Difficile de dresser un portrait-type de la personne en situation d’illettrisme. Seule constante repérée par les chercheurs : les femmes sont un peu moins touchées. Explication : souvent moins déscolarisées que les jeunes hommes, elles ont en outre un rapport à l’écrit plus étroit dans la mesure où elles s’occupent davantage des courses, des démarches administratives et du suivi de la scolarité des enfants. Au-delà, les situations sont extrêmement hétérogènes et démentent les préjugés.
Première croyance fausse : l’illettrisme ne toucherait que les plus jeunes. En fait, non seulement la moitié des personnes en situation d’illettrisme a plus de 45 ans, mais le taux d’illettrisme est même plus fort pour les groupes d’âge les plus élevés (près de 15 % au-delà de 50 ans). Deuxième idée reçue : il ne concernerait que les exclus. Or, même si l’illettrisme est un facteur d’isolement et peut freiner l’insertion sociale et professionnelle, plus de la moitié des personnes concernées exercent une activité professionnelle. La lutte contre l’illettrisme touche donc de très près le monde du travail.
Autre contre-vérité : l’illettrisme serait une réalité essentiellement urbaine. Les études montrent que la moitié des personnes en situation d’illettrisme vivent dans des zones rurales ou faiblement peuplées. Seuls 10 % vivent dans les zones urbaines sensibles. De même, l’illettrisme n’est jamais exclusivement lié à l’environnement (quartiers défavorisés), au milieu social ou au cadre familial. En fait, même si le risque d’illettrisme à l’âge adulte prend souvent racine dès l’enfance au moment des premiers apprentissages, il résulte d’une combinaison de facteurs : scolarité difficile, ruptures familiales, professionnelles ou sociales, situations de travail où le recours à l’écrit n’est pas nécessaire, problèmes de santé… « Le témoignage des personnes concernées montre qu’elles ont eu des parcours de vie chaotiques où les problématiques se croisent », explique Frédéric Blachier, chargé de mission « illettrisme » en Ile-de-France de l’ANLCI (Agence nationale de lutte contre l’illettrisme).
Cette hétérogénéité rend plus difficile l’identification des personnes qui pourraient avoir besoin d’aide. D’autant qu’elles ont tendance à cacher, voire à nier leurs difficultés. « Dans une minorité de cas, les personnes prennent conscience par elles-mêmes de leurs difficultés relatives et s’engagent de façon volontariste dans un processus qui vise à les résorber, observe le sociologue Hugues Lenoir. Le plus souvent, toutefois, on repère leur illettrisme à l’occasion d’une modification de leur environnement qui les fragilise – réorganisation du travail avec des tâches nouvelles, par exemple – ou bien lors d’une entrée en formation professionnelle. »