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Quel avenir pour les centres éducatifs fermés ?

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Il l’avait promis après que la garde des Sceaux avait renvoyé la question de l’avenir des centres éducatifs fermés (CEF) au rapport d’évaluation des inspections générales des affaires sociales, des services judiciaires et de la protection judiciaire de la jeunesse (1). Alors que celui-ci a fini par être dévoilé le 13 novembre, six mois après sa remise à la chancellerie – et après un nouveau rapport alarmant du contrôleur général des lieux de privation de liberté –, le SNPES (Syndicat national des personnels de l’éducation et du social)-PJJ-FSU a rendu public son propre bilan.

Perte de sens

Si l’analyse n’est pas nouvelle – le syndicat s’oppose à ces structures depuis leur création en 2002 –, le document l’étaie par de nombreuses expériences et tout autant de récits de professionnels sur les parcours de mineurs. Certains témoignages prennent nettement parti contre les CEF, souligne le SNPES, tandis que d’autres se contentent de soulever des interrogations. Mais ils « disent tous le désarroi lié à une perte de sens du travail éducatif ». Parmi les thèmes abordés : les orientations en CEF par défaut, l’aggravation du parcours pénal du jeune par les sanctions pour non-respect du règlement, les atteintes aux droits des mineurs liées au caractère « hybride » du dispositif, les dysfonctionnements générés par la mise à l’écart, l’absence de projet éducatif, de travail avec les familles, la recherche de la soumission plutôt que de l’adhésion… Soit, vu du terrain, le glissement de l’« éducation contenante » vers la contrainte et la banalisation de l’enfermement.

Le SNPES est donc loin de se réjouir de l’annonce, par le ministère, de la création de deux nouveaux CEF par an sur le quinquennat (il y en avait 45 au 1er janvier), au lieu du doublement du nombre de structures annoncé en début de mandature présidentielle. « Le budget 2014 prévoit la création de deux CEF et de quatre foyers éducatifs, dont trois sont d’anciens centres qui avaient été fermés pour travaux, explique Michel Faujour, co-secrétaire national du SNPES-PJJ-FSU. La logique est toujours la même, on privilégie toujours les CEF. » Le syndicat illustre cette tendance par la « cartographie » des unités éducatives (milieu ouvert, hébergement, insertion) supprimées en cinq ans : 37 en Ile-de-France, 23 dans le Sud-Est, 19 dans le Nord… Même constat pour la répartition des moyens : « Les deux tiers des créations d’emplois pour 2014 sont mobilisés pour les CEF ! » Pourtant, comme l’indique le rapport, leur efficacité n’est pas vraiment visible… Le SNPES plaide pour l’arrêt du programme, dont le coût est, en outre, élevé (environ 600 € par mineur et par jour) et le redéploiement des moyens en faveur des autres dispositifs. En attendant, il souhaite continuer à faire émerger la parole des professionnels. « Là où les CEF fonctionnent le mieux, c’est quand les professionnels ont contourné le cahier des charges pour les ouvrir au maximum, ajoute Maria Inès, co-secrétaire nationale. Il faut aller jusqu’au bout de la logique et affirmer qu’on ne peut éduquer que dans un cadre ouvert. »

Le sens éducatif de ces structures, conçues comme une alternative à l’incarcération, n’a pas été abordé par les inspections, estime quant à lui Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, surpris « des réponses technocratiques avancées ». Et de regretter également la confusion entre la contrainte éducative et la punition par la mise à l’écart : « Les CEF et autres établissements pénitentiaires pour mineurs paient aujourd’hui l’ambiguïté. Assumons la répression, mais donnons-nous les moyens de l’éducatif et acceptons qu’il soit une prise de risque. » Autre question : la place de ces structures dans le cadre d’une justice pénale des mineurs qui a évolué, au gré des réformes, vers le jugement de l’acte, qui prend moins en compte la personnalité du jeune. La refonte promise de l’ordonnance de 1945 va-t-elle y répondre ? Des groupes de travail ont commencé à se réunir à la protection judiciaire de la jeunesse, mais le chantier reste encore flou, tant sur la méthode que sur le calendrier.

Pour Alain Dru, secrétaire général de la CGT-PJJ, qui doit réunir une « coordination nationale des CEF » en décembre à Marseille, tout dépendra de ce que le ministère retiendra des préconisations des inspections en matière de formation, d’accompagnement des personnels, de renforcement de l’encadrement et de moyens. Il approuve notamment la préconisation de l’inspection de doter les centres fermés en personnels de santé, plutôt que de développer les centres « santé mentale ». « Avoir les moyens d’accueillir les mineurs en souffrance oui, mais attention à ne pas déplacer le secteur de la pédopsychiatrie dans ces structures ! argumente-t-il. Le risque est de voir des mineurs s’y retrouver uniquement parce qu’ils sont estampillés santé mentale ». Mieux vaudrait, selon lui, renforcer le contenu des conventions avec les agences régionales de santé, sans oublier de former les personnels éducatifs sur certains aspects de la prise en charge, comme l’effet de certains médicaments sur le comportement.

Parcours cohérent

La CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant), qui milite pour le renforcement des effectifs en CEF, se satisfait que le rapport des inspections aille dans ce sens. « Il souligne aussi que les CEF n’ont de pertinence que s’ils s’inscrivent dans un parcours cohérent. Il pointe l’absence de visibilité sur la réalité des besoins, ces structures étant la partie trop visible de la réponse pénale dans les fichiers des magistrats, fait remarquer sa directrice générale, Fabienne Quiriau. Ces structures doivent ausi s’implanter dans un espace géographique pour permettre de construire un projet en lien avec le territoire, avec une réflexion sur les liens familiaux. » Pour la fédération, la révision du cahier des charges ne devra pas rigidifier le système, mais laisser une marge d’initiative aux établissements et aux professionnels. L’efficacité des CEF ne devrait pas, en outre, être mesurée à l’aune de la seule récidive, mais de tous les éléments qui permettent « la transformation du jeune, de le rendre disponible à un projet ». Ce qui autoriserait de valider le principe selon lequel le temps, donc la stabilisation du jeune, reste le pilier du travail éducatif.

La fédération doit réunir le 26 novembre les associations gestionnaires de CEF. L’occasion, explique Fabienne Quiriau, de se pencher sur « le discrédit injustement porté sur le dispositif », alors qu’il permet une prise en charge intensive pour des adolescents aux problématiques complexes. Les recommandations du contrôleur général visent l’un de ses adhérents. « Rien ne justifie que l’on mette en péril les mineurs, mais l’on peut s’interroger sur la nécessaire période d’ajustement des projets éducatifs quand les structures démarrent. Il faudrait leur confier moins de jeunes au début et réfléchir à une forme d’accompagnement. Quand les critiques sont sévères, on essaie de comprendre. Pour autant, il faut continuer à améliorer la formation des personnels, ce qui implique que les effectifs ne soient pas trop tendus, et à travailler sur d’autres sujets comme la gestion des crises. Les CEF sont de la mécanique de précision. Il suffit d’un grain de sable pour qu’ils soient en difficulté. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2833 du 15-11-13, p. 5.

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