En 2006, la mission locale du pays de Ploërmel était confrontée à des jeunes en difficulté ayant des pratiques addictives, ce qui freinait leur insertion et générait des conflits, de l’absentéisme… Elle s’est tournée vers le centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) voisin Douar Nevez. Résultat : une consultation jeunes consommateurs (CJC) a ouvert dans ses propres locaux, à l’aide de fonds expérimentaux. Peu à peu, le dispositif s’est construit et enrichi. En 2012, une convention pérenne a été signée. « Aujourd’hui, dès l’accueil, les dix conseillères, qui se déplacent dans les communes environnantes, présentent la permanence aux jeunes qu’elles reçoivent », explique Edwige Picard, psychologue de la CJC.
Sur les trois heures hebdomadaires, cinq entretiens sont prévus. « Quand un jeune consomme, on évalue la pratique addictive, mais l’objectif premier est de tisser du lien, car c’est lui qui est affecté. Il faut aussi tenir compte du contexte », pointe-t-elle. La ruralité pose en effet des problèmes spécifiques, notamment de mobilité. « La plupart des 16-25 ans reçus sont sans qualification, en errance par rapport à une identité professionnelle. Comme d’autres adolescents, ils ont du mal à se projeter dans l’avenir mais, du fait de la ruralité, ils sont en plus collés au terroir. » Cela suppose donc un important travail de mobilisation avec ces jeunes qui « parlent plus aisément de ce qui pose problème dans leur vie que de leur consommation ».
Le partenariat entre la consultation et la mission locale permet un repérage précoce des pratiques addictives, de bâtir avec les jeunes une réponse adaptée en recourant aux savoir-faire des uns et des autres ainsi qu’à une palette étoffée d’outils (insertion, formation, hébergement, accès aux soins, aide aux victimes…), dans un territoire où les relais sont rares. Des temps d’échange entre les intervenants sont prévus afin d’autoriser des retours sur des situations dans le cadre du secret partagé. « On peut rencontrer ensemble le jeune et ses parents, quand ces derniers pensent que l’insertion doit tout résoudre alors que les difficultés se situent d’abord du côté du soin, notamment en cas de souffrances psychiatriques », complète Edwige Picard. De nombreux jeunes se révèlent aussi en souffrance du fait des pratiques de leur entourage, il sont alors reçus à la CJC. « Ce sont des personnes qu’on ne verrait pas autrement », assure la psychologue. Le CSAPA réfléchit à la mise en place d’un projet de thérapie familiale. « Beaucoup de jeunes couples viennent à la mission locale, cela permettrait de travailler des questions de codépendance. Il faudra alors sensibiliser les conseillères afin qu’elles proposent aux personnes de venir en entretien individuel ou à deux. Je pourrai ensuite évaluer la situation à la consultation, puis, si besoin, proposer un suivi en thérapie conjugale. »
La CJC et la mission locale mènent aussi ensemble des actions collectives. En particulier, lors de la semaine du bien-être organisée par cette dernière, la consultation propose un atelier « estime de soi » autour d’un jeu de rôles. « On y travaille la confiance en soi, car il y a un lien avec les pratiques addictives et cela permet de repérer certains jeunes. C’est encore une façon d’être plus dans le “aller vers” », souligne Edwige Picard. Le partenariat se renforçant au fil du temps, de plus en plus de jeunes sont désormais, à leur tour, orientés du CSAPA vers la mission locale. En outre, une réflexion va être lancée afin de resserrer encore les liens entre les équipes, consolider la culture commune et bâtir de nouvelles pistes de travail.