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La réforme des contentieux sociaux administratifs

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A partir du 1er janvier 2014, les litiges relevant des juridictions administratives et relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des demandeurs d’emploi seront jugés par un seul magistrat et ne pourront plus faire l’objet d’un appel.

L’idée est venue du Conseil d’Etat lui-même. Pour accélérer le désengorgement des juridictions administratives, et en particulier des cours administratives d’appel, la Haute Juridiction a proposé de « tailler » dans les procédures. Une proposition reprise dans un décret du 13 août 2013 qui touche en premier lieu les contentieux sociaux, ces contentieux « de masse » qui ne présentent, selon le ministère de la Justice, que peu de difficulté technique.

Concrètement, à compter du 1er janvier 2014, par dérogation aux règles de droit commun, les litiges relevant des tribunaux administratifs et relatifs aux prestations ou droits ouverts au titre de l’aide sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi seront traités par un seul juge, et non plus par une formation collégiale de trois magistrats. Un juge unique qui pourra, en outre, se dispenser de la présence d’un rapporteur public. Surtout, le décret supprime la possibilité de faire appel pour ces litiges, qui ne pourront donc faire l’objet que d’un recours en cassation devant le Conseil d’Etat.

Si la chancellerie argue, dans le rapport au Premier ministre qui a accompagné l’avant-projet de décret, que ces modifications vont entraîner un gain d’efficacité de la procédure, les syndicats de magistrats administratifs s’insurgent, eux, contre la mise en place d’un régime d’exception dépourvu de garanties procédurales et « stigmatisant une partie, déjà fragilisée, de la population » (1). Dès 2012, le Syndicat de la juridiction administrative, auditionné par le Sénat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, soulignait que le passage au juge unique couplé à l’absence de conclusions du rapporteur public « aurait pour effet pervers de priver certains dossiers d’une étude attentive par un magistrat, les dossiers étant préparés par les assistants de justice, puis revus par le président réviseur, qui est lui-même souvent surchargé. Il y aurait donc une rupture d’égalité entre les dossiers dispensés ou non de conclusions » (2). Par ailleurs, la suppression de l’appel a deux conséquences pour les administrés. D’une part, seul un recours en cassation sera possible, ce qui ne permettra pas d’avoir un nouveau jugement sur les faits, le Conseil d’Etat ne statuant alors que sur des problèmes de droit pur. Pourtant, dans les contentieux sociaux, les circonstances de fait sont centrales. D’autre part, devant le Conseil d’Etat, le recours à un avocat est obligatoire et, le plus souvent, plus onéreux qu’un avocat ordinaire.

Admettant que les personnes démunies connaissent peu les règles juridiques et sont, de fait, très peu assistées par des professionnels du droit, le gouvernement a voulu malgré tout leur apporter quelques contreparties. Ainsi, le décret du 13 août 2013 prévoit que le tribunal administratif aura l’obligation d’inviter le requérant à régulariser sa requête lorsque celle-ci est insuffisamment motivée. En outre, l’administration défenderesse devra communiquer au tribunal l’intégralité du dossier constitué pour l’instruction de la demande de prestation ou d’aide. Enfin, le texte introduit une part d’oralité dans la procédure, en permettant la poursuite de l’instruction à l’audience. Mais pour les syndicats de magistrats, ces contreparties ne sont que des « leurres » et n’aideront pas les justiciables dans leur recours. L’introduction de l’oralité, notamment, va les obliger soit à se déplacer aux audiences, soit à avoir recours plus systématiquement à un avocat.

I. LES CONTENTIEUX CONCERNÉS

Le décret crée, au sein du titre VII du livre VII du code de justice administrative (CJA), un nouveau chapitre intitulé « dispositions relatives aux contentieux sociaux ». Sont visées « les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi » (CJA, art. R. 772-5 nouveau).

Concrètement, sont par exemple concernées les personnes qui souhaitent contester une décision administrative relative à l’allocation de solidarité spécifique, au revenu de solidarité active, à la radiation de la liste des demandeurs d’emploi, à l’allocation personnalisée de logement ou à la carte de stationnement pour personne handicapée.

Cette définition inclut aussi le contentieux du droit au logement opposable, à l’exception des requêtes introduites afin qu’il soit enjoint à l’administration d’attribuer à un demandeur un logement ou une place d’hébergement – en application de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation –, qui obéissent déjà à des règles procédurales dérogatoires fixées aux articles R. 778-1 et suivants du code de justice administrative (3) (CJA, art. R. 772-5 nouveau).

En outre, bien sûr, cette définition ne vise que les contentieux qui relèvent de la compétence des tribunaux administratifs de droit commun, étant rappelé que, en matière sociale, de nombreux contentieux sont de la compétence de juridictions judiciaires ou administratives spécialisées telles que, notamment, les tribunaux des affaires de sécurité sociale, les tribunaux du contentieux de l’incapacité et les commissions départementales d’aide sociale.

Les litiges concernés sont ceux dont les requêtes sont enregistrées par le greffe du tribunal administratif à compter du 1er janvier 2014 (décret du 13 août 2013, art. 16, III).

II. LES NOUVEAUX PRINCIPES APPLICABLES

Le décret du 13 août 2013 pose trois nouveaux principes pour le jugement des litiges administratifs concernant des prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi :

→ un juge unique ;

→ la possibilité de se passer d’un rapporteur public ;

→ la suppression de l’appel.

A. Le juge unique

La liste des contentieux relevant, dans les tribunaux administratifs, de la compétence d’un magistrat statuant seul est refondue pour y intégrer les contentieux sociaux définis à l’article R. 772-5 de code de justice administrative (voir ci-contre).

Actuellement, en matière sociale, seuls les litiges relatifs à l’aide personnalisée au logement figurent dans la liste des litiges jugés par un magistrat unique, à savoir le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin. Les autres contentieux sociaux obéissent au principe posé par l’article L . 3 du code de justice administrative selon lequel « les jugements sont rendus en formation collégiale ».

A compter du 1er janvier 2014, un seul magistrat statuera en audience publique sur l’ensemble des litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi (CJA, art. R. 222-13 modifié).

B. La dispense de rapporteur public

Le décret prévoit que, pour les contentieux sociaux définis à l’article R. 772-5 de code de justice administrative (voir ci-contre), le magistrat statuant seul peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience (CJA, art. R. 732-1-1 modifié). Une règle qui s’applique depuis le 16 août 2013.

Pour mémoire, le rapporteur public est un magistrat du tribunal administratif chargé de donner, en toute indépendance, son appréciation sur les faits et les règles de droit applicables ainsi que son avis sur la solution à donner au litige. Il présente ses conclusions oralement au juge lors de l’audience.

Jusqu’au 16 août 2013, la possibilité de se dispenser de rapporteur public ne s’appliquait qu’aux litiges sociaux concernant l’aide personnalisée au logement et la carte de stationnement pour personne handicapée. Désormais, sont donc concernés tous les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi.

Pourquoi cette nouvelle règle ? Dans le rapport au Premier ministre accompagnant le projet de décret, le gouvernement explique que, conformément aux exigences rappelées par le Conseil constitutionnel dans une décision du 12 mai 2011 (4), la définition des matières susceptibles d’entrer dans le champ des contentieux susceptibles d’être dispensés de conclusions d’un rapporteur public « doit répondre à des “critères objectifs” ». « Le choix avait été fait, à l’occasion du décret n° 2011-1950 du 23 décembre 2011, de n’inclure dans la liste que des contentieux dits “de masse”, soit des contentieux en nombre statistiquement significatifs pour les juridictions administratives dont les questions de droit sont supposées déjà tranchées et qui posent, de façon récurrente, des questions de fait analogues. Au sein des contentieux sociaux, les contentieux de l’aide personnalisée au logement et de la carte de stationnement pour personne handicapée apparaissaient comme les plus emblématiques de cette définition. ». Mais, dès lors que des règles d’instruction dérogatoires du droit commun sont désormais prévues pour l’ensemble des contentieux sociaux administratifs (voir page 46), « il est paru justifié de les inclure globalement dans le champ des contentieux qui peuvent être dispensés de conclusions du rapporteur public, indique le rapport. Cette inclusion apparaît d’autant plus justifiée, poursuit-il, que ces règles d’instruction dérogatoires ayant notamment pour objet d’introduire une part d’oralité dans la procédure, le rapporteur public ne se trouverait plus en capacité d’apporter tant à la formation de jugement qu’aux parties un éclairage pertinent sur ces dossiers, compte tenu des éléments nouveaux susceptibles d’être désormais communiqués à l’audience. »

( A noter ) Sans changement, les litiges relatifs à la naturalisation ainsi qu’à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers (à l’exception des expulsions) sont aussi susceptibles d’êtres dispensés de conclusions du rapporteur public (CJA, art. R. 732-1-1 modifié).

C. La suppression de l’appel

Le décret introduit les contentieux sociaux définis à l’article R. 772-5 du code de justice administrative (voir page 44) dans la liste des contentieux sur lesquels les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort, c’est-à-dire pour lesquels l’appel devant une cour administrative d’appel n’est pas possible.

Ainsi, les décisions des tribunaux administratifs rendues à compter du 1er janvier 2014 sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi ne pourront plus faire l’objet d’un appel devant une cour administrative d’appel (CJA, art. R. 811-1 modifié). Après le tribunal administratif, les requérants qui souhaitent poursuivre leur action devront exercer un recours en cassation devant le Conseil d’Etat qui, rappelons-le, ne statue alors que sur les problèmes de droit et pas sur le fond des affaires. Actuellement, dans les litiges sociaux, seuls ceux concernant l’allocation personnalisée de logement ne sont pas susceptibles d’appel.

Il est également prévu que les ordonnances de référé-provision soient rendues en premier et dernier ressort lorsqu’elles portent sur un litige dont le jugement au fond ne serait pas lui-même susceptible d’appel (CJA, art. R. 811-1 modifié). Pour mémoire, le référé-provision est une procédure permettant au juge des référés administratif – c’est-à-dire le juge statuant en urgence – d’accorder à un créancier de l’administration une provision, même si une instance n’a pas encore été engagée sur le fond de l’affaire, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Il en est de même des ordonnances statuant sur les requêtes relevant d’une série, c’est-à-dire des requêtes qui, sans appeler une nouvelle appréciation ou qualification des faits, présentent à juger en droit des questions identiques à celles déjà tranchées par la juridiction elle-même ou par le Conseil d’Etat (CJA, art. R. 811-1 modifié).

III. DES RÈGLES D’INSTRUCTION DÉROGATOIRES

Afin de « faciliter l’accès au juge administratif », le décret du 15 août 2013 prévoit, pour les contentieux sociaux définis à l’article R. 772-5 de code de justice administrative (voir page 44), des règles d’instruction dérogatoires au droit commun de la procédure administrative permettant « d’assouplir les exigences formalistes de la procédure », explique la notice du texte. « Les exigences formalistes de la procédure administrative contentieuse ne permettent pas, en effet, à des personnes démunies qui ne connaissent pas les codes administratifs et encore moins les codes juridiques et sont, de fait, très peu assistées par des professionnels du droit, de soumettre utilement au juge administratif le litige qui les oppose à l’administration, en raison principalement du caractère écrit de la procédure et de l’obligation imposée au requérant de motiver utilement sa requête en fait et en droit, dans le délai de recours », indique de son côté le rapport au Premier ministre.

A. L’invitation à régulariser sa requête

Le décret instaure une nouvelle obligation pour la juridiction administrative : inviter le requérant à régulariser sa requête lorsque celle-ci n’est pas ou est insuffisamment motivée. Une règle qui s’applique aux requêtes enregistrées à compter du 1er janvier 2014 (décret du 13 août 2013, art. 16, III). Par absence ou défaut de motivation, le décret vise notamment les requêtes ne comportant que des moyens (5) de légalité externe (6) manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé (CJA, art. R. 772-6 nouveau et R. 222-1).

Ainsi, à partir du 1er janvier 2014, le tribunal administratif ne pourra rejeter une requête pour défaut ou pour insuffisance de motivation qu’après que le requérant a été invité à la régulariser. Cette invitation à régulariser doit permettre d’informer l’intéressé du rôle du juge administratif, ainsi que de la nécessité de lui soumettre une argumentation propre à établir que la décision attaquée méconnaît ses droits et de lui transmettre, à cet effet, toutes les pièces justificatives utiles (CJA, art. R. 772-6 nouveau). L’idée est de mettre le requérant « en mesure de comprendre ce qu’il peut légitimement attendre du juge et apprécier ainsi l’opportunité pour lui […] de régulariser la motivation de sa requête », explique le rapport au Premier ministre. Il est en effet assez fréquent, poursuit le document, que des administrés qui reçoivent notification d’une décision administrative qui leur est défavorable soient incités à exercer un recours devant le tribunal administratif par le simple fait que les voies et délais de recours soient mentionnés sur la notification, sans chercher à exposer dans leur requête les motifs permettant de contester la légalité de la décision.

S’il y a lieu, le requérant est donc invité à régulariser sa requête dans un délai imparti dont le terme peut être fixé au-delà de l’expiration du délai de recours. Il est informé que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l’expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à 15 jours (CJA, art. R. 772-6 nouveau).

En toute logique, ces nouvelles règles ne sont pas applicables lorsque la requête a été introduite par un avocat ou a été présentée sur un formulaire mis à la disposition des requérants par la juridiction administrative et qui contient l’ensemble des informations sur le rôle du juge administratif et la nécessité de motiver sa demande (CJA, art. R. 772-8 nouveau).

Lorsque la requête de l’intéressé lui est notifiée, le défendeur – c’est-à-dire l’administration – sera tenu de communiquer au tribunal administratif l’ensemble du dossier constitué pour l’instruction de la demande tendant à l’attribution de la prestation ou de l’allocation ou à la reconnaissance du droit, objet de la requête. Lorsque ce dossier est, pour partie, constitué de pièces médicales, le tribunal peut enjoindre à l’administration de communiquer ces pièces au requérant afin de le mettre en mesure de les communiquer lui-même au tribunal (CJA, art. R. 772-8 nouveau).

B. L’introduction d’une part d’oralité

Le décret du 13 août 2013 introduit dans la procédure une part d’oralité. Il permet ainsi, pour les requêtes enregistrées à partir du 1er janvier 2014, de poursuivre l’instruction du dossier à l’audience sur les éléments de fait qui conditionnent l’attribution de la prestation ou de l’allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête. L’instruction sera alors close soit après que les parties ou leurs mandataires auront formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l’audience. Toutefois, afin de permettre aux parties de verser des pièces complémentaires, le juge peut décider de différer la clôture de l’instruction à une date postérieure dont il les avise par tous moyens, comme cela est déjà le cas pour d’autres types de contentieux qui font l’objet d’une procédure pour partie orale (référés, contentieux du DALO…) (CJA, art. R. 772-9 nouveau).

Ce qu’il faut retenir

Contentieux concernés. Sont visés les litiges relevant des juridictions administratives et portant sur les prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi. Soit, par exemple, des contentieux relatifs au RSA, à l’APL, à la carte de stationnement pour personne handicapée, etc.

Trois nouveaux principes. A partir du 1er janvier 2014, les contentieux sociaux administratifs feront l’objet d’un jugement par un magistrat statuant seul, qui pourra en outre dispenser le rapporteur public de prononcer des conclusions à l’audience. Et il ne sera plus possible de faire appel des jugements rendus par les tribunaux administratifs, seul le recours en cassation devant le Conseil d’Etat restant ouvert.

Règles d’instruction dérogatoires. Le tribunal administratif sera obligé, à partir du 1er janvier prochain, d’inviter le requérant à régulariser sa requête lorsque celle-ci n’est pas ou est insuffisamment motivée. Le délai de régularisation sera, sauf urgence, d’au minimum 15 jours. L’administration sera en outre tenue de communiquer au tribunal l’ensemble du dossier constitué pour l’instruction de la demande d’aide ou de prestation. Enfin, l’instruction de l’affaire pourra se poursuivre à l’audience, les parties formulant alors à l’oral leurs observations.

Refus d’entrée sur le territoire français des demandeurs d’asile : quel tribunal saisir ?

Le décret du 13 août 2013 aménage la compétence territoriale des tribunaux administratifs pour régler une difficulté rencontrée dans le traitement des contentieux formés à l’encontre des refus d’entrée sur le territoire français opposés à des demandeurs d’asile. Il prévoit ainsi que, lorsque l’étranger qui a fait l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile est maintenu dans une zone d’attente située en dehors de la région d’Ile-de-France, le tribunal administratif territorialement compétent est, par dérogation au premier alinéa de l’article R. 312-1 du code de justice administrative (CJA), celui dans le ressort duquel se trouve cette zone d’attente (CJA, art. R. 777-2 nouveau).

Explications : les demandeurs d’asile – ressortissants étrangers qui sollicitent leur admission sur le territoire – ne pouvant, par définition, être regardés comme ayant un « lieu de résidence » sur le territoire français au sens de l’article R. 312-8 du code de justice administrative, la compétence territoriale du tribunal administratif ne peut être déterminée, dans ce contentieux, que par application de la règle de droit commun définie par l’article R. 312-1 de ce même code selon laquelle « le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l’autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée ». Or, en application de l’article R.* 213-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative compétente pour prendre la décision de refuser l’entrée en France à un étranger demandant à bénéficier du droit d’asile est le ministre chargé de l’immigration. Le tribunal administratif compétent pour connaître de ces décisions est donc logiquement le tribunal administratif de Paris. « Cette attribution de compétences ne pose pas de difficultés lorsque, comme c’est très généralement le cas, le requérant est placé en zone d’attente au sein de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle ou de l’aéroport d’Orly. Il n’en va pas de même lorsque l’intéressé est placé en zone d’attente en dehors du territoire de la région d’Ile-de-France », explique le rapport au Premier ministre accompagnant le projet de décret. « Même si ces cas restent assez réduits, poursuit-il, il convient de les régler et de fonder, en conséquence, dans ces hypothèses, la compétence territoriale du tribunal dans le ressort duquel se trouve cette zone d’attente. Toutefois, pour ne pas porter atteinte à l’équilibre des flux contentieux entre les tribunaux administratifs de la région francilienne, le choix a délibérément été fait de ne pas remettre en cause la compétence du tribunal administratif de Paris lorsque le requérant est placé dans une zone d’attente située à l’intérieur de cette région et, tout particulièrement, au sein des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle ou d’Orly. »

Ces nouvelles règles de compétence territoriale, qui sont entrées en vigueur le 16 août 2013, ne sont pas applicables à Mayotte (décret du 13 août 2013, art. 17).

Litiges concernant les fonctionnaires et les agents publics : les nouveautés

A partir du 1er janvier 2014, seuls seront soumis à un juge unique les litiges concernant les fonctionnaires et agents publics relatifs (code de justice administrative [CJA], art. R. 222-13 modifié ; décret du 13 août 2013, art. 16) :

• à la notation ou à l’évaluation professionnelle ;.

• aux sanctions disciplinaires qui ne requièrent pas l’intervention d’un organe disciplinaire collégial. Il s’agit, explique le gouvernement dans le rapport accompagnant le projet de décret du 13 août 2013, des « sanctions du premier groupe (avertissement et blâme pour la fonction publique de l’Etat) dont l’enjeu matériel ou même moral est très limité et qui, de surcroît, présentent rarement des difficultés juridiques significatives ».

Actuellement, le juge unique est compétent pour tous les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents publics, à l’exception de ceux concernant l’entrée au service, la discipline et la sortie de service. Au 1er janvier 2014, ne sera donc laissé à la compétence du magistrat statuant seul « qu’un champ résiduel répertorié comme présentant une faible technicité et des enjeux mineurs ».

Et l’essentiel du contentieux relatif à la situation individuelle des fonctionnaires et agents publics réintégrera le droit commun en étant soumis à une formation de jugement collégiale qui imposera, de facto, le recours à un rapporteur public. Sont concernés les litiges portant sur les sanctions disciplinaires, le licenciement, la révocation ou la mise à la retraite d’office, le refus d’admission à concourir, le refus de nomination ou de titularisation, les rémunérations, les positions statutaires, le reclassement, etc.

Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2014, la possibilité de faire appel est étendue à tout le contentieux relatif à la situation individuelle des fonctionnaires et des agents publics (CJA, art. R. 811-1 modifié).

Aujourd’hui, la voie de l’appel est ouverte uniquement lorsque la contestation d’une décision est assortie d’une demande d’indemnités d’un montant dépassant un certain seuil.

Enfin, au 1er janvier 2014, les litiges relatifs aux pensions resteront jugés par un magistrat unique (CJA, art. R. 222-13 modifié). En revanche, plus aucune décision relative aux pensions ne pourra faire l’objet d’un appel devant une cour administrative d’appel. Actuellement, un appel est possible pour les décisions relatives à des requêtes tendant au versement d’indemnités dépassant un certain seuil (CJA, art. R. 811-1 modifié).

Notes

(1) Il s’agit du Syndicat de la juridiction administrative et de l’Union syndicale des magistrats administratifs – Voir ASH n° 2818 du 12-07-13, p. 25.

(2) Avis. Sén. n° 154, Détraigne, novembre 2012 – Disp. sur www.senat.fr.

(3) Voir ASH n° 2797 du 15-02-13, p. 49.

(4) Décision n° 2011-629 DC du 12 mai 2011 relative à la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, J.O. du 18-05-11.

(5) C’est-à-dire les raisons invoquées par une partie pour justifier sa prétention.

(6) En examinant la légalité externe d’un acte administratif, le juge se livre à une appréciation de la compétence de l’auteur de l’acte, du respect des règles de forme (motivation d’une décision, par exemple), et de procédure (contradictoire, autre exemple).

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