La question posée par le titre – Travailler en crèche, un métier ? – n’est pas que rhétorique. Tant en raison de l’invisibilité sociale des crèches – fonctionnement, composition et formation des personnels – que du manque de lisibilité des missions qui leur sont attachées : garde, soin, éducation ? Puéricultrice et docteure en sciences de l’éducation, c’est précisément parce que Ghyslaine Marchand Montanaro connaît bien le sujet et le secteur que son ouvrage est passionnant. Nourri de sa propre expérience de directrice de crèche puis de formatrice en école de puériculture, il est aussi le fruit d’une enquête dans trois crèches où l’auteure a alterné observations et rencontres avec les « professionnelles de la petite enfance » – désignation générique qui escamote « la diversité des personnels employés dans les établissements d’accueil collectif ». Le flou est d’ailleurs l’impression générale qui se dégage de l’ouvrage – lui-même très construit et fouillé. Il s’agit du flou des savoirs, des valeurs et des normes encadrant l’activité des professionnelles qui sont en contact direct avec les enfants et dont le « défaut de qualification […] est une réalité occultée ». Faute de prescriptions claires et explicites sur la façon de prendre en charge des tout-petits en collectivité, les intéressées sont renvoyées à elles-mêmes. Ainsi rendent-elles essentiellement compte de leur pratique en termes de qualités personnelles, voire « naturelles » – l’instinct, le feeling, la fibre maternelle – , et non de savoir-faire spécifiques et de références professionnelles réfléchies en équipe.
Travailler en crèche, un métier ?
Ghyslaine Marchand Montanaro – Ed. Presses de l’EHESP – 26 €