Comment près de 500 planches de bandes dessinées se retrouvent-elles accrochées dans un musée consacré à l’immigration ? Les deux thèmes, finalement, ont des points communs et des relations étroites depuis le début du XXe siècle. D’une part, parce que les bédéistes sont souvent des nomades – René Goscinny, Enki Bilal, José Muñoz… sont des immigrés ou enfants d’immigrés. D’autre part, parce que la bande dessinée aborde régulièrement des thèmes liés à l’exode, à l’émigration, à l’immigration. Les premiers dessins datent de 1913 : fils d’immigrés irlandais, George Mc Mannus publie dans les pages d’un quotidien américain la BD d’humour La famille Illico, en s’inspirant de sa propre vie. Les BD plus récentes sont plus graves et collent à l’actualité – comme Békame, de Jeff Pourquié et Aurélien Ducoudray, Les Mohamed, de Jérôme Ruillier, ou Droit du sol, de Charles Masson (1). Aujourd’hui, des albums consacrés à la thématique de l’immigration sont devenus si populaires qu’ils ont été adaptés en dessins animés ou en longs métrages – citons Le monde de Pahé, du Franco-Camerounais Pahé, Persepolis, de Marjane Satrapi, ou Aya de Yopougon, de Marguerite Abouet. Albums est donc une exposition d’histoires. Histoires de ces auteurs d’origine italienne, sénégalaise, algérienne, portugaise ou vietnamienne ; histoires fictives ou réelles de ces albums colorés ; histoires des personnages qui contribuent à l’histoire du 9e art. La première partie de l’exposition présente les trajectoires personnelles de 11 auteurs migrants. La deuxième partie, dont l’architecture rappelle un atelier d’artiste, explore les aspects plus techniques de la création : les auteurs choisissent-ils d’aborder l’immigration plutôt par la voie comique, la fable, le western, la science-fiction ? Beaucoup optent simplement pour l’autobiographie, voire la BD-reportage. Couleur, noir et blanc, découpage, toutes les techniques sont utilisées et tous les styles représentés. La troisième partie, enfin, suit pas à pas le parcours du migrant : certaines BD s’attardent sur le départ du pays et ses raisons, d’autres sur le voyage (par voies légales ou illégales), l’arrivée dans la terre d’accueil (quand c’est la France, elle est toujours dessinée avec un ciel gris), l’adaptation et, parfois, le retour au pays.
Le musée fait aussi un focus sur la BD africaine, qui sert essentiellement d’outil de prévention – comme Des clandestins à la mer, de Léon Tshibemba, qui alerte sur les dangers des traversées vers l’Europe. Tout au long du parcours, les visiteurs peuvent consulter les ouvrages mis à disposition. Ils auront aussi la chance de découvrir une œuvre originale : Zeina Abirached, une artiste d’origine libanaise installée à Paris, a proposé au site Web du musée l’exclusivité pendant un an de sa nouvelle BD Paris n’est pas une île déserte.
Albums. Bande dessinée et immigration 1913-2013
Jusqu’au 27 avril 2014 au Musée de l’histoire de l’immigration – 293, avenue Daumesnil, 75012 Paris –
(1) Pour Békame, voir ASH n° 2751 du 16-03-12, p. 43. Pour Les Mohamed, voir ASH n° 2709 du 13-05-11, p. 42. Pour Droit du sol, voir ASH n° 2607 du 1-05-09, p. 40.