Il faut remettre à jour le régime fiscal des organismes à but non lucratif pour leur permettre de « rester ou de redevenir les moteurs et les modèles de l’innovation sociale, envers les publics les plus défavorisés ou dans les territoires les moins lucratifs », plaident quatre députés (PS) dans un rapport remis au Premier ministre le 12 décembre (1) et bien accueilli par les acteurs du secteur (voir ce numéro, page 26). Rappelons en effet qu’il répond à une revendication des associations qui dénoncent une distorsion de concurrence avec le secteur privé lucratif liée à l’application du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) (2). En effet, ce dernier ne bénéficie pas aux organismes sans but lucratif non assujettis à l’impôt sur les sociétés. La mission des élus était donc d’examiner l’impact de la mise en œuvre du CICE sur la fiscalité des associations et de proposer des correctifs aux distorsions identifiées. Selon eux, ce crédit d’impôt représente un gain d’environ 1 milliard d’euros par an pour les entreprises privées qui interviennent dans des secteurs à forte présence associative alors qu’elles ne sont pas les acteurs qui répondent le mieux aux « objectifs de cohésion sociale ». Ecartant l’assujettissement du secteur non lucratif aux impôts commerciaux, ils formulent donc 20 propositions pour « une nouvelle fiscalité du secteur privé non lucratif ».
Tout d’abord, il faut inclure les associations dans la démarche de simplification de leurs obligations fiscales et administratives, recommandent les quatre députés. Dénonçant des lourdeurs non seulement fiscales mais aussi administratives, ils prônent une « procédure globale de simplification » reposant sur la dématérialisation de l’ensemble des procédures, sur la création d’un portail Internet unique ainsi que sur la mise à disposition des associations de « tous les outils nécessaires à leur développement ». Ils appellent également à créer un guichet fiscal unique « avec une doctrine homogène ». Par ailleurs, alors que les associations estiment que le relèvement du montant de l’abattement de taxe sur les salaires – obtenu en compensation du CICE – n’est pas suffisant (3), ils proposent de supprimer la taxe sur les salaires dans les secteurs où elle est financée par l’assurance maladie et de prévoir un abattement de taxe sur les salaires équivalent au CICE pour les associations ayant remporté un marché public. Ils suggèrent également de relever la franchise d’impôts commerciaux à 80 000 € ou à 5 % des recettes (au lieu de 60 000 € à l’heure actuelle), à condition que les activités non lucratives restent prépondérantes (et non plus « significativement » prépondérantes). Autres propositions : assurer une neutralité de la fiscalité par rapport à l’organisation centralisée ou décentralisée des structures, faciliter l’accès aux dons et au mécénat, clarifier et simplifier le régime fiscal des subventions ou encore favoriser les reprises et les fusions d’associations.
Dans le secteur social et médico-social, le rapport appelle à redéfinir les modalités et le champ d’application de la procédure des appels à projets qu’il juge défavorables aux organismes à but non lucratif. En effet, explique-t-il, la constitution des dossiers de candidature, « relativement lourds et dans des délais contraints », nécessite des moyens techniques et administratifs dont ces organismes ne disposent pas toujours. Il faut aussi favoriser l’adoption de conventions collectives unifiées pour un même champ d’activités, plaide le rapport, tout en soulignant que c’est en particulier le cas pour les crèches et les services à domicile où la différence des coûts salariaux avantage le secteur lucratif. Par ailleurs, ses auteurs recommandent la création de missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC) dans le secteur médico-social ainsi que pour les services de soins infirmiers à domicile, financées par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie sur une partie des crédits provenant de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie. En parallèle, ils appellent à réexaminer les démarches de convergence tarifaire qui touchent « quasi exclusivement » les établissements associatifs et publics sans tenir compte des missions exercées. Selon eux, ces démarches devraient même être « suspendues » dans l’attente de la définition de MIGAC. Enfin, ils recommandent un régime unique d’autorisation des services à domicile qui s’adressent à des personnes vulnérables afin de garantir la qualité des prestations, la compétence des intervenants, la maîtrise des tarifs ainsi que la couverture optimale des territoires.
Ces propositions, dont un grand nombre ne nécessitent pas d’évolution législative, ont vocation à éclairer des débats en cours ou à venir et, plus particulièrement pour ce qui concerne le secteur médico-social, la préparation de la future loi sur l’adaptation de la société au vieillissement, a indiqué Matignon dans un communiqué. Elles seront également prises en compte par le gouvernement dans le cadre de la réforme de la fiscalité.
(1) « Impact de la mise en œuvre du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) sur la fiscalité du secteur privé non lucratif » – Yves Blein, Laurent Grandguillaume, Jérôme Guedj, Régis Juanico – Décembre 2013 – Disponible sur
(2) Voir en dernier lieu ASH n° 2836 du 6-12-13, p. 20.
(3) Sur le relèvement de l’abattement, voir ASH n° 2801 du 15-03-13, p. 48.