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« Il est urgent de monter des états généraux de l’information sociale et médico-sociale »

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Le dispositif social et médico-social, s’il a beaucoup évolué, reste largement perfectible, défend Jean-François Bauduret. Celui qui fut pendant dix ans l’éminence grise de la direction générale de l’action sociale (DGAS) revient, dans un ouvrage, sur les législations sociales qui ont refondé le secteur et invite à aller plus loin.
Vous faites le point sur les réformes intervenues depuis 2002. Alors qu’on a le sentiment d’un empilement de textes sans direction globale, vous voyez une cohérence d’ensemble. Ne réécrivez-vous pas l’histoire ?

Mon livre ne fait pas mystère de bon nombre d’incohérences dans nos législations sociales. Mais j’ai aussi voulu montrer que tant les lois transversales – loi 2002-2 et loi « hôpital, patients, santé, et territoires » [HPST] de 2009 – que sectorielles – loi contre les exclusions, loi relative à l’allocation personnalisée d’autonomie, loi « handicap » et loi sur la protection de l’enfance – sont porteuses de valeurs communes fortes. Toutes se rejoignent autour de la promotion de la citoyenneté et des droits de la personne, de la recherche de la bientraitance et de la qualité des prestations, de la valorisation du milieu ordinaire de vie et de la forte personnalisation des aides et des accompagnements. Il y a eu, au moins au plan de la doctrine, une certaine continuité de l’action publique, quelles que soient les majorités politiques qui ont porté ces textes.

C’est le coté blanc. Le côté noir, c’est la normalisation : le droit des usagers a engendré une multiplicité de procédures et de recommandations…

Je fais une distinction entre, d’une part, les outils mis en place dans les établissements pour garantir les droits des usagers et, d’autre part, les recommandations de bonnes pratiques. Mettre en place un livret d’accueil, un conseil de la vie sociale, contractualiser la relation usager-institution participent incontestablement à la bientraitance. La dimension des droits des usagers me semble aujourd’hui globalement bien intégrée dans les établissements. Même si je regrette de ne pas avoir mis en place, lorsque j’étais à la direction générale de l’action sociale, des outils facilitant leur mise en œuvre et appréciant leur degré de progression. Quant aux référentiels de bonnes pratiques professionnelles édictés par l’ANESM [Agence nationale de la qualité et de l’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux], tout l’enjeu est de savoir s’ils corsètent ou non l’initiative des professionnels. Je ne le crois pas. On peut juger le dispositif d’élaboration pesant, mais il est conduit en concertation avec les professionnels. Et ce sont souvent ces derniers qui, par souci du détail, alourdissent les préconisations. C’est la difficulté même de ce type de démarche : réussir à produire des outils relativement maniables tout en évitant la caricature ou, à l’inverse, des grilles trop complexes.

Je rappelle que l’ANESM peut aussi valider des bonnes pratiques proposées par les professionnels. Or cela n’arrive pas assez souvent et des champs entiers, comme les enfants handicapés en instituts médico-éducatifs, restent non couverts. J’invite donc vivement les acteurs à faire remonter à l’agence les démarches « qualité » qu’ils mettent en place.

Votre ouvrage n’évoque pas le changement profond du rapport des pouvoirs publics avec les associations, devenues avec les appels à projets de simples prestataires…

Je défends la philosophie de l’appel à projets, même si certaines modalités d’application restent perfectibles ; une concertation est d’ailleurs engagée en ce sens par l’administration centrale. Il est vrai que la nouvelle procédure a bouleversé le régime des autorisations puisque le promoteur n’est plus à l’initiative de la création ou transformation d’un établissement, mais doit répondre aux appels à projets des préfets de région, des agences régionales de santé [ARS] ou des présidents de conseils généraux. Néanmoins, si l’appel à projets a été inventé, c’est aussi pour réguler la guerre farouche à laquelle se livraient bon nombre d’associations. Arrêtons d’être angéliques : certaines faisaient le siège des parlementaires, des cabinets ministériels, des services de l’Etat ou des départements pour faire passer leurs projets avant les autres. C’est ainsi que, trop longtemps, les créations de places pour les autistes, les traumatisés crâniens, les polyhandicapés ou les services médicalisés d’aide à domicile pour personnes âgées ont été laissés pour compte. Mais ce dispositif doit impérativement s’appuyer sur des schémas de planification départementaux et régionaux de qualité. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Ces réformes interviennent dans un contexte néolibéral : la performance, que vous défendez, s’inscrit ainsi dans le « new public management », qui vise à calquer l’action publique sur les modes de gestion marchands…

La diffusion en France du new public management – ou nouvelle gestion pu­blique – entraîne-t-elle des dérives dans l’utilisation de certains outils ? C’est ­possible, mais nos législations sociales ne sont pas d’essence néolibérale. Si je défends la performance, c’est que ce concept se situe, au sens de l’Organisation mondiale de la santé, à la confluence de trois critères : la qualité des prises en charge, des accompagnements et des prestations ; l’amélioration des conditions des personnels des établissements et services ; l’efficacité économique. Je soutiens que ce n’est pas un mot obscène dès lors qu’il est défini correctement et utilisé à bon escient. Il faut notamment que les économies de gestion réalisées par les établissements ne leur soient pas entièrement soustraites pour qu’ils puissent les réinvestir à 80 %, 90 %, voire intégralement, dans les prestations directement servies aux personnes fragiles. Sinon on est dans la maîtrise comptable et on va à la catastrophe !

C’est pourquoi je pense que deux outils doivent être mis en synergie pour rendre le secteur plus efficient : le groupement de coopération sociale et médico-sociale [GCSMS], qui permet aux établissements de se regrouper et d’améliorer leur gestion ; le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens [CPOM], qui rénove les relations entre l’organisme gestionnaire et l’autorité tarifaire et devrait préciser que la majorité des économies réalisées servent à améliorer les réponses aux usagers.

Pour certains, la performance ne permet pas de rendre compte de l’utilité du service rendu…

Je peux vous dire, en tant que vice-président du conseil scientifique et d’orientation de l’ANAP [Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux], que l’utilité sociale du service rendu est pleinement prise en compte. J’ai passé beaucoup de temps à expliquer aux équipes que le projet de vie et d’accompagnement était essentiel dans le médico-social. Si ce n’était pas dans leur culture, elles l’ont aujourd’hui parfaitement intégré en contrepoint du projet de soins. Je reconnais toutefois que la performance continue de faire peur dans le secteur social. C’est une notion empruntée aux athlètes de haut niveau ou au monde de l’entreprise, qui implique compétitivité, rentabilité et sélection et a tout pour choquer.

L’éclatement du pilotage de l’Etat – entre une DGCS exsangue, une CNSA et des agences – ne facilite guère la lisibilité des réformes. Qui pilote l’avion ?

Pour avoir exercé à la direction générale de l’action sociale [devenue direction générale de la cohésion sociale (DGCS)] et à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie [CNSA], je peux témoigner combien il est difficile pour une admi­nistration de voir une agence, qui a des moyens multipliés par dix, développer des actions que le ministère ne menait pas ou moins bien faute de personnels suffisants. Néanmoins, c’est toujours le ministère qui définit la politique, conçoit les lois et règlements et organise les règles du jeu. La CNSA est un opérateur qui doit rendre des comptes dans le cadre d’une convention d’objectifs et de gestion. Il y a bien sûr quelques frictions entre les deux, mais je pense qu’on y a gagné en qualité. La CNSA est dotée de moyens lui permettant d’éclairer la puissance publique sur des dispositifs qui dysfonctionnent et de forger des outils pour y remédier. A mon avis, les difficultés de pilotage ne viennent pas tant des relations des services de l’Etat et de ses agences que de l’imbroglio né du partage approximatif des compétences entre l’Etat et les conseils généraux.

On se demande d’ailleurs si la décentralisation n’a pas eu un impact plus négatif que positif sur les politiques sociales…

Mon sentiment, c’est que la décentralisation a rendu les choses plus complexes parce qu’elle n’a pas su aller à son terme. Alors que l’un de ses principes, inscrit dans le code général des collectivités territoriales, est l’homogénéité des compétences et des financements, beaucoup d’établissements, en particulier dans le secteur des personnes âgées et handicapées, relèvent d’un double financement Etat/département. Ce qui entraîne de nombreux conflits ou dénis de compétences et une opacité dans la conduite des politiques sociales. Par exemple, s’il y a eu des retards dans la consommation des crédits des EHPAD [établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes], c’est bien parce que les deux pilotes – président du conseil général et directeur général de l’ARS – ont du mal à s’ajuster lors de la signature ou du renouvellement des conventions tripartites ! Comment expliquer aussi que des publics présentant le même niveau de handicap puissent être orientés indifféremment en maison d’accueil médicalisée (MAS, tarifée par l’assurance maladie), en foyer d’accueil médicalisé (FAM, double financement assurance maladie/conseil général) ou en foyer de vie (conseil général) ?

Peut-on aller plus loin ? Le troisième projet de loi de décentralisation – dit « de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale » –, qui devrait être examiné en 2014, reste très timide…

Il prévoit très peu de transferts de compétences hormis les établissements et services d’aide par le travail [ESAT]. Le gouvernement a reculé – avec raison à mon avis – sur les maisons départementales pour personnes handicapées. On voit bien qu’on est dans un jeu de mistigri : l’Etat essaie de se débarrasser de certaines de ses prérogatives et se heurte au refus des conseils généraux qui n’ont aucune assurance que les recettes suivront dans la durée. Peut-on aller plus loin ? Faire reculer les compétences croisées, comme le proposent avec des scénarios très différents les rapports « Briet-Jamet » de 2004 et « Vachey-Jeannet » de 2012, ce serait possible si nous étions en période de croissance et si les budgets de l’Etat, de l’assurance maladie et des conseils généraux étaient à peu près équilibrés. Mais en période budgétaire tendue, cela revient à faire du marchandage à la petite semaine. Plutôt que de nouveaux transferts de compétences qui risquent de ne pas fonctionner, je pense qu’il vaut mieux tenter d’articuler les deux pilotes.

Mais les élus y sont réticents comme le montrent les débats lors du premier projet de loi de décentralisation dit « de modernisation de l’action publique » (1)

C’est vrai que le Sénat a voté contre la création du Haut Conseil des territoires et a allégé la conférence territoriale de l’action publique. Il y a, de fait, une grande réticence des élus à la coordination. Le projet de loi rajoute en outre des instances de concertation alors que la loi HPST avait créé des conférences de coordination des politiques publiques, qui rassemblent les services de l’Etat, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale sur une région. Les décrets sont parus, ces commissions existent, mais je ne suis pas sûr que cela ait suffi à instaurer une synergie des décideurs…

L’une des failles du dispositif social et médico-social concerne la planification des besoins. L’Etat n’a-t-il pas une part de responsabilité ?

Dans le cadre de la loi 2002-2, il avait eu la sagesse d’instaurer des schémas départementaux d’organisation sociale et médico-sociale arrêtés conjointement par le conseil général et l’Etat. Or la loi Raffarin du 13 août 2004 a abrogé ce dispositif pour ériger le conseil général en chef de file de la planification et alors même que 70 % des places dans le champ du handicap sont financés par l’Etat et l’assurance maladie ! Cette ambiguïté, à laquelle s’ajoute la réticence des élus à objectiver des besoins non satisfaits, conduit à des schémas non réalisés, incomplets ou incantatoires. Il faut reconnaître que l’Etat, peu désireux de froisser les conseils généraux, n’a rien fait pour proposer une méthodologie adaptée de planification. Et il a rajouté, dans le cadre de la loi HPST, un schéma régional, mais qui porte uniquement sur la partie médico-sociale. Ce qui explique aujourd’hui l’empilement de schémas mal articulés entre eux.

Je pense, comme beaucoup d’acteurs, qu’il serait beaucoup plus simple de transférer à la région une compétence de planification sociale et médico-sociale, ce qui faciliterait aussi la coordination entre le sanitaire – déjà régionalisé – et le social. Mais ce serait revenir sur les niveaux actuels de décentralisation…

Encore faudrait-il pouvoir disposer d’indicateurs fiables…

Il s’agit là d’un point très peu abordé, le système d’information du secteur social et médico-social est effectivement lacunaire et impropre à la prise de décision pertinente. Chacun bricole dans son coin, ce qui entraîne des redondances et des trous noirs. La loi 2002-2 avait tenté d’obliger l’Etat et les collectivités territoriales à se doter de systèmes d’information compatibles entre eux, mais la disposition a été abrogée en 2011 par la loi de simplification du droit. Résultat, il n’existe aucun outil fiable pour mesurer l’impact financier des accords salariaux des conventions collectives, ce qui éviterait qu’ils soient négociés, puis agréés « avec un bandeau sur les yeux » ! Lorsque j’ai conduit la réforme de la tarification des EHPAD, nous ne disposions d’aucune étude pour calculer ses incidences sur chacun des financeurs. On s’est aperçu a posteriori – heureux hasard ! – qu’on ne s’était pas trop trompé.

Ce n’est pas que les pouvoirs publics ne se préoccupent pas du sujet, mais ils le font mal ou de manière velléitaire. La DGAS a interrompu en 2009 les tableaux de bord des établissements sociaux et médico-sociaux mis en place par le décret budgétaire et comptable de 2003. Elle a abandonné en 2005 l’étude « Evasion » confiée au CREAI Pays-de-la-Loire pour mesurer les champs de recouvrement entre les MAS, FAM et foyers de vie.

Que proposez-vous ?

Même si ce n’est pas très payant politiquement, il devient urgent de monter des « états généraux de l’information sociale et médico-sociale » avec l’ensemble des acteurs – Etat, départements, organismes, fédérations des établissements et usagers. L’idée serait de construire un système articulé, qui définirait sur quatre niveaux – établissement, département, région, nation – qui fait quoi, qui transmet à qui et de quel type d’information chaque acteur a besoin. Celui-ci produirait des données physiques – et épidémiologiques – et financières. Cette refondation est, par exemple, un préalable aux indispensables réformes tarifaires – on compte une dizaine de modalités, toutes héritées de l’histoire.

La DGCS prépare un projet de réforme de la tarification des établissements et services pour personnes handicapées sur sept ans. Va-t-elle dans la bonne direction ?

Sur le plan de la méthode, oui. Ce projet s’inscrit dans la durée et dans la lignée du rapport « Vachey-Jeannet », qui part de l’idée qu’on ne peut pas réformer la tarification dans le secteur du handicap si l’on ne connaît pas les populations et si l’on n’a pas une intelligibilité de la formation des coûts. Maintenant, le diable est dans le détail. Comment ce projet va-t-il être mis en œuvre ? Comment sera-t-il négocié ? Le secteur acceptera-t-il les changements ? Très souvent aussi des réformes a priori justes périclitent parce qu’on a mal mesuré le nombre de perdants ou de gagnants par rapport au dispositif antérieur.

L’un des défis actuels est de repenser les réponses autour des parcours des usagers…

Je crois qu’on ne devrait plus raisonner exclusivement en termes de catégories d’établissements spécialisés, mais de plateformes polyvalentes de services. Par exemple, pour le secteur des personnes âgées, les nouvelles places devraient être autorisées dans le cadre de pôles gérontologiques, qui réuniraient des services médicalisés, des accueils de jour et des services à domicile, ce qui permettrait d’éviter les ruptures de parcours, notamment entre institution et domicile. On pourrait faire la même chose dans le champ du handicap ou de l’exclusion – une plateforme de services pourrait réunir un CHRS, un SAMU social, des équipes mobiles articulées avec la psychiatrie.

Mais on va buter sur les cloisonnements entre les secteurs…

On pourrait créer sans trop de difficultés des plateformes les plus polyvalentes possibles au sein du secteur social et médico-social. Mais si l’on veut leur inclure des services sanitaires, il faudrait sortir de la gestion par un opérateur unique et constituer un groupement de coopération sociale et médico-sociale ou sanitaire. Avec cette formule, on pourrait par exemple imaginer une plateforme réunissant un ITEP [institut thérapeutique, éducatif et pédagogique], des Sessad [services d’éducation spéciale et de soins à domicile] et un centre de thérapie brève pour adolescents.

Aujourd’hui, on a la boîte à outils – GCSMS, CPOM, conventions… – pour réorganiser l’offre de services sur les territoires. Il reste que, pour avoir une cohérence d’ensemble, il y a une réflexion méthodologique à mener, ce que l’Etat ne peut pas faire seul. Il doit associer l’Assemblée des départements de France, l’assurance maladie, les fédérations professionnelles. Les plateformes de services auraient, en outre, l’intérêt de prévenir le burn out en permettant à certains professionnels de passer, par exemple, de l’accompagnement très éprouvant de malades Alzheimer en institution au maintien à domicile.

Faudrait-il encore que l’Etat porte cette vision globale…

C’est vrai qu’aujourd’hui il manque une vision d’ensemble. On réforme segment par segment. La CNSA tente de coordonner les réponses sur son secteur. L’ANAP a une légitimité pour articuler le sanitaire et le médico-social, mais pas le social. Il manque, me semble-t-il, une charte nationale de l’action sociale et médico-sociale organisant les règles du jeu.

Vous montrez effectivement le jeu compliqué entre les acteurs. L’intérêt général tire-t-il les politiques sociales ?

Le sens de l’intérêt général est probablement la chose du monde la moins bien partagée. Je peux témoigner avec le recul combien les corporatismes freinent l’intelligence collective. Tant du côté des administrations centrales – la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades est sortie trois mois après celle de 2002-2, mais il n’y a eu aucune coordination ! – que dans les rapports entre l’Etat et les élus, où chacun tire la couverture à soi, ou au sein des fédérations d’établissements, qui ne défendent pas seulement leurs publics. Par exemple, la loi 2002-2 avait prévu que les organismes gestionnaires rédigent une charte de la bientraitance, ce qui aurait donné plus de consistance aux principes définissant les droits des usagers. Or, du fait de leurs divisions, ils n’ont guère saisi cette opportunité !

Mais ce qui pervertit surtout le jeu des acteurs, ce sont les tensions budgétaires. C’est pourquoi il faut être très rigoureux dans l’élaboration des réformes et toujours les appuyer sur le dialogue avec les acteurs et un système d’information plus transparent.

Une vision « de l’intérieur »

Intitulé Institutions sociales et médico-sociales : de l’esprit des lois à la transformation des pratiques, l’ouvrage analyse les évolutions législatives et réglementaires qui ont fondé et réorganisé le dispositif social et médico-social, et trace des perspectives. L’auteur, qui en fut un acteur de premier plan, offre une compréhension « de l’intérieur » des failles et des atouts de ce secteur mais aussi des difficultés à le réformer face aux rigidités et au jeu complexe de l’ensemble des acteurs, sans nier d’ailleurs les défaillances des services de l’Etat. Si certains pourront reprocher à l’ancien haut fonctionnaire de ne pas aller assez loin dans certains développements, celui-ci porte un regard honnête et fin sur les réformes mises en place et les freins qui restent, selon lui, à lever.

Ed. Dunod, 2013, 23 €.

Un haut fonctionnaire inclassable

Avec cette moustache qui lui donne une allure légèrement britannique, Jean-François Bauduret, 66 ans, aujourd’hui retraité, reste un haut fonctionnaire atypique. Il est l’un des rares serviteurs de l’Etat à s’être aussi bien joué des cloisonnements du sanitaire et du social. Après un passage à la direction générale de la santé, puis au cabinet de Claude Evin, alors ministre de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale, comme conseiller technique, il se voit confier la sous-direction de l’organisation des soins à la direction des hôpitaux. Et c’est le saut en 1995 pour la direction de l’action sociale (qui deviendra direction générale de l’action sociale), où il sera l’éminence grise de Pierre Gauthier, chargé de domaines réservés. Une période d’intense activité qui l’amènera naturellement, en 2006, à accompagner, en qualité de directeur adjoint, les premiers pas de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Sa grande œuvre reste les sept années de construction de la loi 2002-2, qu’il ira défendre à l’Assemblée nationale et au Sénat aux côtés de Dominique Gillot, secrétaire d’Etat à la santé, puis de Paulette Guinchard, secrétaire d’Etat aux personnes âgées. On lui doit aussi la réforme de la tarification des EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) et la loi du 27 juin 1990 relative aux droits des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux, sans compter les politiques sur les traumatisés crâniens, l’autisme, les handicaps rares… Psychiatrie, santé scolaire, planification, social, il est de tous les chantiers. Une culture décloisonnée qui le rend légitime pour défendre la place du médico-social – dont il apprécie « la part d’humanité » – à l’ANAP (Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux) au sein de son conseil scientifique et d’orientation. Son côté « bulldozer » ne l’empêche pas d’allier la technicité à une vision politique. Mais s’il a le sens de l’Etat, il a aussi « la passion pour ce qui se passe sur le terrain », comme il le dit lui-même. Du temps, il en a ainsi toujours trouvé, dans ses différents postes, pour « visiter des établissements » – un virus qui ne l’a pas quitté. Ce qu’on sait moins, c’est que ce haut fonctionnaire – qui n’a pas fait l’ENA – a aussi une âme de pédagogue. Depuis plusieurs années, il enseigne à Sciences Po dans le cadre du master « politiques gérontologiques » et du master « politiques du handicap ». A ses heures perdues, il peint, deuxième « vocation rentrée » de ce passionné d’art moderne et contemporain. Une autre façon de refaire le monde…

Notes

(1) Qui doit encore être examiné par l’Assemblée nationale en seconde lecture.

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