Qu’est-ce qu’accompagner ? Maître-mot du travail social, ce verbe est ici minutieusement analysé par la sociologue Frédérique Giuliani à travers l’étude de deux dispositifs dont l’outil privilégié est la relation d’accompagnement : les missions locales dédiées aux jeunes en difficulté d’insertion et une structure de soutien à la parentalité destinée à éviter le placement d’enfants de 3 à 12 ans. Qu’il s’agisse d’accompagner les jeunes ou les mères – aucun père ne fréquente l’accueil de jour où s’est déroulée l’enquête –, l’entretien individualisé est la pierre angulaire du travail des professionnels. Mais c’est là aussi une limite de leur intervention : « Les accords, les pactes, les décisions d’action prises en commun peuvent ne jamais se concrétiser » si le statut de la parole n’est pas réellement compris des usagers, souligne l’auteure. De fait, l’idée n’est pas de se parler sur le mode « non impliquant d’une conversation, mais de s’accorder sur des scénarios d’action dont la réalisation » incombe aux personnes accompagnées. Or différentes observations témoignent de formes de résistance de ces dernières, qui feignent la bonne volonté ou oublient leurs engagements dès la porte fermée. Il est vrai que « coopérer avec les professionnels ne va pas de soi », même si cette collaboration est nécessaire pour se sortir d’un mauvais pas. Pas question, cependant, pour les usagers de se rebeller, car les situations à affronter « sont toujours socialement construites comme le résultat d’échecs successifs » leur étant imputables. Une morale de la responsabilité individuelle qui va de pair avec la doxa du gouvernement de soi.
Accompagner. Le travail social. face à la précarité durable
Frédérique Giuliani – Ed. Presses universitaires de Rennes – 16 €