L’histoire se répète : les pouvoirs publics ont à nouveau réussi, faute de gestion cohérente du dossier de la gratification, à fédérer contre eux les professionnels en formation. Reprenant le flambeau de celle qui s’était créée en 2008 lors de la parution du décret instaurant une rétribution minimale des stagiaires, la Coordination nationale des étudiants en travail social (1) s’est constituée les 16 et 17 novembre à Rennes. Les élèves de 24 écoles (avec une forte représentation des régions Ile-de-France et Rhône-Alpes, mais aussi de plusieurs villes de province) avaient fait le déplacement. Une création qui s’inscrit dans la suite logique des nombreuses mobilisations étudiantes – manifestations, grèves, actions – qui émaillent le territoire depuis le mois d’octobre.
« Le bilan de la situation est catastrophique, rapporte Arthur Pellan, l’un des cinq porte-parole de la coordination. Les étudiants doivent faire face à des stages différés, des suspensions voire des reports de formation. Nous avons des témoignages d’élèves de 3e année qui, n’ayant pas trouvé de stage, n’ont pas pu se présenter à l’examen du diplôme d’Etat. A d’autres, on a proposé de faire une année supplémentaire. » Il ajoute que certaines structures qui s’étaient engagées à gratifier viennent de faire savoir qu’elles ne rétribueraient pas les stagiaires en application de la circulaire du 25 octobre du ministère de l’Enseignement supérieur invitant les établissements relevant des fonctions publiques territoriale et hospitalière à suspendre toute rémunération pour l’année scolaire 2013-2014 (2). Un moratoire censé répondre à l’urgence de la situation (en attendant la mise en place d’une concertation) et calmer la gronde de la rue, mais que la coordination juge « dramatique » car « il ignore les réalités étudiantes et l’urgence de nos situations ».
Dans un communiqué, celle-ci exprime donc la « colère » des professionnels en formation face à l’absence d’accompagnement financier de la loi Fioraso qui a étendu l’obligation de gratifier aux fonctions publiques hospitalière et territoriale et leurs « inquiétudes » sur leur avenir. Elle dénonce le « choix » du gouvernement de maintenir les étudiants dans une situation de précarité avec des stages non rétribués, qui entraînent une mise en concurrence des étudiants et « les plongent dans la galère pour vivre au quotidien et assurer les frais inhérents au stage (frais de transport, de restauration, double loyer…) ».
En tête, donc, des revendications de la coordination : « des stages gratifiés pour toutes et tous, maintenant ! » (voir aussi notre rubrique « Vos idées », dans ce numéro page 34). Elle refuse en bloc le moratoire, même si le périmètre exact de « tous » fait encore partie des points en discussion. « Certains souhaitent que la gratification s’applique à toutes les formations – par exemple aux moniteurs-éducateurs ou aux aides médico-psychologiques – et pas seulement à celles de niveau III. Ou encore que tous les stagiaires, quel que soit leur statut – les étudiants, mais aussi les apprentis, ceux inscrits à Pôle emploi –, puissent y prétendre », précise Arthur Pellan. Par ailleurs, outre « un financement fléché » des stages afin que les dotations soient bien utilisées à cet effet, la coordination demande que les étudiants n’ayant pas pu trouver de lieu d’accueil ne soient pas pénalisés lors de leur examen pour le diplôme. Enfin, elle se prononce pour « le maintien de stages longs et du principe de l’alternance », manifestant ainsi son opposition à toute forme de découpage pour contourner l’obligation de gratifier.
Décidée à établir un rapport de forces, la coordination appelle les étudiants à organiser des journées d’action nationale dans chaque ville les 28, 29 et 30 novembre, avant une manifestation nationale le 14 décembre à Paris et une nouvelle réunion le lendemain – soit quelques jours avant la table ronde prévue le 18 décembre par l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche sur l’intervention sociale) (3).
La coordination compte aussi mobiliser largement. A cette fin, elle lance un appel aux professionnels du travail social, « des acteurs indispensables dans notre parcours de formation », mais aussi à l’ensemble des étudiants universitaires concernés par la gratification, qu’ils suivent ou non une formation sociale.
(1) Contact :
(2) Voir ASH n° 2831 du 1-11-13, p. 15 et 34.
(3) L’Arifts-Ponants prépare dans ce cadre une journée de réflexion le 27 novembre sur l’alternance, les stages et la gratification, sur le site de Rezé. L’Unaforis a parallèlement réclamé un rendez-vous en urgence au Premier ministre en vue d’obtenir une table ronde nationale élargie à l’ensemble des partenaires.