Il faut mettre en place une « véritable stratégie nationale », estime le groupe de travail sur le vieillissement des personnes handicapées chargé par Marie-Arlette Carlotti et Michèle Delaunay d’évaluer les besoins en la matière, d’identifier les bonnes pratiques et de proposer des évolutions. Animé par Patrick Gohet, inspecteur général des affaires sociales et ancien président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (2009-2012), il a remis, le 28 novembre, son rapport aux deux ministres déléguées chargées des personnes handicapées et des personnes âgées (1). Ces travaux vont contribuer non seulement à la mise en œuvre des décisions du comité interministériel du handicap du 25 septembre dernier (2) mais aussi à « enrichir la réflexion sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement » (voir ce numéro, page 9), ont fait savoir ces dernières dans un communiqué. Le groupe de travail n’est d’ailleurs pas hostile à l’évolution des maisons départementales des personnes handicapées en maisons départementales de l’autonomie. Il suggère même la création d’un conseil départemental de l’autonomie comportant deux sections, l’une équivalente au conseil départemental consultatif des personnes handicapées, l’autre constituée par le comité départemental des retraités et des personnes âgées.
« Au cours des dernières années, les solutions apportées aux personnes handicapées vieillissantes ont […] été avant tout le fait de réalisations locales dues le plus souvent aux initiatives des associations soutenues par les administrations compétentes et par les départements », souligne tout d’abord Patrick Gohet. En effet, remarque-t-il, bien que « clairement identifiée » par les agences régionales de santé et les conseils généraux, cette problématique « ne fait pas systématiquement l’objet d’une action concrète et coordonnée installée dans les priorités et les calendriers ». Les données disponibles, notamment statistiques, ne sont quant à elles pas suffisantes pour évaluer et pour chiffrer l’adaptation de l’offre médico-sociale existante et la création des places nécessaires, relève encore le rapporteur en recommandant la mise en place d’un outil d’identification des besoins et de leur évolution ainsi que l’intégration de cette question dans les enquêtes populationnelles menées par divers organismes (3). Pour lui, l’avancée en âge des personnes handicapées doit en outre être inscrite parmi les priorités de la politique du handicap de l’Etat et des collectivités locales et requiert la constitution d’un groupe d’appui et de suivi placé auprès des deux ministres déléguées. La mise en œuvre de cette priorité devrait faire l’objet d’un compte rendu annuel devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées, estime-t-il. Il faudrait également organiser une conférence nationale dédiée pour sensibiliser et mobiliser tous les acteurs, faire figurer la question à l’ordre du jour de la prochaine conférence nationale du handicap prévue en juin 2014 ou encore en faire le thème de la prochaine grande cause nationale. Autrement dit, pour Patrick Gohet, il s’agit de mettre en place une « politique globale, concrète et concertée » fondée sur l’anticipation, la prévention, le repérage et l’accompagnement. Il faut également, selon le rapport, améliorer la coordination des acteurs, simplifier les procédures, renforcer la coopération entre le sanitaire et le médico-social, décloisonner les financements ou encore renforcer la formation des professionnels.
« Le vieillissement doit être considéré comme une étape inscrite dans le parcours de vie de la personne », estime le groupe de travail. « D’une manière générale, souligne-t-il, les personnes handicapées aspirent à vieillir dans leur lieu de vie habituel, qu’il s’agisse de préférence d’un logement en milieu ordinaire mais aussi d’une structure adaptée. » Etant précisé qu’au moins deux tiers des personnes handicapées vivraient en milieu ordinaire. Pour lui, il faut donc donner la priorité à l’avancée en âge en milieu ordinaire de vie, ce qui implique de renforcer l’accompagnement des aidants familiaux et de garantir l’efficacité des formules d’accueil temporaire et de répit. A ce titre, il recommande notamment de simplifier les procédures d’admission en accueil temporaire, d’instituer un accueil temporaire à domicile ou encore d’encourager le baluchonnage (4). Pointant la multiplicité des services intervenant à domicile (5), le rapport s’inquiète par ailleurs d’un risque d’équipement inégal des territoires et d’une « illisibilité » pour les personnes concernées. Il faudrait non seulement les mettre « en relation » et simplifier les procédures, mais aussi améliorer leurs compétences en matière d’accompagnement des personnes handicapées âgées, recommande-t-il. Il appelle également à revoir le statut des accueillants familiaux – qu’il juge « précaire » – en mettant en place une certification et un référentiel national. Le « salariat des familles » devrait aussi être « correctement développé », plaide-t-il.
Autre préconisation : développer l’habitat adapté. Anticipant de « possibles désengagements des collectivités publiques » et tenant compte de l’aspiration des personnes à la plus grande autonomie possible, le groupe de travail suggère de se tourner vers des formules d’acquisition de logements individuels « sécurisés », par exemple sous la forme de sociétés coopératives d’intérêt collectif, dans lesquels les résidents peuvent être propriétaires ou locataires. Il appelle ainsi à « introduire le plus de souplesse possible dans la réglementation et dans les procédures pour pouvoir réaliser les transformations et les créations souhaitables dans les délais les plus brefs possibles ».
Relevant que les personnes en situation de handicap accueillies dans une structure spécialisée souhaitent y demeurer, Patrick Gohet recommande d’adapter l’offre médico-sociale. La plupart des personnes accueillies dans une maison d’accueil spécialisée ou dans un foyer d’accueil médicalisé (FAM) y entrent tôt et y effectuent un long séjour, constate-t-il. Pour lui, il faut donc adapter les accompagnements et les soins qui y sont assurés au fur et à mesure de l’avancée en âge des résidents, « notamment au moyen d’un authentique projet individuel régulièrement reconsidéré ». Il est également nécessaire de faciliter l’accès à ces structures lorsque les déficiences se sont accentuées, y compris au-delà de l’âge de 60 ans, recommande-t-il tout en soulignant que, dans ce cas, les modalités de financement devront être réexaminées.
Pour le rapporteur, le recours aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) peut également s’envisager lorsque les pathologies à l’origine du handicap s’alourdissent ou lorsque les proches de la personne handicapée – le plus souvent les parents – sont eux-mêmes confrontés à des difficultés liées à leur propre avancée en âge. Aussi suggère-t-il des intégrations individuelles dans des EHPAD ordinaires – tout en rappelant qu’elles nécessitent des dérogations d’âge et se heurtent à des difficultés de tarification –, la mise en place d’unités pour personnes handicapées au sein des EHPAD combinées aux prestations d’un service de type SAVS ou à l’emploi de personnel socio-éducatif supplémentaire, la création de « sections FAM » intégrées ou adossées à des EHPAD classiques ou encore la création d’EHPAD spécialisés dans l’accueil de personnes handicapées âgées.
Enfin, le rapport aborde des situations particulières que sont le grand déficit d’autonomie, le handicap psychique et la question des handicaps associés à des pathologies lourdes (par exemple la trisomie 21 et la maladie d’Alzheimer).
(1) L’avancée en âge des personnes âgées – Contribution à la réflexion – Octobre 2013 – Disp. sur
(2) Voir ASHn° 2826 du 27-09-13, p. 5.
(3) Par exemple, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.
(4) Dispositif permettant la présence permanente d’un bénévole chez la personne handicapée pour une période donnée afin d’offrir un temps de repos aux aidants.
(5) Il s’agit des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD, des services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS), des services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah) et des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad), énumère le rapport.