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Le CSTS se penche sur le « consentement éclairé » de la personne

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Dans un avis tout en nuances, il examine les modalités permettant aux travailleurs sociaux de recueillir l’accord de l’usager. Une pratique délicate qui demande du temps et de l’attention, mais qui doit être valorisée.

Lors de sa séance plénière du 6 décembre, le Conseil supérieur du travail social (CSTS) a adopté un avis préparé par sa commission « Ethique et déontologie » sur le « consentement éclairé ». Des préconisations particulièrement utiles pour les professionnels « au moment où la place accordée à la personne est devenue une préoccupation majeure des institutions sanitaires et sociales ainsi qu’une exigence réglementaire de plus en plus fréquente », comme le rappelle le conseil. Qui, par cet avis, « soutient l’ambition du travail social de rechercher l’accord des personnes et d’agir avec elles, au-delà même de ce que la loi exige ».

Une exigence éthique

La nécessité de recueillir le consentement de l’usager après l’avoir éclairé a en effet été reconnue par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale et la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, suivies ensuite par la loi du 5 mars 2007 relative à la protection des majeurs et celle du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. Mais, au-delà, le recueil de l’accord des personnes, voire leur adhésion, est une exigence éthique du travail social depuis sa fondation, précise le CSTS. « Dans tous les métiers du travail social, le “savoir être” est autant travaillé que le “savoir-faire” […] parce que l’attitude (respect, neutralité, empathie…) et la posture (clinique, accompagnement aux côtés de l’usager) doivent favoriser l’autonomie et le “développement du pouvoir d’agir” des personnes ou des groupes et éviter au maximum de limiter la liberté de l’usager, parfois contraint par l’aide dont il a besoin. »

Ces principes posés, l’avis revient sur le sens du « consentement éclairé », en général, en droit, dans l’action sanitaire, dans l’action sociale. Il précise d’ailleurs que, dans ce dernier champ, les dérogations sont très rares : au contraire, le consentement et la participation de la personne figurent dans la charte des droits et libertés de la personne accueillie édictée pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux et ils doivent être examinés dans le cadre de l’évaluation des activités et de la qualité des prestations (à travers l’évaluation du projet personnalisé).

Reste que, dans la pratique, de nombreuses questions se posent, auxquelles le CSTS tente de répondre. Tout d’abord, le consentement s’inscrit dans une relation inégalitaire, ce qui peut entraîner un pouvoir du professionnel ou la soumission de l’usager. Ensuite, c’est une « forme de contrat » qui « peut se renégocier » : l’accord donné par une personne à une proposition de décision est « circonstanciel », soumis à des évolutions et n’exclut pas la possibilité de changer d’avis. « Aucun consentement n’est intangible », insiste le CSTS, qui juge « éthiquement choquant » d’en tirer argument « pour estimer qu’il n’y a plus rien à débattre ». Par ailleurs, explicite ou tacite, ce consentement s’insère dans des pratiques d’affirmation de soi et peut être « feint, simulé, stratégique », ce qui rend nécessaire d’en identifier la sincérité. Autre question : l’accord peut-il être repoussé au nom d’un « droit à l’indécision » ? Oui, répond le CSTS, sauf en présence d’un enjeu vital, du fait du devoir d’assistance à personne en danger. Le consentement peut être différé, repoussé du fait même qu’il est souvent « paradoxal » (la personne veut sauver la face ou composer avec sa situation) et qu’il est impossible de bien vérifier que l’information est réellement comprise.

« A la mesure de la vulnérabilité »

Faut-il obtenir un accord formel ? Dans certaines politiques sociales, la forme est essentielle, mais, dans la plupart, c’est la dignité de la personne qui est première, estime le CSTS. Et de relever qu’il reste toujours une tension entre ces deux approches auxquelles sont confrontés les travailleurs sociaux qui doivent articuler l’autonomie et la protection. Il recommande en tout cas, pour les personnes vulnérables, « que le consentement soit recherché autant que possible et éclairé avec une rigueur à la mesure de la vulnérabilité ».

Enfin, le refus de consentir est-il opposable au travailleur social ? Doit-il entraîner l’absence d’intervention ? Pour le CSTS, le consentement doit être recherché même dans les situations d’urgence. Et il faudra se référer au questionnement éthique et s’appuyer sur le soutien des équipes dans les situations extrêmes qui, par exemple, « obligent » un placement en maison de retraite ou « exigent » un traitement agressif/invalidant pour continuer à vivre. Une chose est sûre : le refus de consentement ne fait pas cesser l’intervention. « Il ne décharge pas l’intervenant de la responsabilité d’agir, mais entraîne des changements (parfois d’intervenant) en vue de repartir sur d’autres projets avec la personne concernée. »

Pas de méthode spécifique

Mais comment faire participer les personnes ? Le consentement éclairé « doit faire sens dans les références et les valeurs de la personne concernée, en termes de culture, d’idéaux et de croyances, et en fonction de sa lucidité, de ses capacités et de ses priorités ». Ce qui requiert « beaucoup de temps et d’attentions » : communication verbale et non verbale, entretiens multipliés pour reprendre/confirmer, comparer les points de vue… Ce qui suppose aussi d’« aller au domicile » pour prendre en compte le cadre de vie – avec à la clé la question des moyens mis à la disposition des professionnels. Pas de méthode spécifique pour recueillir le consentement éclairé, « l’essentiel est de réussir à bien engager la relation ». Avec le risque, lorsqu’il ne peut être atteint, d’un conflit éthique et parfois de l’échec de l’intervention, qui doit alors être analysé et assumé avec l’appui « absolument nécessaire » de l’équipe et de l’institution.

« Des résultats remarquables »

En termes de préconisations, le CSTS propose de reconnaître les limites du consentement. Tout d’abord la logique d’aide contrainte, qui amène à devoir admettre parfois l’absence de choix réel : pour accéder à un logement ou ne pas voir son enfant retiré de la famille, la personne a-t-elle vraiment le choix de ne pas consentir à la proposition d’accompagnement ? Ensuite, certaines personnes atteintes de maladies évolutives (Alzheimer ou handicaps) ne peuvent pas exprimer leur consentement : les travailleurs sociaux doivent alors comprendre et peser les conséquences de la proposition qui leur est faite. Enfin, l’usager peut être influencé par les informations données ou, à l’inverse, peut proposer sa propre solution inverse à l’indication donnée : l’écoute est donc essentielle pour qu’il y ait une réelle négociation. Mais, pour le CSTS, ces limites sont contrebalancées par les atouts de la notion de consentement éclairé, « un outil qui repositionne le travailleur social aux côtés de la personne concernée ». S’appuyant sur la mesure d’accompagnement social personnalisé, il souligne « combien la façon de donner place à l’usager peut donner des résultats remarquables » et invite à valoriser et à développer le recueil du consentement éclairé.

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