Sans surprise, la situation des plus pauvres ne s’améliore pas et nous avons accueilli 9 000 personnes de plus cette année. Le niveau de vie des ménages a chuté de 2,5 % et les mesures qui ont été prises comme l’augmentation de 10 % du RSA (revenu de solidarité active) en cinq ans et son indexation sur l’inflation (2) ne suffiront pas. Les couples avec enfants sont plus nombreux – 23 %, soit 2 % de plus qu’en 2011 – mais la population accueillie vieillit : en dix ans, la part des plus de 50 ans a augmenté de 7 points pour atteindre 25 %. Les étrangers sont toujours plus nombreux : 33 %, contre 20 % en 2000.
Le taux de chômage des personnes que nous recevons est sept fois plus élevé que dans la population générale. La part des chômeurs sans droits, qui ne perçoivent aucune indemnité, n’a cessé d’augmenter depuis 2003 et ceux-ci représentent plus du quart des personnes accueillies. 30 % d’entre eux sont des hommes de plus de 60 ans dont les droits sont épuisés et qui touchent le RSA. Il s’agit aussi souvent de jeunes mères isolées qui n’ont jamais travaillé ou de mères seules qui reprennent une activité après avoir élevé leurs enfants. 7 % sont des jeunes couples de moins de 25 ans sans enfant qui ne déclarent aucune ressource. 18 % sont des migrants sans droit récemment arrivés en France. Ces situations s’enracinent dans le temps puisque 58 % des chômeurs non indemnisés le sont depuis plus de un an et 16 % depuis plus de cinq ans. Lorsqu’elles travaillent – moins de 20 % d’entre elles –, les personnes accueillies exercent un emploi précaire – temps partiel, intérim, travail saisonnier.
Alors qu’en 2003, 12,3 % des personnes accueillies occupaient un emploi aidé, elles ne sont plus que 4 % en 2012. Ce type de contrat est pourtant une voie d’accès vers l’emploi durable. C’est dramatique, le marché de l’emploi est fermé aux plus fragiles !
Les personnes que nous rencontrons ont besoin d’un accompagnement personnalisé vers l’emploi. Elles doivent pouvoir faire confiance à quelqu’un – un acteur du service public de l’emploi, par exemple – qui puisse jouer un rôle de coach tout au long de leur parcours. Il faut particulièrement faire attention aux ruptures d’accompagnement, notamment lorsque les personnes passent d’un contrat aidé dans une structure d’insertion à un poste en entreprise. Nombreuses sont celles qui craquent à ce moment-là.
Il est nécessaire de les adapter aux besoins de la personne. Pour cela, nous souhaitons qu’ils puissent être prolongés au-delà de deux ans pour les publics qui cumulent plusieurs handicaps pour accéder au travail – santé, logement, illettrisme… En Rhône-Alpes, nous menons, avec une dizaine de structures d’insertion, une « expérimentation de parcours d’insertion à durées adaptées » [EPIDA], qui permet de prolonger les contrats aidés jusqu’à 60 mois. Au cours de cette période, la personne est amenée à travailler de façon ponctuelle dans une entreprise traditionnelle. Par ailleurs, les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) ont besoin d’être sécurisées économiquement pour accueillir des personnes très éloignées de l’emploi et ne pas être tentées de sélectionner les publics. C’est ce que doit permettre la réforme du financement de l’IAE (3). Enfin, il est indispensable d’orienter les dispositifs de formation vers ceux qui en ont le plus besoin. Seulement 2,4 % des chômeurs que nous accueillons y ont accès. Pourtant 45 % d’entre eux ont un faible niveau scolaire et ont souvent du mal à lire et à écrire. Il faut rappeler que la situation de chômage ne relève pas le plus souvent de la responsabilité des individus, mais de l’incapacité de notre système économique à fournir un emploi à chacun.
(1) Rapport et propositions disponibles sur
(2) Dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale présenté le 21 janvier dernier – Voir ASH n° 2794 du 25-01-13, p. 39.
(3) Voir ASH n° 2821 du 23-08-13, p. 9.