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Christiane Taubira lève le voile sur les travaux préparatoires à une future réforme judiciaire

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« Les magistrats ont subi une succession de nouvelles tâches, disparates, composites, peu cohérentes entre elles et extrêmement chronophages », « les juridictions sont pénalisées par une relative déperdition de ressources budgétaires publiques induites par une organisation qui n’a pas été pensée ou qui n’a pas été modifiée par rapport à l’évolution des contentieux et l’évolution des réponses qui sont apportées »… Telles sont les raisons qui ont conduit la garde des Sceaux à présenter, le 29 octobre, sa méthode pour préparer une réforme judiciaire, dont les premières pistes ne devraient pas être connues avant juin 2014.

Rappelons que Christiane Taubira a lancé ce vaste chantier en décembre 2012 en demandant à l’Institut des hautes études sur la justice – qui lui a déjà remis ses conclusions (1) – de se pencher sur l’évolution de l’office du juge et son périmètre d’intervention. En janvier dernier, elle a ensuite installé trois groupes de travail chargés de plancher sur le « juge du XXIe siècle », le ministère public et les « juridictions du XXIe siècle », dont les travaux devraient se poursuivre jusqu’à la fin de l’année. « Bien évidemment, ce n’est pas une réforme de la carte judiciaire, il n’y aura pas de fermetures de tribunaux », a assuré la ministre de la Justice, qui, lors d’un déplacement à la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 11 octobre, a précisé qu’« il s’agit de penser la proximité, la diligence, l’accessibilité et l’efficacité de l’ensemble de nos juridictions ».

Concrètement, la garde des Sceaux organisera « un grand événement public » les 10 et 11 janvier 2014 pour débattre des recommandations des groupes de travail et recueillir les observations des professionnels de la justice (magistrats, avocats, partenaires institutionnels et associatifs…), de représentants de la société civile, des milieux académiques ou encore des autorités politiques et administratives. Pour le préparer, elle a mis en place un comité de pilotage des réformes judiciaires dont la direction a été confiée à Martine Comte, première présidente de la cour d’appel d’Orléans, et à Dominique Le Bras, procureur général près la cour d’appel de Rouen. Les discussions s’articuleront notamment autour des thèmes suivants :

→ « comment assurer une bonne adéquation entre juridictions, contentieux et territoires ? ». Selon la chancellerie, cet atelier se penchera notamment sur les moyens de « prendre en compte la diversité des territoires et des demandes de droit » et « s’interrogera sur ce que peut être une justice de première instance plus lisible, plus proche et de qualité » (2) ;

→ « comment mieux travailler ensemble pour plus de lisibilité et d’efficacité pour les citoyens ? » ;

→ « comment permettre aux citoyens et à leurs conseils d’être davantage acteurs de leurs parcours judiciaires ? » Il s’agira par exemple de réfléchir à l’amélioration des dispositifs de règlement amiable des conflits (conciliation, médiation), qui peinent à se développer, et, plus largement, à une révision du périmètre d’intervention de la justice ;

→ « comment reconnaître les nouveaux modes d’exercice de la justice jusque dans la symbolique des lieux ? » Cet atelier réfléchira sur des « pratiques judiciaires qui évoluent [composition pénale, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité], des décors de justice qui s’adaptent » et examinera quelles évolutions sont possibles, précise le ministère de la Justice ;

→ « comment mieux garantir la protection des intérêts de la société et les droits et les libertés de l’individu ? »

A l’issue de ces deux journées, le comité de pilotage devra formuler des scenarios d’organisation de la justice et des pratiques professionnelles, qui seront ensuite soumis aux juridictions pour avis « courant janvier et février 2014 », a indiqué la chancellerie. L’objectif étant de « préparer la mutation des services judiciaires pour leur permettre de retrouver cohérence et efficacité, tout en redonnant du sens aux différentes missions des agents et au service public de la Justice ». Sur la base de ces travaux, le comité de pilotage remettra à la garde des Sceaux, au plus tard en juin 2014, ses propositions de réformes judiciaires.

BIENTÔT UN PROJET DE LOI DE SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES ?

Sans attendre la réforme judiciaire, la garde des Sceaux a indiqué, lors d’un déplacement à la cour d’appel de Lyon le 21 octobre, qu’elle présenterait « d’ici à la fin de l’année » un projet de loi habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnances « pour améliorer le fonctionnement immédiat des juridictions » et, par là, alléger la charge de travail des professionnels de la justice. Par exemple, en matière de tutelles, elle entend proposer que, « dès la mesure initiale, il soit possible de prévoir [sa] révision au terme de dix ans maximum ». En effet, aujourd’hui, la révision des mesures de tutelle est systématique au bout de cinq ans. Or, a expliqué Christiane Taubira, il y a de nombreux cas dans lesquels la situation du majeur protégé est peu susceptible de changer de façon significative en cinq ans. Elle souhaite aussi revenir sur d’autres dispositions du régime des tutelles : celle mettant à la charge des greffiers la vérification de l’état des comptes du majeur protégé, source de « lourdeur », et celle faisant obligation au juge de définir le budget de la tutelle, une obligation dont « l’efficacité, en tout cas la nécessité, n’est pas évidente ». Par ailleurs, le futur projet de loi devrait simplifier les modalités de convocation au tribunal, aussi bien au civil qu’au pénal. A l’heure actuelle, elle est effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception, ce qui constitue « une charge de travail, un budget important […] qui pèse sur les frais de fonctionnement » des juridictions. D’autant que « 80 % de ces lettres ne sont pas récupérées ». Aussi la ministre veut-elle soumettre au Parlement une disposition permettant de convoquer par voie électronique, tout en assurant que « l’ajustement pourra se faire selon le niveau d’équipement des juridictions ».

Notes

(1) La prudence et l’autorité. L’office du juge du XXIe siècle – Mai 2013 – Disponible sur www.ihej.org.

(2) Signalons que la commission des lois du Sénat a récemment étudié la question de la justice de première instance. Elle s’est notamment penchée sur la possibilité de créer un guichet universel de greffe et un tribunal de première instance qui fusionnerait plusieurs juridictions – Pour une justice pragmatique de la justice de première instance – Rapport n° 54 – Disponible sur www.senat.fr.

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