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Lutte contre la prostitution : adoption de la proposition de loi en première lecture

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Pénaliser le client, renforcer la protection des victimes, instaurer un parcours de sortie de la prostitution… Telles sont quelques-unes des mesures phares du texte soutenu par Najat Vallaud-Belkacem.

Le 4 décembre, les députés ont adopté, en première lecture, une proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, loin de faire l’unanimité au sein du réseau associatif (voir ce numéro, page 18) et même dans les rangs de la majorité (1). Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes s’est, lui, déclaré favorable à ce texte (2), qui reprend en grande partie les préconisations des rapports de la députée (PS) Maud Olivier – et rapporteure de la loi – et des sénateurs Jean-Pierre Godefroy (PS) et Chantal Jouanno (UDI) (3). La proposition de loi, qui doit désormais être examinée par le Sénat, vise en particulier à améliorer la protection et l’accompagnement global des victimes de la prostitution (notamment en créant un parcours de sortie de la prostitution) ainsi qu’à en pénaliser les clients. Des objectifs qui s’inscrivent dans le droit-fil de la position abolitionniste de la France (4).

En complément de cette loi, rappelons que la ministre des Droits des femmes devrait présenter, « dans quelques semaines », un plan gouvernemental contre la traite des êtres humains.

Renforcer la protection des victimes…

Afin d’être mieux protégées, les personnes victimes de la traite des êtres humains, de proxénétisme ou de prostitution pourront, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, déclarer comme domicile l’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie, celle de leur avocat ou d’une association qui aide ou accompagne les personnes prostituées, stipule la proposition de loi (5). En outre, précise-t-elle, lorsque l’audition de la victime sera susceptible de « mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique de cette personne, des membres de sa famille ou de ses proches », le juge des libertés et de la détention, saisi par requête motivée du procureur de la République ou du juge d’instruction, pourra autoriser que les déclarations de la victime soient recueillies sans que son identité apparaisse dans le dossier de la procédure. Signalons que la victime et son entourage pourront, dans certaines conditions, également faire l’objet de mesures visant à assurer leur protection, leur insertion et leur sécurité. D’ailleurs, en cas de nécessité, précise le texte, les victimes pourront être autorisées à faire usage d’une identité d’emprunt. « Ces mesures de protection sont graduelles et ont vocation à constituer, au profit des juridictions, un arsenal complet et cohérent, qui pourra être adapté en fonction des circonstances de l’espèce », a indiqué la rapporteure Maud Olivier (6).

… et leur accompagnement

Afin de pallier la « défaillance des structures administratives de l’Etat dédiées aux victimes de la prostitution, voire un vide très préjudiciable à la prise en charge des personnes prostituées », explique la rapporteure de la loi (7), la proposition de loi crée une instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains (dite « instance de coordination »). Elle sera installée auprès de chaque conseil départemental de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes (8).

A ce titre, la nouvelle instance sera aussi responsable de la mise en œuvre du parcours de sortie de la prostitution, également créé par le texte. Ce dernier pose en effet le principe que « toute victime de la prostitution doit bénéficier d’un système de protection et d’assistance, assuré et coordonné par l’Etat, en collaboration avec les divers services d’interventions sociales et de santé ». Plus précisément, souligne-t-il, « cette protection et cette assistance [seront] définies avec la personne en fonction d’une évaluation de ses besoins sanitaires, professionnels et sociaux. Elles s’[appuieront] sur un projet d’insertion sociale et professionnelle, proposé et mis en œuvre par les associations qui aident et accompagnent les personnes prostituées. Ce projet [permettra] d’accéder à des alternatives à la prostitution. » L’engagement de la personne dans ce parcours de sortie de la prostitution devra être confirmé par l’autorité administrative, après avis de l’instance de coordination et d’une association qui aide et accompagne les personnes prostituées. Ce parcours pourra être renouvelé, sous réserve que la victime ait respecté ses engagements. A noter : la durée du parcours, ses conditions de renouvellement, les actions qui y seront prévues et leurs modalités de suivi devront être définies par décret.

En contrepartie de cet engagement dans un parcours de sortie de la prostitution, l’intéressé bénéficiera d’une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle, de la remise totale ou partielle d’impôts directs en cas d’indigence et, si elle est étrangère, d’une autorisation provisoire de séjour de six mois. Cette dernière sera à l’avenir renouvelable pendant toute la durée du parcours de sortie, sous réserve que les conditions pour sa délivrance soient toujours satisfaites, et permettra à la personne de travailler. Rappelons également que, en vertu de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » peut être délivrée à la victime étrangère de traite des êtres humains et de proxénétisme qui dépose plainte ou témoigne dans une procédure pénale contre une personne impliquée dans la traite ou le proxénétisme. Selon la proposition de loi, cette carte de séjour pourra être renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance soient toujours satisfaites. Sans changement, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident sera délivrée à la victime.

Abolir le délit de racolage et pénaliser le client

La proposition de loi abroge l’article 225-10-1 relatif au délit de racolage, auquel les autorités judiciaires recourent « de moins en moins » (9).

Mais, parallèlement, le texte pénalise le client pour réduire la prostitution, la traite et le proxénétisme. Si le délit de recours à la prostitution existe et s’applique aux personnes ayant recours à la prostitution d’un mineur ou de personnes présentant une particulière vulnérabilité, il propose de l’élargir et de définir le recours à la prostitution comme « le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage ». Il s’agira là d’une contravention de 5e classe punie d’une amende de 1 500 € et dont la récidive constituera un délit puni d’une amende de 3 750 € (10). Lorsque cette infraction sera commise à l’encontre d’un mineur ou d’une personne présentant une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse, la peine encourue sera de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. Des peines qui pourront être portées à cinq ans de prison et à 75 000 € d’amende dès lors que l’infraction aura été commise de façon habituelle ou à l’égard de plusieurs personnes, ou à l’encontre d’un mineur de 15 ans.

Dans tous les cas, les clients pourront aussi se voir condamner, à titre de peine complémentaire, à l’obligation de faire, le cas échéant à leurs frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels. Un stage qui devra être effectué dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.

Mesures diverses

Pour financer la mise en œuvre du parcours de sortie, la proposition de loi crée un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées (11). Il soutiendra aussi des actions visant à la sensibilisation de la population aux effets de la prostitution sur la santé et à la réduction des risques sanitaires, à la prévention de l’entrée dans la prostitution et à l’insertion des personnes prostituées. Le fonds sera doté, chaque année, de 20 millions d’euros, soit « 10 fois les crédits actuellement consacrés par l’Etat en soutien aux associations », s’est félicitée Najat Vallaud-Belkacem lors des débats à l’Assemblée nationale.

En outre, la proposition de loi indique que les associations agréées qui aident et accompagnent les personnes prostituées pourront prétendre à une aide de l’Etat pour héberger, à titre temporaire, ces personnes. Elle prévoit aussi que des places en centres d’hébergement et de réinsertion sociale seront ouvertes en leur faveur.

Signalons enfin que, comme les victimes de la traite des êtres humains, celles de proxénétisme bénéficieront d’un droit à réparation intégrale de leur préjudice sans avoir à justifier d’une incapacité totale de travail.

Notes

(1) Sur les 485 députés présents lors du vote du texte, 268 ont voté pour. Au sein du groupe socialiste, 5 députés ont voté contre et 18 se sont abstenus. Seuls 4 élus d’Europe Ecologie-Les Verts sur 17 se sont prononcés en sa faveur. A l’UMP, 11 députés ont voté pour, 42 se sont abstenus et 101 ont voté contre la proposition de loi.

(2) Voir ASH n° 2832 du 8-11-13, p. 8.

(3) Voir respectivement ASH n° 2826 du 27-09-13, p. 18 et n° 2830 du 25-10-13, p. 9.

(4) Cette position vise à abolir toute forme de réglementation de la prostitution sans en interdire l’exercice, à prévenir l’entrée dans la prostitution et à aider les personnes prostituées, considérées comme des victimes. L’objectif ultime étant de faire disparaître la prostitution.

(5) Pour leurs démarches administratives, les victimes pourront élire domicile chez leur avocat ou une association qui aide ou accompagne les personnes prostituées.

(6) Rap. A.N. n° 1558, novembre 2013, Olivier, page 55.

(7) Rap. A.N. n° 1558, novembre 2013, Olivier, page 59.

(8) Cette instance prendra ainsi le relais des anciennes commissions départementales d’action contre les violences faites aux femmes.

(9) En effet, explique Maud Olivier, « les juridictions [ont] tendance à très peu condamner sur ce fondement, les parquets privilégiant les alternatives aux poursuites et notamment la voie du rappel à la loi » (Rap. A.N. n° 1558, novembre 2013, Olivier, page 94).

(10) Le délit de récidive sera constitué si une nouvelle infraction est commise dans un délai de trois ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la peine précédente.

(11) Ce fonds sera alimenté par des crédits de l’Etat, des recettes provenant de la confiscation des biens et produits issus du proxénétisme et d’un prélèvement sur le produit des amendes forfaitaires prévues pour le recours à la prostitution.

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