Un rapport sans ambition, voire inquiétant. C’est ainsi que plusieurs associations, parties prenantes de la concertation sur la réforme du dispositif de l’asile, qualifient les conclusions de la sénatrice (centriste) Valérie Létard et du député (PS) Jean-Louis Touraine, remises au ministère de l’Intérieur le 28 novembre (voir ce numéro, page 13).
La Coordination française pour le droit d’asile (CFDA), qui rassemble une vingtaine d’organisations, déplore que « le principal angle retenu pour réformer le droit d’asile soit, une fois de plus, celui de la lutte contre son “dévoiement” ». Seule une réforme d’ampleur, « avec pour objectif premier la protection des réfugiés, permettra à la France de respecter ses obligations internationales » et de remédier aux dysfonctionnements du système. Malgré la qualité du dialogue pendant la phase de concertation, les propositions du rapport « reflètent très imparfaitement le contenu des échanges » et vont rencontrer, si elles étaient retenues, l’opposition des acteurs de terrain, prévient France terre d’asile. La FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) ne cache pas non plus sa déception face « au décalage » entre la position des parlementaires et celle du secteur associatif (1). Alors que celui-ci réclamait que les moyens de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) soient renforcés pour qu’il puisse intervenir en premier lors de la demande d’asile, « le modèle proposé repose très largement sur l’action des préfectures et ne protège pas des décisions arbitraires », regrette la FNARS. S’il réaffirme le « rôle pivot » des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, le rapport ne préconise pas de programmation de places. Le pilotage interministériel du dispositif, réclamé par la plupart des associations, est également absent du document.
Le rapport promeut la modulation du montant de l’allocation temporaire d’attente (ATA) en fonction du nombre d’enfants du foyer, mais ne répond pas à la demande des associations de ne pas lier son versement à une demande d’hébergement. Au contraire, l’octroi de l’ATA serait lié à l’acceptation d’une place qui, nouveauté, pourrait être proposée en dehors de la région d’arrivée. Sur ce point, la critique du secteur associatif est appuyée par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme qui, dans son avis du 29 novembre sur la transposition des directives européennes, confirme « son profond attachement au libre choix » du mode d’hébergement des demandeurs. Une liberté qui « ne saurait nuire au bénéfice des autres conditions d’accueil, et notamment à l’octroi d’une allocation et à l’accompagnement ».
Autre proposition polémique : la création de centres semi-fermés pour les demandeurs d’asile déboutés, qui y seraient hébergés dans l’attente de leur expulsion. Cette orientation coercitive est incompatible avec les missions d’accompagnement social et d’aide humanitaire, s’insurge la FNARS, qui précise que « les associations refuseront de les gérer ». La fédération demande au ministre de l’Intérieur de « prolonger la concertation avec les associations » dans le cadre de la préparation de la réforme.
(1) Voir ASH n° 2834 du 22-11-13, p. 21.