Dans un arrêt du 10 octobre, le Conseil d’Etat borde les pouvoirs de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
Le protagoniste principal de cette affaire est un ressortissant turc d’origine kurde désireux d’obtenir l’asile en France. Convoqué à une audition par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à la suite de sa demande – comme le prévoit l’article L. 723-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) –, l’intéressé ne s’est pas présenté à cet entretien. Avec comme conséquence le rejet de sa demande par le directeur de l’office. Le ressortissant turc s’est alors tourné vers la CNDA. Laquelle, par une première décision, a ordonné à l’OFPRA, « à titre de supplément d’instruction », de procéder dans un délai de trois mois à l’audition du demandeur d’asile. L’office n’ayant pas donné suite à cette première décision, la Cour a estimé, dans une seconde décision, que « les faits allégués par le requérant devaient être regardés comme établis » et lui a reconnu le statut de réfugié. Saisi à son tour, le Conseil d’Etat lui a donné tort et a annulé ces deux décisions.
La Haute Juridiction a rappelé en premier lieu un principe : il appartient à la CNDA qui est saisie d’un recours de plein contentieux non pas d’apprécier la légalité de la décision du directeur général de l’OFPRA qui lui est soumise mais de se prononcer elle-même sur le droit de l’intéressé à la qualité de réfugié (ou au bénéfice de la protection subsidiaire) « au vu de l’ensemble des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle statue ». Toutefois, indique l’arrêt, lorsque le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides a statué sans procéder à l’audition du demandeur, « il revient à la CNDA, eu égard au caractère essentiel et à la portée de la garantie en cause, si elle juge que l’office n’était pas dispensé par la loi de convoquer le demandeur à une audition (1) et que le défaut d’audition est imputable à l’OFPRA, d’annuler la décision qui lui est déférée ». Et de renvoyer l’examen de la demande d’asile à l’OFPRA, « sauf à ce qu’elle soit en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle ».
En clair, la Cour nationale du droit d’asile pouvait donc, en l’espèce, annuler la décision de l’office pour violation d’une garantie procédurale essentielle. Par contre, pour le Conseil d’Etat, elle ne pouvait pas user, comme elle l’a fait, de son pouvoir d’instruction pour enjoindre à l’OFPRA de procéder à l’audition du demandeur d’asile. En vertu de l’article L. 733-1 du Ceseda, précisent les sages, la cour peut toujours prescrire des mesures d’instruction – notamment en ordonnant la comparution devant elle du requérant « afin d’être pleinement éclairée sur les circonstances nécessaires à la solution du litige qui lui est soumis » –, sous réserve toutefois qu’elles ne soient pas « inutiles ou frustratoires ». En revanche, « elle ne saurait, sans erreur de droit, enjoindre à titre de mesure d’instruction à l’office de procéder à l’audition du demandeur d’asile ».
(1) L’article L. 723-3 du Ceseda et du droit d’asile dispense en effet le directeur de l’OFPRA de l’obligation d’audition des demandeurs d’asile dans plusieurs cas précis (éléments fournis à l’appui de la demande manifestement infondés, raisons médicales interdisant de procéder à l’entretien etc.).