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Administration. déconcentrée : à refaire ! »

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Robert Lafore. Professeur de droit public à l’université de Bordeaux-Institut d’études politiques.

Deux rapports sortis de façon concomitante en juin et juillet derniers se livrent à une analyse très critique de l’administration dé­concentrée (1). Au moment où se trouve sur la sellette le système d’administration décentralisée dans le cadre d’un dénommé « Acte III de la décentralisation », il est dommage que l’on n’ait pas prêté un minimum d’attention à ces travaux. Décentralisation et déconcentration, bien que l’on s’obstine à ne jamais les considérer de concert, sont les deux faces d’un même ensemble : le système politico-administratif territorial.

Le diagnostic, convergent dans les deux rapports, est plutôt sévère : perte de confiance des agents, déficit d’identité des services, accroissement de la complexité de l’action administrative, difficultés dans l’exercice des missions régaliennes de l’Etat, telles sont les fortes critiques apportées au dispositif sorti de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de la réforme de l’administration territoriale de l’Etat (RéATE) en 2009-2010.

Tout d’abord, ces réformes, menées « à la hussarde » et qui ont procédé à des regroupements importants de services, de façon à organiser de grands ensembles interministériels, ont généré de fortes perturbations pour les agents qui s’en sont trouvés souvent déstabilisés. La modernisation en matière d’organisation, de fonctionnement et de gestion de la fonction publique, finalité affirmée de la RGPP, semble bien loin d’être réalisée. De plus, loin de la simplification attendue, tout cela a produit en réalité une complexité accrue qui, multipliée par l’enchevêtrement des compétences avec les collectivités territoriales, a éloigné de l’autre objectif poursuivi : améliorer la qualité du service rendu. Enfin, faute d’évaluation des conséquences de ces mutations, rien ne prouve que les effets attendus en matière de maîtrise de la dépense publique se soient produits.

Sur le plan organisationnel aussi, plusieurs éléments du dispositif paraissent problématiques. En premier lieu, les rapporteurs notent que la réforme n’a pas permis de clarifier la chaîne de décision entre les administrations centrales et le niveau régional, puis entre ce dernier et l’échelon départemental. Pour ce qui est du premier point, tout en voulant maintenir les liens sectoriels entre les multiples administrations parisiennes et leurs projections sur les territoires, on a en même temps entendu procéder régionalement à des regroupements interministériels et, surtout, intégrer ces ensembles sous l’autorité du préfet de région. Voilà un montage bien complexe, puisqu’il n’articule pas entre elles les logiques verticales et horizontales.

Ensuite est mis en évidence le fait que les domaines d’intervention tels qu’ils sont découpés par les services ne correspondent pas aux évolutions de l’action publique, qui imposent au contraire des décloisonnements. La simple juxtaposition de services dans une direction dite « interministérielle » ne produit pas mécaniquement une vision intégrée des problèmes et une stratégie coordonnée. Enfin, les rapports sont concordants pour regretter que les fonctions d’évaluation, d’audit et de contrôle des politiques publiques soient délaissées et, plus largement, que les fonctions régaliennes de l’Etat ne soient plus clairement établies.

Ceci incite à se poser un certain nombre de questions. La logique consistant à transférer de l’Etat vers les collectivités territoriales des attributions par morceaux en laissant encore dans le giron du premier des « restes » plus ou moins importants n’atteint-elle pas sa limite ? L’Etat se disperse dans la gestion d’une multitude de segments d’action publique qui n’ont aucune cohérence globale et le laissent sans prise véritable. De là, ne faudrait-il pas se demander quelles sont les fonctions de l’Etat aujourd’hui, et quelles sont les formes organisationnelles qui en seraient le prolongement logique ? Autrement dit, en partant de l’idée que la « décentralisation » est une forme globale d’aménagement du pouvoir et de la puissance publique, et non pas seulement ni principalement un processus de transferts de compétences aux collectivités territoriales, ne serait-il pas temps de produire une doctrine un tant soit peu cohérente qui pense dans le même temps administrations centrales, déconcentrées et collectivités territoriales ? Or on s’obstine à bricoler tour à tour chaque élément du système sans se préoccuper des effets que cela produit sur les autres… Si l’on continue ainsi, cela promet de beaux jours, avec un nouvel « Acte de la décentralisation » tous les trois ou quatre ans et une nouvelle RéATE dans les intervalles. Cela dit, comme disait un humoriste, si ça vous amuse…?

Notes

(1) La stratégie d’organisation à 5 ans de l’administration territoriale de l’Etat, rapport au Premier ministre de J.-M. Rebière et J.-P. Weiss, juin 2013 – Voir ASH n° 2818 du 12-07-13, p. 15. L’organisation territoriale de l’Etat, rapport public de la Cour des comptes, juillet 2013 – Voir ASH n° 2819 du 19-07-13, p. 18.

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