Le Parlement a adopté définitivement, le 30 octobre, une loi habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens. Disposition phare de ce texte : la généralisation du principe selon lequel le silence de l’administration pendant deux mois vaut décision implicite d’acceptation (et non plus refus implicite). Le texte permet également au gouvernement de légiférer par ordonnances – une voie plus rapide que le processus législatif classique (1) – pour améliorer le « dialogue entre l’administration et les citoyens », selon les termes de l’exposé des motifs.
A l’heure actuelle, rappelle Hugues Fourage, rapporteur (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, « il existe déjà plus de 400 procédures soumises à un régime d’approbation tacite, permis par l’article 22 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Ces dispositions s’appliquent, notamment, dans le domaine de l’urbanisme – pour la plupart des permis de construire – [et] dans le domaine social – pour les autorisations de recours au chômage partiel […]. Ces procédures administratives permettant une approbation tacite en cas de silence de l’administration demeurent cependant largement minoritaires » (2). Aussi la loi franchit-elle une nouvelle étape en faisant de la règle facilitatrice de l’accord tacite le principe de droit commun. Elle énonce ainsi que « le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation ». Cette règle entrera en vigueur :
→ dans un délai de un an à compter de la promulgation de la loi, pour les actes relevant de la compétence des administrations de l’Etat ou de ses établissements publics administratifs ;
→ dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, pour les actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que pour ceux des organismes de sécurité sociale et des autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif.
Si l’autorité administrative informe le demandeur que son dossier de demande est incomplet, le délai de deux mois ne courra qu’à compter de la réception des informations ou pièces manquantes.
La loi prévoit que la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d’acceptation sera publiée sur un site Internet relevant du Premier ministre et mentionnera l’autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l’acceptation est acquise.
Par dérogation, le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaudra décision de rejet :
→ lorsque la demande ne tend pas à l’adoption d’une décision présentant le caractère d’une décision individuelle ;
→ lorsque la demande ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif ;
→ si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ;
→ dans les cas, précisés par décret, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l’ordre public ;
→ dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.
Des décrets pourront en outre :
→ pour certaines décisions, écarter l’application du principe selon lequel le silence de l’administration vaut décision implicite d’acceptation eu égard à l’objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration ;
→ fixer un délai différent que le délai de deux mois, lorsque l’urgence ou la complexité de la procédure le justifie (sans changement).
La loi prévoit que, lorsque la décision demandée peut être acquise implicitement et doit faire l’objet d’une mesure de publicité à l’égard des tiers lorsqu’elle est expresse, la demande doit être publiée par les soins de l’administration, le cas échéant par voie électronique, avec l’indication de la date à laquelle elle sera réputée acceptée si aucune décision expresse n’est intervenue. Comme actuellement, une attestation pourra être délivrée par l’autorité administrative à la demande de l’intéressé.
Le gouvernement est autorisé, dans un délai de 12 mois à compter de la promulgation de la loi, à légiférer par ordonnances pour, notamment :
→ définir les conditions d’exercice du droit de saisir par voie électronique les autorités administratives (3) et de leur répondre par la même voie ;
→ définir les conditions dans lesquelles les usagers pourront envoyer à l’administration des lettres recommandées électroniques présentant les mêmes garanties de sécurité et de preuve que les lettres recommandées classiques chaque fois que cette formalité est exigée par un texte, et vice versa ;
→ définir les conditions dans lesquelles peuvent être communiqués aux demandeurs les avis préalables, ainsi que leur motivation lorsqu’ils sont défavorables, recueillis sur leur demande auprès d’instances extérieures avant que les autorités administratives aient rendu leur décision, en particulier lorsque la communication de ces avis est de nature à permettre au demandeur de modifier ou de compléter sa demande et de réduire le délai de réalisation de son projet.
Dans un délai de 24 mois à compter de la promulgation de la loi, le gouvernement peut aussi, par voie d’ordonnances, adopter la partie législative d’un code relatif aux relations entre le public et les administrations, qui regroupera et organisera les règles générales relatives aux procédures administratives non contentieuses et au régime des actes administratifs. Il s’agira d’une codification à droit constant, explique le rapporteur Hugues Fourage (4). Toutefois, des modifications pourront être apportées aux règles de procédure administrative non contentieuse pour, entre autres, simplifier les démarches auprès des administrations et l’instruction des demandes en les adaptant aux évolutions technologiques, simplifier les règles de retrait et d’abrogation des actes administratifs unilatéraux dans un objectif d’harmonisation et de sécurité juridique, et renforcer la participation du public à l’élaboration des actes administratifs ainsi que les garanties contre les changements de réglementation susceptibles d’affecter des situations ou des projets en cours.
Enfin, le gouvernement peut, dans un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi, prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la réalisation du projet « Dites-le nous une fois », dont la vocation est de systématiser les échanges d’informations entre administrations et ainsi d’éviter que les mêmes informations soient demandées plusieurs fois aux citoyens et aux entreprises. Cela passera notamment par l’harmonisation des définitions, données et références utilisées par les administrations (par exemple, le terme « effectif » pour les entreprises, dont il existe pas moins de 15 définitions différentes) ou bien par la substitution des déclarations sur l’honneur à la production de pièces justificatives.
(1) Pour avoir une valeur législative, ces ordonnances devront toutefois être ratifiées par une loi dans un délai de trois mois à compter de leur publication.
(2) Rap. A.N. n° 1342, Fourage, septembre 2013, page 17.
(3) Sont considérées comme autorités administratives les administrations de l’Etat et des collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif.
(4) Rap. A.N. n° 1342, Fourage, septembre 2013, page 25.