Après l’adoption du budget du Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), fixé à 3,5 milliards d’euros pour la période 2014-2020 (1), les équipes de négociation du Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne sont parvenues, le 28 novembre, à un accord informel sur la proposition de règlement fixant ses modalités d’utilisation. Un accord qui devrait ainsi permettre le lancement du fonds dès le 1er janvier 2014, même s’il doit encore être validé par les représentants permanents des Etats membres (Coreper) et la commission de l’emploi du Parlement, avant d’être mis au vote en séance plénière en début d’année prochaine.
Selon le projet de règlement, le FEAD aura une portée plus large que le programme d’aide aux plus démunis actuel. D’une part, parce qu’il interviendra dans l’ensemble des Etats membres (et non pas seulement dans 19 Etats membres, comme c’est le cas actuellement). Et, d’autre part, parce qu’il sera composé de deux sous-programmes opérationnels, l’un relatif à l’aide alimentaire et matérielle de base, l’autre à des mesures d’inclusion sociale en direction des plus démunis. Il permettra par exemple de financer des « kits de démarrage » pour les personnes sans abri en phase de stabilisation.
Le compromis prévoit également que le FEAD agira en complément d’autres initiatives de l’Union européenne. Il devrait ainsi soutenir les dons alimentaires et plus particulièrement la collecte, le transport et la distribution alimentaire, contribuant ainsi à la réduction des déchets alimentaires (250 000 tonnes de nourriture sont jetées chaque jour). Mais aussi appuyer les initiatives visant à la promotion de la santé publique et de la production locale.
Par ailleurs, au lieu de recevoir une enveloppe globale comme c’est le cas actuellement, les Etats membres effectueront l’avance de trésorerie et présenteront au FEAD des demandes de remboursement sur justificatifs. La proposition de règlement reprend la position du Parlement européen de fixer le taux de cofinancement à 85 % des dépenses éligibles (15 % à la charge des Etats) et de l’accroître jusqu’à 95 % pour les Etats membres les plus touchés par la crise. D’après les chiffres provisoires, la France pourrait recevoir 443 millions d’euros. Cette somme, qui doit encore être confirmée par les 28 lors d’une réunion prévue le 11 décembre, sera répartie entre les différentes associations qui œuvrent dans le domaine de l’aide alimentaire. « Pour la France, nous faisons le choix de consacrer l’ensemble de l’enveloppe à l’aide alimentaire », a déclaré la ministre chargée de la lutte contre l’exclusion, Marie-Arlette Carlotti. « La dotation sera répartie entre les différentes associations qui œuvrent dans le domaine de l’aide alimentaire, dans un souci d’équilibre entre autonomie des initiatives et efficacité de gestion des denrées », a-t-elle précisé dans un communiqué du 26 novembre.
Gros bémol toutefois : le projet de règlement sur le FEAD interdit la participation financière des bénéficiaires des produits de l’aide alimentaire, chère aux épiceries sociales et solidaires. Les 600 épiceries sociales et solidaires françaises risquent donc d’être privées des fonds européens. En réaction, l’Association nationale de développement des épiceries solidaires a lancé une pétition à l’attention du président de la République et des ministres concernés pour leur demander de « trouver une solution permettant d’assurer la pérennité de l’approvisionnement des épiceries sociales et solidaires » (2). D’après le service de presse de la rapporteure du texte, Emer Costello (S&D, Irlande), la Commission européenne devrait revenir sur ce problème au cours des prochaines semaines, à la demande du Parlement européen. La députée s’est en effet engagée à envoyer une lettre expliquant les « obstacles rencontrés par les épiceries solidaires et les moyens pour ces structures de continuer à bénéficier de l’aide communautaire ». « Les négociations sont en cours avec le gouvernement français pour mettre en place un montage permettant aux épiceries sociales et solidaires de distribuer l’aide alimentaire gratuitement et d’être compensées par le Fonds européen d’aide aux plus démunis », ajoute le service de presse de la députée française Pervenche Berès (S&D), tout en insistant sur le fait que, à l’heure actuelle, le problème demeure.
(1) Voir ASH n° 2834 du 22-11-13, p. 15.
(2) Pétition disponible sur