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Des propositions pour améliorer l’indemnisation des victimes d’infractions pénales

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C’est un bilan « en demi-teinte » des dispositifs d’accompagnement et d’indemnisation des victimes d’infractions pénales qu’a présenté le Sénat dans un rapport rendu public le 4 novembre (1). Certes, la France a mis en place un « dispositif complet, alliant le droit pour la victime de se constituer partie civile au cours de la procédure pénale et l’existence d’un système d’indemnisation fondé sur le principe de la solidarité nationale pour la prise en charge des dommages les plus lourds ». Mais les rapporteurs, les sénateurs Christophe Béchu (UMP) et Philippe Kaltenbach (PS), ont identifié « certaines faiblesses ou rigidités qui, dans les faits, conduisent à compliquer singulièrement l’exercice de ses droits », auxquelles s’ajoutent une inégalité de traitement entre les victimes et une complexité des procédures en raison d’un « empilement de textes peu lisibles ». Ce rapport devrait nourrir les réflexions de la chancellerie sur les droits des victimes – dont le droit à réparation, qui était au cœur d’une journée de réflexion qu’elle a organisée le 4 novembre – ainsi que sur le financement des associations de victimes chargées de les accompagner (2).

Mieux prendre en compte la victime au cours du procès pénal

La victime d’un dommage peut porter sa demande de réparation devant la juridiction pénale chargée de juger l’auteur des faits, en se constituant partie civile à plusieurs stades de la procédure (au cours de l’instruction, avant l’audience de jugement ou au cours de celle-ci). Toutefois, « dans les faits, l’exercice de cette action civile se révèle souvent être un chemin semé d’embûches », reconnaissent les sénateurs. En effet, expliquent-ils, l’information délivrée à la victime sur la possibilité de se constituer partie civile « consiste fréquemment en la remise d’un simple formulaire, rédigé souvent dans des termes peu accessibles et peu compréhensibles » et « inadapté » pour les publics vulnérables (personnes âgées, personnes maîtrisant mal le français…). Aussi les rapporteurs préconisent-ils de faire un « effort supplémentaire de sensibilisation et de formation des personnels de police et de gendarmerie (notamment par un renforcement des “référents victimes” présents dans les commissariats et les brigades de gendarmerie) » et d’établir un formulaire d’information « lisible, clair et complet, identique sur l’ensemble du territoire national et facilement accessible » sur les conséquences de la constitution de partie civile et sur les diverses voies d’indemnisation dont disposent les victimes.

Par ailleurs, si certaines alternatives aux poursuites, comme les mesures de classement sous condition ou la médiation pénale, accordent une place importante à la victime, dans les faits, près de la moitié de ces mesures prennent encore la forme d’un simple rappel à la loi ou d’un avertissement, qui n’associent pas les victimes, déplorent les auteurs. Pour eux, il conviendrait, par exemple, de « développer le recours à la médiation pénale, sous la responsabilité de professionnels spécialement formés, et [d’]engager une réflexion sur l’opportunité d’ouvrir la possibilité de prononcer cette mesure, si la victime donne son accord, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’un ajournement de peine ou d’un sursis avec mise à l’épreuve ». Une extension qui « offrirait d’ailleurs la garantie de voir l’auteur condamné dans le cas d’un échec de la médiation ».

Améliorer l’indemnisation des victimes

Les sénateurs ont par ailleurs constaté que les victimes d’infractions pénales étaient « très inégales » face au droit à l’indemnisation. Si l’indemnisation des préjudices matériels ne soulève pas de difficulté particulière, il existe en revanche une « extraordinaire disparité de l’indemnisation des préjudices corporels ou des préjudices moraux sur le territoire ». En cause, selon eux, l’absence de définition juridique de l’incapacité totale de travail (ITT), qui donne une indication sur la gravité du dommage causé à la victime. Cette notion demeure « extrêmement floue pour un nombre important de médecins amenés à rédiger les certificats médicaux de coups et blessures », qui, en outre, omettent le traumatisme psychologique. Malgré tout, Christophe Béchu et Philippe Kaltenbach recommandent à ce stade de « conserver la notion d’ITT qui, en dépit de son imprécision, revêt une dimension structurante en droit pénal et présente l’avantage d’être connue de l’ensemble des acteurs du procès pénal ». Par contre, ils estiment indispensable d’assurer une large diffusion aux recommandations de la Haute Autorité de santé pour la rédaction des certificats médicaux initiaux concernant une personne victime de violences et d’améliorer la formation de l’ensemble des professionnels de santé appelés à évaluer l’ITT.

La disparité de l’indemnisation tient aussi à l’absence d’un barème national d’indemnisation. Doit-on alors en établir un ? La question divise, notent les sénateurs. En effet, pour les associations de victimes, « un tel barème est contraire aux principes d’individualisation des préjudices et de la réparation intégrale ». Mais, selon les assureurs, qui y sont favorables, ce serait un gage de prévisibilité et de transparence pour les victimes. En tout cas, Christophe Béchu et Philippe Kaltenbach ne plaident pas en faveur de l’établissement d’un barème fixe qui déterminerait une somme forfaitaire pour chaque poste de préjudice. En revanche, ils jugent que « la voie d’un référentiel purement indicatif, proposant pour chaque poste de préjudice une “fourchette” d’indemnisation dont le juge pourrait s’affranchir librement au vu de la situation particulière de la victime, mérite d’être explorée ».

Que faire en cas d’inertie de l’auteur des faits tenu d’indemniser la victime ? Certes, cette dernière peut mettre en œuvre l’ensemble des voies d’exécution prévues par le code de procédure civile. Mais cette procédure est « souvent insurmontable » pour les victimes au regard des frais d’huissier importants demandés. En outre, 80 % de ces auteurs « récalcitrants » sont insolvables, indiquent les sénateurs qui proposent donc de créer un organisme collecteur auquel la victime, munie de la décision pénale, s’adresserait pour le paiement de ses dommages-intérêts. A charge ensuite pour cet organisme de se retourner contre l’auteur des faits pour en obtenir le remboursement.

Rationaliser et simplifier les conditions d’accès à l’indemnisation

Pour pouvoir obtenir une indemnisation en l’absence de poursuites pénales, les victimes doivent s’adresser à la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), l’indemnisation, elle, étant versée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI). Par contre, en cas de poursuites pénales, les victimes doivent se diriger vers le service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions (SARVI). Dans la pratique, rapportent les sénateurs, les délais de saisine de la CIVI et du SARVI sont critiqués pour leur brièveté, délais qu’ils recommandent donc d’allonger. En outre, plusieurs personnes auditionnées par les sénateurs ont souligné le « caractère très restrictif » des conditions d’accès à la CIVI au titre de l’article 706-3 du code de procédure pénale (3), « en particulier s’agissant de l’exigence d’une ITT de 30 jours ». Pour eux, il conviendrait en effet de l’abaisser à 15 jours, « sous réserve d’un travail d’évaluation préalable des conséquences et de l’affectation impérative des ressources nécessaires au [FGTI] pour faire face à cette évolution ». Christophe Béchu et Philippe Kaltenbach préconisent également de conserver le principe d’une liste d’infractions pouvant ouvrir droit à cette indemnisation sans condition d’ITT ou d’incapacité permanente partielle.

Notes

(1) Rapport d’information n° 107 – Disponible sur www.senat.fr.

(2) Pour mémoire, la chancellerie dispose d’un rapport sur le financement des associations d’aide aux victimes rédigé par la députée (PS) Nathalie Nieson et dont les propositions sont en cours d’expertise au ministère des Finances – Voir ASH n° 2822 du 30-08-13, p. 18.

(3) Cet article prévoit que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non présentant le caractère d’une infraction peut, sous certaines conditions, obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.

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