Alors qu’une majorité de Français expriment le souhait de pouvoir vieillir à leur domicile, « on ne compte aujourd’hui que 6 % de logements adaptés à l’avancée en âge sur l’ensemble du parc ». En outre, le nombre de dossiers d’aide à l’habitat augmente difficilement. Comment améliorer cette situation ? Dans le rapport qu’ils ont remis le 11 décembre à la ministre du Logement et à la ministre déléguée chargée des personnes âgées (1), le directeur général de la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), Pierre Mayeur, et la directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), Isabelle Rougier, émettent une cinquantaine de propositions qui, avec plusieurs autres rapports ayant déjà abordé le sujet (2), devraient alimenter la réflexion du gouvernement sur sa future loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement (voir ce numéro, page 9). Des propositions articulées autour de trois objectifs : mieux sensibiliser les ménages, les aidants et les professionnels à la réalisation de travaux d’adaptation ; faciliter et améliorer le parcours du demandeur de l’information jusqu’au financement et à la réalisation des travaux ; favoriser l’égalité de traitement des personnes âgées pour l’adaptation de leur logement sur l’ensemble du territoire national.
Pour Pierre Mayeur et Isabelle Rougier, une première voie d’amélioration consisterait à mieux sensibiliser, à l’échelle nationale, les personnes âgées, les aidants et les professionnels sur l’importance de la réalisation de travaux d’adaptation du logement. En effet, « un paradoxe demeure : le nombre de personnes âgées augmente mais le marché des travaux d’adaptation reste peu dynamique ». En cause, notamment, le manque de lisibilité des dispositifs – le rapport déplore une « dispersion des informations accessibles aux personnes âgées et des professionnels » –, mais aussi une certaine « réticence » des retraités à engager des travaux qui s’explique entre autres par « le déni de l’avancée en âge et ce qui l’accompagne, le reflet négatif renvoyé par la société ». Les deux directeurs suggèrent en conséquence de définir un plan d’actions conjoint couvrant l’ensemble des dimensions de la communication et touchant la diversité des publics visés. « Le contenu des informations délivrées […] devra être homogène, quelle que soit la source d’information interrogée », indique le rapport. De plus, la stratégie d’information devra prendre en compte la part du déni du vieillissement chez les retraités, en privilégiant une approche positive (en insistant par exemple sur les aspects liés à l’ergonomie, au confort et au bien-être).
Pierre Mayeur et Isabelle Rougier préconisent, par ailleurs, la rédaction d’un guide, destiné aux professionnels comme aux particuliers et qui, au-delà du travail de sensibilisation à la nécessité d’adapter son logement en fonction de ses besoins, aurait vocation à « rendre plus lisibles les principales étapes pour les particuliers, de la demande d’aide à la réalisation des travaux ».
Seconde voie d’amélioration identifiée : faciliter et améliorer le parcours du demandeur d’aide à l’adaptation de son logement. Le rapport évoque de nouveau, à cet égard, la question de l’accès à l’information. « Le parcours doit s’organiser à partir d’un accès facilité à l’information sur les travaux d’adaptation et les financements existants qui doit s’effectuer au plus près du terrain », estiment les auteurs, appelant de leurs vœux l’organisation d’un partenariat des acteurs locaux – délégations locales de l’ANAH, agences départementales d’information sur le logement, opérateurs, financeurs, centres locaux d’information et de coordination gérontologique, maisons départementales de l’autonomie – autour d’une stratégie d’information commune. Ils suggèrent également d’organiser et de coordonner l’information au plan départemental dans le cadre des schémas gérontologiques.
Les deux directeurs émettent par ailleurs plusieurs propositions visant à faciliter le financement des travaux et à mieux solvabiliser les retraités. « Si certains travaux à visée préventive peuvent être pris en charge par la majorité des ménages du fait de leur montant relativement limité, l’existence d’aides pour leur financement est un élément déterminant dans la prise de décision des ménages les plus modestes », explique le rapport. Aussi suggère-t-il notamment de proroger le crédit d’impôt ouvert aux personnes à mobilité réduite pour l’installation ou le remplacement des équipements spécialement conçus pour les personnes âgées ou handicapées, dont le champ pourrait être ouvert aux enfants ou neveux qui financent les travaux. Autres pistes de financement avancées : la mobilisation plus large du microcrédit ou bien encore de l’allocation logement (3) – « un moyen de solvabilisation extrêmement utile pour les personnes âgées les plus modestes, mais parfois peu connu » – pour développer des dispositifs de prêts complémentaires aux subventions.
Pour les rapporteurs, faciliter le financement des travaux devrait passer également par une amélioration de l’accompagnement du demandeur à toutes les étapes du parcours : diagnostic multicritères (technique, social…), établissement du programme de travaux, établissement du plan de financement, demande de financements et réalisation des travaux. Parmi les propositions avancées, on relèvera la mise en place d’un diagnostic « logement/autonomie » commun entre l’ANAH et l’Assurance retraite qui s’appuierait notamment sur la compétence des ergothérapeutes, la création d’un dossier unifié de demande d’aide, valable pour l’ANAH et le réseau de l’Assurance retraite – « le but étant de faciliter la constitution des dossiers de subvention lorsqu’ils sont éligibles aux aides des deux organismes » – ou bien encore le recours à un opérateur unique pour l’accompagnement du projet de travaux « depuis la phase d’information et de conseil sur les aides et les types de travaux, jusqu’à la livraison des travaux en passant par l’aide aux montages et l’ingénierie ». L’idée étant d’« assurer une prise en charge optimale des demandeurs, ainsi qu’une plus grande transparence sur les coûts et financements de l’ingénierie ».
La troisième et dernière voie d’amélioration consisterait à favoriser l’égalité de traitement sur le territoire. Les actions publiques en matière d’adaptation de l’habitat sont en effet « mises en œuvre de manière très hétérogène, qu’elles relèvent des départements ou des intercommunalités », relève le rapport. En outre, poursuit-il, « les opérations programmées où l’ANAH intervient en partenariat avec les collectivités territoriales ne couvrent aujourd’hui que deux tiers du territoire national ». Pierre Mayeur et Isabelle Rougier se sont donc attachés à proposer des modalités d’une meilleure prise en compte de cette problématique au niveau territorial, en particulier dans les différents outils de programmation comme le programme local de l’habitat, établi au niveau des intercommunalités. Ou bien encore le schéma gérontologique, qui est actuellement centré sur l’offre sociale et médico-sociale et qui devrait, selon eux, avoir également comme objectif de « faire le bilan de l’offre de logements au regard des besoins des personnes âgées et de déterminer les perspectives et les objectifs de développement de l’offre de logements adaptés ».
La CNAV et l’ANAH préconisent par ailleurs la création d’opérations programmées orientées vers le maintien à domicile, portées par les conseils généraux avec le soutien de l’agence. « Ces programmes, précisent-elles, devront intégrer également les dimensions de lutte contre l’habitat indigne et contre la précarité énergétique, afin de traiter toutes les situations de fragilité, facteurs de dépendance. »
Enfin, signalons que les auteurs souhaitent que, dans le cadre des négociations de la prochaine convention d’objectifs et de gestion avec l’Etat, le budget de la CNAV consacré aux aides à l’habitat soit sanctuarisé. Et plaident ainsi pour qu’une ligne budgétaire dédiée à l’habitat soit créée. « Les caisses régionales disposeraient […] d’une meilleure visibilité des aides délivrées. »
(1) Rapport disponible sur
(2) Voir en dernier lieu ASH n° 2801 du 15-03-13, p. 5.
(3) Il s’agit de l’allocation logement « accession », destinée à alléger les charges de remboursement des prêts contractés en cas de construction, d’acquisition ou d’amélioration d’un logement occupé par son propriétaire, lorsque ces situations ne relèvent pas du champ d’application de l’aide personnalisée au logement.