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« Ce n’est pas le travail qui manque »

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Rediriger les dépenses liées à la précarité et au chômage de longue durée vers la création de nouveaux emplois pour les personnes exclues, tel est le projet d’ATD quart monde intitulé « L’emploi conçu comme un droit ». Explications avec Patrick Valentin, responsable du réseau Emploi-formation du mouvement.
Qu’est-ce que « L’emploi conçu comme un droit » ?

Il s’agit pour ATD d’expérimenter dans deux ou trois communautés d’agglomération de petite taille, candidates, un projet visant à supprimer le chômage d’exclusion et de désespérance sociale. Avant de nous tourner vers les pouvoirs publics, nous avons réalisé une étude macroéconomique visant à démontrer que les coûts cumulés des dépenses publiques liées à la privation d’emploi – le revenu de solidarité active, le fonds de solidarité logement, les aides facultatives, la CMU, mais aussi ce qui résulte du chômage comme la maladie, l’échec scolaire, la délinquance… – s’établissaient, au bas mot, à 15 000 € par personne et par an (1). Or, avec cette même somme, nous savons qu’il est possible de cofinancer des emplois en CDI, à temps choisi, pour l’ensemble des personnes concernées, sans supplément de dépenses budgétaires à la charge de la collectivité.

C’est extrêmement ambitieux !

En effet. Et affirmer qu’il y a du travail pour tout le monde, enfin pour tous ceux qui le désirent, l’est encore plus. C’est pourquoi nous optons pour des territoires modestes et très motivés. Nous avions prouvé, lors d’une pré-expérimentation, il y a près de 20 ans, à Seiches-sur-le-Loir (Maine-et-Loire), que c’était réalisable. Nous y avions trouvé du travail adapté à la demande de tous les demandeurs d’emploi de longue durée. Il a fallu attendre de longues années que les esprits évoluent avant de pouvoir solliciter une nouvelle expérimentation à plus grande échelle.

Quels sont les emplois envisagés ?

Pour répondre à cette question, il faut inverser l’ordre habituel : d’abord rencontrer les personnes privées d’emploi et répertorier leurs souhaits, leurs compétences, leurs qualités. C’est avec la connaissance détaillée de ces personnes prêtes à travailler au SMIC, qu’on engage ensuite une recherche de tous les travaux utiles pouvant être effectués sur le territoire, mais qui ne sont pas suffisamment solvables pour créer des emplois dans une entreprise ordinaire. L’expérience montre que cette démarche permet de trouver plus de travail à faire qu’il n’y a de demandeurs d’emploi disponibles ! Tous les secteurs peuvent être abordés : l’aide aux personnes, le tourisme, le nettoyage de terrains, les échanges de savoirs… La liste est longue ! Il s’agit de tâches qui n’entrent pas en concurrence avec le tissu économique existant puisqu’elles ne sont pas rentables. Naturellement, il n’est pas question de contraindre des personnes qui ne travaillent pas. Ce projet s’adresse aux « demandeurs ». Mais l’expérience d’ATD auprès des personnes les plus pauvres montre que, dans leur grande majorité, elles souhaitent, non pas l’aumône des allocations, mais du travail pour gagner leur vie dans la dignité.

Qu’attendez-vous des pouvoirs publics ?

Nous sommes en train d’élaborer avec deux territoires (en Ille-et-Vilaine et dans les Deux-Sèvres) les conditions des expérimentations pour les présenter à l’Etat. Pour pouvoir les lancer, il faut en passer par une loi permettant de transférer la part des budgets de l’aide aux personnes privées d’emploi à long terme au « comité de l’emploi conçu comme un droit ». En effet, nous ne demandons pas une subvention supplémentaire mais bien une réaffectation. Deuxièmement, il faut inscrire cette expérimentation dans la loi pour qu’elle ait un cadre légal et que les personnes restent disponibles pour le marché du travail ordinaire. Car il n’est pas question de fabriquer un ghetto : les employés de cette expérimentation doivent concevoir cet emploi comme un « filet de sécurité » et, autant que possible, comme un tremplin. Actifs, ils seront d’ailleurs mieux considérés par leurs futurs employeurs qu’en se présentant comme « très éloignés de l’emploi ». Nous sommes déjà en contact avec le ministère de l’Emploi et celui de la Cohésion sociale qui semblent intéressés, et nous espérons pouvoir lancer l’expérimentation courant 2014.

Notes

(1) Etude à lire sur www.atd-quartmonde.fr.

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