Notant « un certain essoufflement dans la mobilisation des pouvoirs publics contre les mutilations sexuelles féminines », la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) lance un appel à la vigilance dans un avis adopté le 28 novembre, évoquant « un contexte de persistance inquiétante de la pratique » (1).
La France a longtemps été en pointe sur le sujet mais « les progrès marquent le pas depuis quelques années », relève l’instance. « Le phénomène a connu des mutations, méconnues par les professionnels, ce qui a tendance à freiner le travail de prévention. » Ainsi, les variations dans les flux migratoires ont amené de nouvelles populations sur le territoire français, dont certaines sont issues de pays ou de régions dans lesquelles les mutilations sexuelles sont pratiquées, « ce que les professionnels en contact avec ces [publics] ne soupçonnent pas toujours ». Aussi et surtout, s’inquiète la CNCDH, « on constate, depuis quelques années, que la cible a en fait changé » : les adolescentes sont devenues une population à risque. En effet, « de nombreux témoignages font état de jeunes filles françaises, nées en France, déscolarisées au moment de l’entrée au collège et qui subissent un retour forcé dans le pays d’origine de leurs parents ». « Elles sont alors excisées, mariées de force, et après plusieurs années reviennent en France, souvent enceintes », affirme la commission, pour qui « ce phénomène nouveau appelle une vigilance particulière de la part des pouvoirs publics ».
Globalement, pour la CNCDH, « beaucoup reste encore à faire pour prévenir » les mutilations sexuelles féminines. Elle recommande notamment de renforcer la formation initiale et continue des professionnels des secteurs médical, judiciaire, social et de l’Education nationale. Ils « devront être formés sur le contexte géographique, social, familial des femmes et des familles concernées », ainsi que sur l’impact des mutilations sexuelles « non seulement sur la santé, mais aussi sur la sexualité et la vie affective », indique l’avis.
La commission attire par ailleurs l’attention des personnels de l’Education nationale sur les jeunes filles du primaire et du collège présentant un risque de déscolarisation. Et rappelle les obligations qui incombent aux professionnels de santé dans le signalement des mutilations sexuelles féminines, soulignant que le secret médical ne peut être opposé à leur dénonciation.
Enfin, la CNCDH invite la garde des Sceaux à faire figurer la question de ces mutilations dans la prochaine circulaire sur les instructions générales de politique pénale. « Ces instructions permettent une sensibilisation réelle des parquets à certaines problématiques » et « ont déjà démontré leur efficacité dans d’autres domaines comme, par exemple, celui des violences intrafamiliales ».
(1) Avis paru au J.O. du 11-12-13.