Recevoir la newsletter

Rats de laboratoire

Article réservé aux abonnés

Des « voleurs de poules » de l’après-guerre à la « racaille » d’aujour­d’hui, en passant par les « blousons noirs » des années 1960, les « loubards » des années 1970-1980 et les « zoulous » des années 1990, le documentaire Les enfants perdus raconte l’histoire de cette jeunesse face au regard de la société et aux décisions de justice. Il revient, images d’archives à l’appui, sur tout ce qui s’est passé entre l’ordonnance de 1945, qui pose les fondements protecteurs de la justice des mineurs, et les lois répressives des années 2000.

D’autres réalisateurs ont dressé un portrait de la jeunesse délinquante à travers les décennies (1), et une exposition récente a même montré l’envers des « bagnes d’enfants » (2). Ici, la journaliste Valérie Manns apporte un plus : elle rencontre six anciens délinquants qui reviennent sur les lieux où ils ont été « retenus ». Il y a Bernard Delb, retraité distingué, qui témoigne dans les anciens locaux du centre d’observation de Savigny-sur-Orge (Essonne). Mère absente, père cheminot, dans les années 1940, il s’est retrouvé enfermé pour vol et dit avoir été alors « traité comme un rat de laboratoire ». Puis, dans les années 1960, c’est Jacques Bellanger, qui « détestait l’école et ne supportait pas l’autorité ». A 16 ans, il a été placé en maison de redressement à Aniane (Hérault). Les éducateurs étaient d’anciens matons ou des combattants de la guerre d’Algérie, qui assuraient une discipline militaire avec mitard pour les plus récalcitrants. A la même époque, Marie-Christine Vennat, qui n’avait que 15 ans, a subi le sort peu enviable des jeunes filles dont l’attitude était jugée « provocante » : trois ans au Bon Pasteur, où elle a vécu l’enfer afin d’être « remise sur le droit chemin ». Yazid Kherfi, aujourd’hui consultant en prévention urbaine (3), a été attrapé par la police dans les années 1970 après un vol de voiture, puis envoyé en prison, avec un mélange de crainte et de fierté d’être comme ses copains. En sortant, il est tombé dans la grande délinquance – « une façon d’exister », affirme-t-il.

Après la réforme pénale de 1994, le code pénal crée de nouvelles infractions et punit plus sévèrement les jeunes. Complice d’un meurtre à 17 ans, Marius Margot en a directement subi les conséquences : il écope de douze ans de prison à Bois-d’Arcy (Yvelines). Sorti adulte, il a pu se ré­insérer grâce au Théâtre du Fil (4). Enfin, Steeve Bellais, dealer de 17 ans, orphelin depuis ses 10 ans, est arrêté il y a une dizaine d’années pour détention d’armes. Il passe cinq ans derrière les murs de Fleury-Mérogis (Essonne). Autour de ces témoignages poignants, trois experts – Pierre Joxe, avocat pour mineurs, Jean-Pierre Rosenczveig, juge des enfants, et Laurent Mucchielli, sociologue – apportent leurs points de vue.

Les enfants perdus. Une histoire. de la jeunesse délinquante.

Valérie Manns – A voir sur http://pluzzvad.francetv.fr – 1,99 € ou 2,99 €

Précision

C’est Véronique Moisson, art-thérapeute, qui a retranscrit les paroles de Jean-Michel Bafourd dans l’ouvrage Je vais te dire (Editions Villèle), auquel un article intitulé « Trente-cinq ans dans la rue » a été consacré dans les ASH n° 2834 du 22-11-13, p. 36.

Notes

(1) Enfances difficiles, affaires d’Etat, Adrien Rivollier – Voir ASH n° 2685 du 3-12-10, p. 36.

(2) « Les professionnels de la justice des enfants » – Voir ASH n° 2744 du 27-01-12, p. 40.

(3) Voir ASH n° 2199 du 26-01-01, p. 31, et n° 2639 du 1-01-10, p. 33.

(4) www.theatre-du-fil.com.

Culture

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur