Les demandeurs d’asile homosexuels peuvent constituer un « groupe social spécifique », au sens de la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 concernant les conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, et donc invoquer le statut de réfugié dès lors qu’ils sont réellement menacés de prison dans leur pays d’origine. Dans un arrêt rendu le 7 novembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère en effet qu’une peine d’emprisonnement qui sanctionne des actes homosexuels et qui est effectivement appliquée doit être considérée comme étant une sanction « disproportionnée ou discriminatoire », et qu’elle constitue donc un « acte de persécution ».
Les faits sont les suivants : trois personnes, issues respectivement de Sierra Leone, d’Ouganda et du Sénégal, ont présenté des demandes de permis de séjour temporaire aux Pays-Bas, arguant être victimes de persécutions dans leurs pays d’origine sur le fondement de leur orientation sexuelle, à savoir leur homosexualité. Celle-ci constitue en effet une infraction pénale dans les trois pays et peut conduire à des sanctions graves (la réclusion à perpétuité en Sierra Leone et en Ouganda, une peine de prison doublée d’une lourde amende au Sénégal). A la suite du refus du ministère de l’Immigration et de l’Asile néerlandais d’accorder aux intéressés un titre de séjour, le Conseil d’Etat des Pays-Bas a décidé d’interroger la CJUE sur le traitement à réserver à ces demandes.
Dans son arrêt, la Cour rappelle que, conformément à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, la directive européenne du 29 avril 2004 énonce que le réfugié est, notamment, un ressortissant d’un pays tiers qui se trouve hors du pays dont il a la nationalité parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social. Et qu’un « certain groupe social » est constitué dès lors que deux conditions cumulatives sont réunies : les membres du groupe doivent « partager une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce » – ce qui est le cas de l’orientation sexuelle – et le groupe doit « être perçu comme étant différent par la société environnante ». Sur cette base, la CJUE reconnaît que l’existence d’une législation pénale « qui vise spécifiquement les personnes homosexuelles permet de constater que ces personnes doivent être considérées comme formant un certain groupe social ».
La Cour étudie, dans un second temps, le niveau de gravité de la violation des droits de l’Homme qui résulte de cette législation, afin de voir s’il y a effectivement persécution au sens de la directive du 29 avril 2004 et de la Convention de Genève. Et selon la Haute Juridiction, si la seule pénalisation des actes homosexuels ne constitue pas, en tant que telle, un acte de persécution, en revanche, « la peine d’emprisonnement […] qui pénalise des actes homosexuels est susceptible, à elle seule, de constituer un acte de persécution pourvu qu’elle soit effectivement appliquée ».
En conclusion, elle charge les autorités nationales à qui la demande d’asile est adressée de procéder à un examen de tous les faits pertinents concernant le pays d’origine des demandeurs homosexuels, y compris ses lois et règlements et la manière dont ils sont appliqués. Objectif : déterminer si la peine d’emprisonnement est appliquée en pratique dans le pays d’origine du demandeur.