Le 27 novembre, la garde des Sceaux a présenté en conseil des ministres un projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Un texte – soumis à la procédure accélérée (une seule lecture dans chaque chambre du Parlement) – qui s’inscrit dans la continuité de la politique gouvernementale d’allégement des procédures initiée lors du premier comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) (1). Via ce projet de loi, le gouvernement demande au Parlement de l’autoriser à agir par voie d’ordonnances afin de prendre des mesures de simplification des procédures, notamment en matière de tutelles, de droit de la famille et de démarches administratives.
Le gouvernement entend tout d’abord simplifier les règles relatives à l’administration légale. Ce dispositif, qui permet aux parents titulaires de l’exercice de l’autorité parentale d’administrer et de bénéficier de la jouissance légale des biens de leur enfant mineur, est placé sous le contrôle du juge des tutelles lorsque l’un ou l’autre des deux parents est décédé ou est privé de l’exercice de l’autorité parentale. Selon l’exposé des motifs du projet de loi, ce contrôle du juge apparaît aujourd’hui « contraignant pour les parents et peu efficace ». En outre, « cette intrusion judiciaire, qui intervient généralement à la suite du décès de l’un des parents, est souvent et légitimement mal vécue ». Aussi le texte prévoit-il de supprimer le contrôle systématique du juge lorsque l’un des parents est décédé, se trouve privé de l’autorité parentale ou exerce de façon unilatérale l’autorité parentale.
Dans le domaine de la protection juridique des majeurs, le projet de loi permet au gouvernement de clarifier les règles applicables au contrôle des comptes de gestion afin « de répondre aux difficultés que rencontrent les juridictions à assurer une vérification effective des comptes de gestion des mesures de protection ». Au-delà, la chancellerie entend simplifier les procédures, par exemple :
→ en permettant au juge de prononcer des mesures initiales pour une durée supérieure à cinq ans en l’absence manifeste d’amélioration prévisible de l’état de la personne à protéger ;
→ en simplifiant les modalités d’arrêt du budget ;
→ en diversifiant les auteurs et les modalités de l’avis médical requis par l’article 426 du code civil lorsqu’il est envisagé de disposer des droits relatifs au logement ou au mobilier de la personne protégée en vue de son admission en établissement.
Autre mesure envisagée par le gouvernement : instaurer un nouveau mode d’habilitation intrafamiliale alternatif au prononcé d’une mesure de protection judiciaire. « Les familles pourraient ainsi se voir plus étroitement associées à la protection de leur proche, sans avoir à se soumettre au formalisme des mesures de protection judiciaire qui peut s’avérer pesant, en l’absence de conflit familial et de nécessité d’instaurer une mesure de protection suivie par un juge pour protéger les intérêts de la personne concernée », explique l’étude d’impact du projet de loi.
Le projet de loi contient également des mesures de simplification en matière civile. Il prévoit ainsi d’habiliter le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour, entre autres :
→ permettre aux personnes sourdes ou muettes de recourir à la forme authentique pour établir leur testament. En pratique, explique l’exposé des motifs, ce document doit être dicté à deux notaires ou à un notaire assisté de deux témoins, qui, ensuite, en font la lecture à l’intéressé (dit « testament authentique »). Une procédure qui, de fait, n’est pas accessible aux personnes sourdes ou muettes ;
→ simplifier le changement du régime matrimonial en présence d’enfants mineurs. En effet, rappelle le ministère de la Justice, en vertu de l’article 1397 du code civil, tout changement de régime matrimonial doit être homologué par le juge aux affaires familiales lorsque le couple a des enfants mineurs. Une intervention qui, selon lui, n’est « pas indispensable pour assurer la sauvegarde de l’intérêt des enfants mineurs », déjà protégés par les règles du droit civil relatives à la minorité ;
→ instaurer un nouveau mode de preuve simplifiée pour justifier de la qualité d’héritier dans les successions d’un montant limité. Dans cette hypothèse, les héritiers doivent en effet solliciter un certificat d’hérédité auprès du maire et du notaire pour justifier de leur qualité. Un document « souvent difficile à obtenir », reconnaît le ministère de la Justice, ce qui « conduit un certain nombre de personnes à renoncer à la succession ».
Le gouvernement sollicite une habilitation afin de pouvoir prendre les mesures nécessaires pour substituer des régimes déclaratifs à certains régimes d’autorisation administrative préalable auxquels sont soumises les entreprises et pour définir les possibilités d’opposition de l’administration, les modalités du contrôle a posteriori et les sanctions éventuelles. Mais aussi pour supprimer ou simplifier certains régimes d’autorisation et pour supprimer certains régimes déclaratifs. En effet, la loi du 12 novembre 2013 habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens a posé le principe selon lequel le silence de l’administration pendant deux mois vaut décision implicite d’acceptation (et non plus refus implicite) afin notamment de faciliter et d’accélérer les démarches administratives des entreprises, des collectivités territoriales et des usagers (2). Mais, selon l’exposé des motifs du projet de loi, « le recensement de tous les régimes d’autorisation […] a mis en évidence que l’application du “silence valant accord” pour certaines procédures devait s’accompagner de simplifications de nature à améliorer plus avant l’efficacité de l’action administrative, telles que la réduction des délais d’intervention de la décision administrative, l’allégement de certaines étapes de la procédure, voire la suppression de régimes d’autorisation ou leur remplacement par des régimes de déclaration ».
(1) Voir ASH n° 2788 du 21-12-12, p. 8 et 9.
(2) Voir ASH n° 2832 du 8-11-13, p. 36.