière de ce comité. Je me battrai pour lui. »

Notes

(1) Elle est aussi l’auteure de La Démesure (éd. Max Milo, 2013), ouvrage témoignant de son passé d’enfant maltraitée – Voir ASH n° 2797 du 15-02-13, p. 38.

(2) Voir ASH n° 2836 du 6-12-13, p. 18.

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