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« Aucun bienfait ne restera impuni »

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Cet ouvrage d’anticipation est plutôt osé. Et il a de quoi toucher, voire inquiéter les travailleurs sociaux. L’histoire imaginée par Emmanuelle Heidsieck se déroule dans un futur proche – trop proche, peut-être. Août 2015, un professeur à la retraite est arrêté par la police devant son domicile. Menotté, il est embarqué et placé en garde à vue. L’homme est accusé d’avoir rendu des services dans le voisinage. Condamnation : trois ans de prison et 100 000 € d’amende. C’est que le ministère de l’Intérieur prépare un texte de loi qui peut se résumer à : « Aucun bienfait ne restera impuni. » A la direction de l’ADS, on se charge de traquer tous les délits d’Aide, de Dons et de Services, en bref, de tout ce qui, dans le non-lucratif, peut fausser la libre concurrence. Le délit le plus nocif étant bien évidemment celui de l’aide gratuite à domicile : des consignes ont été lancées, des avertissements se sont multipliés, la population est informée et toute vocation découragée. « Le comportement altruiste masque et indique des problèmes d’identité, des traumatismes dans l’enfance, le besoin malsain de se faire aimer. Cette tendance à vouloir secourir est un moyen suspect de se rassurer qui s’apparente à un désir de toute-puissance, de manipulation. C’est une façon d’obliger autrui, de l’abaisser, de le placer en position d’être redevable », insiste le rapport W. La « réparation gratuite » est un délit aggravé car, le plus souvent, elle prend la place d’un vrai métier ; quant au « conseil » à un ami, une relation, un tiers, c’est particulièrement suspect et passible de un à trois ans de prison et de 50 000 € d’amende. Alors, dans ce nouveau monde, tout soutien moral, réflexion commune ou échange salutaire disparaît, et les personnes qui peuvent démontrer qu’elles ont subi un préjudice en suivant les conseils d’un tiers sont légitimes pour obtenir réparation. Peu à peu, le rapport s’étoffe : prohibition des dons en nature (cadeaux) hors famille, interdiction de donner aux sans-domicile fixe, sinon c’est six mois de prison et 5 000 € d’amende. Quant aux associations, honnies, « on ne peut laisser se développer et s’épanouir, en dehors du marché, des structures dont la finalité n’est pas le profit mais la prévoyance, la solidarité, l’entraide ». Le cynisme se poursuit au fil des pages : « Ce qui rendait ce rapport pertinent, ce qui lui donnerait sûrement un bel écho, ce qui faciliterait la transposition législative et l’application des peines, c’était le climat dans lequel il s’inscrivait », écrit Emmanuelle Heidsieck, journaliste et auteure de plusieurs romans mêlant recherche littéraire et enquêtes sociopolitiques. Original, hyperdocumenté, A l’aide ou le rapport W donne des frissons dans le dos.

A l’aide ou le rapport W

Emmanuelle Heidsieck – Ed. Inculte Laureli – 14,90 €

Culture

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