L’interruption volontaire de grossesse (IVG) « n’est pas un problème : c’est une solution pour toute femme qui souhaite interrompre sa grossesse dans les délais prévus par la loi », plaide le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH) dans un rapport remis à la ministre des Droits des femmes le 7 novembre (1). Pourtant, déplore-t-il, « aujourd’hui encore, en France, l’accès à une IVG est parfois problématique ». En dix ans, 130 établissements de santé pratiquant cet acte ont fermé (2) tandis que le manque de moyens et de personnels rend le parcours de soins « parfois difficile et peu accessible ». En outre, le départ à la retraite à venir des générations de médecins « fortement impliqués » risque d’aggraver cette situation (3). L’institution formule donc 34 recommandations en vue d’améliorer l’accès à l’IVG.
En 2011, 222 500 avortements ont été réalisés en France et 35 % des femmes y ont recours au moins une fois dans leur vie, faisant dire au Haut Conseil que « l’IVG est un acte assez courant de la vie des femmes ». Si la législation sur l’avortement n’est plus remise en cause, la légitimité du recours à cet acte peut l’être, soit de façon insidieuse par les organisations anti-avortement sur Internet, soit par l’utilisation d’expressions telles que « IVG de confort », souligne-t-il en remarquant que la loi elle-même, en retenant la notion de « situation de détresse », véhicule l’idée que l’IVG doit être un « ultime recours, la faisant basculer d’un droit à une concession dans des cas exceptionnels ». Il recommande donc de réécrire l’article L. 2212-1 du code de la santé publique pour prévoir que « la femme qui ne souhaite pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin de l’interrompre » (4). Autres propositions : supprimer la clause de conscience des médecins en matière d’IVG ainsi que le délai de réflexion de sept jours entre les deux premières consultations obligatoires avec un médecin ou encore permettre à des professionnels non médecins (infirmier, conseiller conjugal et familial…) de réaliser le premier rendez-vous.
Aujourd’hui, l’offre de soins ne permet pas un accès rapide et de proximité à l’IVG, ne garantit pas le choix de la méthode employée et n’assure ni la gratuité, ni la confidentialité, estime l’institution. En premier lieu, elle recommande donc un moratoire sur la fermeture des centres IVG et de faire respecter la réglementation qui prévoit qu’aucun établissement disposant de lits ou de places autorisés en gynécologie-obstétrique ou en chirurgie ne peut refuser de pratiquer des IVG. Il faut également restaurer cette activité dans les établissements de santé dans lesquels elle a été arrêtée, enjoint-elle. Du côté des financements, elle recommande de supprimer la forfaitisation des tarifs de l’IVG, qui conduit à sous-évaluer son coût réel, et à attribuer les moyens nécessaires aux locaux, à une ligne téléphonique, à des places réservées en bloc opératoire ainsi qu’à la présence de personnels dédiés, qualifiés et formés.
Pour garantir aux femmes le choix de la méthode utilisée (IVG chirurgicale ou médicamenteuse), le HCEFH est favorable à l’extension des lieux de pratique de l’IVG chirurgicale. Il suggère ainsi d’autoriser l’IVG par aspiration sous anesthésie locale dans les centres de santé, les centres de planification ou d’éducation familiale ainsi que dans les maisons de santé pluridisciplinaires. Il faut par ailleurs assurer la confidentialité en ne faisant pas apparaître l’IVG, les actes associés et la participation forfaitaire sur les relevés de remboursement de l’assurance maladie pour toute femme qui le souhaite, prône-t-il. Pour lui, la prise en charge à 100 % de l’IVG par l’assurance maladie devrait en outre être étendue à tous les actes associés (échographie…).
Pour améliorer le pilotage du dispositif, l’institution préconise la création d’un observatoire national « sexualités-contraception-IVG », la réalisation de « testing » pour vérifier les capacités de réponses opérationnelles ou encore l’inscription de l’activité d’IVG dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens des établissements de santé. Enfin, d’autres recommandations du Haut Conseil visent à améliorer l’information des femmes souhaitant avorter. C’était d’ailleurs l’objet d’un précédent rapport qui a débouché sur la création récente d’un site gouvernemental dédié (5).
(1) Rapport relatif à l’accès à l’IVG – Volet 2 : accès à l’IVG dans les territoires – Disp. sur
(2) Soit près de la moitié des établissements privés et 5 % des établissements publics pratiquant l’IVG.
(3) 37 % des gynécologues partiront à la retraite dans les trois ans avec de fortes disparités régionales et territoriales.
(4) Rappelons en effet que l’article L. 2212-1 dispose actuellement que « la femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa grossesse ».
(5) Voir ASH n° 2825 du 20-09-13, p. 6 et n° 2827 du 4-10-13, p. 7.