Traduisant l’accord national interprofessionnel (ANI) conclu par les partenaires sociaux le 11 janvier 2013 (1), la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi comporte plusieurs dispositions concernant la justice prud’homale. Elle tend ainsi à réaffirmer le rôle de la conciliation devant le conseil des prud’hommes, phase obligatoire en cas de litige entre un employeur et un salarié mais qui, dans les faits, aboutit peu. Ainsi, elle offre aux parties la possibilité de se mettre d’accord sur une indemnité forfaitaire de conciliation, sur la base d’un barème fixé par décret. Parallèlement, elle réduit les délais ouverts pour saisir la juridiction prud’homale pour les litiges ayant trait à l’exécution et à la rupture du contrat de travail et pour ceux concernant le paiement des salaires.
Par ailleurs, plusieurs articles de la loi sont relatifs au fonctionnement du comité d’entreprise (CE), qui se voit notamment chargé de nouvelles missions. Un employeur peut en outre mettre en place une instance temporaire de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) lorsque plusieurs établissements sont concernés par un projet commun. Cette instance permet de recourir à une expertise unique et de mettre ainsi un terme à la pratique des expertises multiples (une par CHSCT).
La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2014 tend à redonner un nouvel élan à la conciliation prud’homale, qui peine à s’affirmer, en offrant au salarié et à l’employeur la faculté de prévoir une indemnité forfaitaire. Dans le même temps, elle limite à 2 ans le délai de saisine du juge pour les actions relatives à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail et à 3 ans pour les actions en paiement de salaire.
( A noter ) Le gouvernement devra remettre, d’ici au 14 décembre 2013, un rapport au Parlement portant sur les conditions d’accès à la justice prud’homale (art. 22 de la loi).
Reprenant l’esprit de l’article 25 de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, la loi incite, pour les litiges relatifs à un licenciement, les employeurs et les salariés à trouver un accord lors de la phase de conciliation devant le juge prud’homal.
De fait, rappelle le rapporteur (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, « la procédure prud’homale se distingue des autres procédures judiciaires par la place centrale qu’elle accorde à la conciliation. En effet, en dehors des recours en référé et de quelques demandes spécifiques, tout procès prud’homal commence par une tentative de conciliation des parties devant le bureau de conciliation, composé d’un conseiller employeur et d’un conseiller salarié. Si aucun accord n’est trouvé entre les parties ou si seul un accord partiel est conclu, l’affaire ou le reliquat du litige est alors transféré au bureau de jugement, qui comprend au moins deux conseillers employeurs et deux conseillers salariés. » Le principe de la voie de la conciliation est inscrit à l’article L. 1411-1 du code du travail. Mais en pratique, aujourd’hui, « seules 7 % des affaires sont réglées lors du préalable obligatoire de conciliation. Or, cette voie permet une résolution rapide et plus apaisée des litiges, qu’il convient de favoriser », explique Jean-Marc Germain (Rap. A.N. n° 847, mars 2013, Germain, page 389).
Pour relancer la phase de conciliation, en cas de litige relatif à un licenciement pour motif personnel ou économique (2), l’employeur et le salarié peuvent désormais convenir ou le bureau de conciliation proposer d’y mettre un terme par un accord qui prévoit le versement par l’employeur au salarié d’une indemnité forfaitaire de conciliation dont le montant est déterminé en référence à un barème fixé par décret en fonction de l’ancienneté du salarié (code du travail [C. trav.], art. L. 1235-1 modifié). C’est un décret du 2 août 2013 qui est venu fixer ce barème (3).
Selon le rapporteur à l’Assemblée nationale, « la conclusion d’un accord demeure donc facultative, comme c’est le cas aujourd’hui : les parties restent libres de ne pas régler leur différend en conciliation. Le barème mentionné revêt également un caractère indicatif, ni les parties, ni le bureau de conciliation n’étant tenus de le proposer. Un accord pourra ainsi être trouvé, le cas échéant, en dehors des stipulations du barème » (Rap. A.N. n° 847, mars 2013, Germain, page 390).
Le barème, applicable depuis le 8 août 2013, reprend à l’identique les montants retenus dans l’article 25 de l’accord national interprofessionnel. Le montant de l’indemnité forfaitaire de conciliation est ainsi fixé à (C. trav., art. D. 1235-21 nouveau) :
→ 2 mois de salaire pour une ancienneté inférieure à 2 ans ;
→ 4 mois de salaire pour une ancienneté comprise entre 2 et 8 ans ;
→ 8 mois de salaire pour une ancienneté comprise entre 8 et 15 ans ;
→ 10 mois de salaire pour une ancienneté comprise entre 15 et 25 ans ;
→ 14 mois de salaire pour une ancienneté de plus de 25 ans.
L’indemnité forfaitaire de conciliation vient en complément des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles auxquelles le salarié peut, le cas échéant, prétendre (C. trav., art. L. 1235-1 modifié).
L’indemnité n’est pas imposable dans sa totalité (code général des impôts [CGI], art. 80 duodecies modifié). Par ailleurs, en application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, elle est exonérée de cotisations sociales dès lors que son montant, cumulé avec celui de l’indemnité de licenciement, ne dépasse pas deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale (soit 74 064 € en 2013). La part des indemnités se situant au-dessus de ce seuil est donc soumise à cotisations sociales. En outre, l’exonération ne s’applique pas si le total des indemnités versées au salarié à la suite de son licenciement dépasse 10 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (soit 370 320 € en 2013). Enfin, en vertu de l’article L. 136-2, II 5° du code de la sécurité sociale, l’indemnité forfaitaire de conciliation est exonérée de CSG et de CRDS pour la fraction qui n’excède pas le montant conventionnel ou, à défaut, le montant minimum légal de l’indemnité de licenciement, cette fraction ne pouvant être inférieure à 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (soit 74 064 € en 2013). Là encore, l’exonération ne s’applique pas si le total des indemnités versées au salarié à la suite de son licenciement dépasse 10 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (soit 370 320 € en 2013).
Si un accord est conclu, un procès-verbal est dressé et vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail (C. trav., art. L. 1235-1 modifié).
A défaut d’accord pendant la conciliation, le juge des prud’hommes est saisi et doit, précise la loi, justifier, dans le jugement, le montant des indemnités qu’il octroie (C. trav., art. L. 1235-1 modifié). Cette obligation de motiver n’est pas nouvelle en soi : elle reprend en effet les principes d’ores et déjà énoncés à l’article 455 du code de procédure civile, applicable aux décisions prud’homales.
Le législateur modifie les modalités de prescription des actions en justice relative à l’exécution du contrat de travail ou à sa rupture en reprenant, cette fois, la teneur de l’article 26 de l’ANI du 11 janvier 2013.
Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit désormais par 2 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit (C. trav., art. 1471-1 nouveau). Le délai accordé est donc plus court que celui antérieurement en vigueur pour la plupart des litiges, fixé à 5 ans. Ce dernier résultait soit de dispositions spécifiques insérées dans le code du travail, soit du principe de droit commun inscrit à l’article 2224 du code civil.
Le nouveau délai de 2 ans n’est pas applicable (C. trav., art. 1471-1 nouveau) :
→ aux actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail ;
→ aux actions en paiement ou en répétition du salaire (voir ci-dessous) ;
→ aux actions en réparation du préjudice résultant d’une discrimination ou d’un harcèlement moral ou sexuel (délai de 5 ans dans les deux cas).
Par ailleurs, ce délai de prescription ne fait pas obstacle à ceux plus courts, en particulier, en matière de (C. trav., art. 1471-1 nouveau) :
→ contestation portant sur la rupture du contrat de travail suivant l’adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle (délai de 12 mois) ;
→ dénonciation d’un solde de tout compte par le salarié possible dans les 6 mois suivant sa signature ;
→ contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement pour motif économique (12 mois à compter de la dernière réunion du comité d’entreprise ou, dans le cadre de l’exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci) ;
→ recours juridictionnel contre une décision d’homologation de rupture conventionnelle qui doit être formé dans les 12 mois.
Le délai de prescription de l’action en paiement ou en répétition (remboursement) du salaire est réduit de 5 ans à 3 ans à compter du jour où celui qui exerce l’action en justice a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat (C. trav., art. L. 3245-1 modifié).
Les nouveaux délais de prescription prévus par la loi du 14 juin 2013 – 2 ans pour les actions relatives à l’exécution du contrat de travail et 3 ans pour celles concernant le paiement des salaires – s’appliquent aux prescriptions en cours au 14 juin 2013 (date de promulgation de la loi), sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (art. 21, V de la loi).
( Exemple ) Pour une action en paiement des salaires, avec une prescription de 5 ans en cours au 14 juin 2013, si 3 ans se sont déjà écoulés, le salarié ne pourra plus agir que pendant 2 ans (et non 3) car sinon cela dépasserait la durée maximale antérieure de 5 ans.
Lorsqu’une instance a été introduite avant le 14 juin 2013, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation (art. 21, V de la loi).
La loi du 14 juin 2013 réforme certaines dispositions relatives aux institutions représentatives du personnel. Elle fixe, par exemple, des délais pour consulter le comité d’entreprise ou encore étend les compétences de ce dernier à de nouveaux champs. Elle prévoit également la possibilité de mettre en place une instance provisoire de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) d’une entreprise.
Transposant l’article 12 de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, la loi cherche à donner de nouveaux moyens au comité d’entreprise en fixant des délais pour sa consultation, tout en élargissant ses missions.
Selon l’article L. 2323-1 du code du travail, de manière générale, le comité d’entreprise a pour objet d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production. Rappelons qu’il doit être obligatoirement mis en place dans les entreprises d’au moins 50 salariés.
Afin que le comité d’entreprise dispose des moyens nécessaires pour accomplir ses missions, la loi du 14 juin 2013 encadre les délais dans lesquels il doit être consulté et renforce les voies de recours qui lui sont offertes en cas de carence de l’employeur.
Sans changement, dans le cadre de l’exercice de ses attributions consultatives, le comité d’entreprise émet des avis et des vœux. La loi rappelle qu’il doit, pour ce faire, disposer « d’un délai d’examen suffisant » (C. trav. art. L. 2323-3 modifié). Une règle qui figurait jusque-là à l’article L 2323-4 du code du travail.
La loi prévoit en outre qu’un accord entre l’employeur et le comité d’entreprise (ou, le cas échéant, le comité central d’entreprise) peut fixer les délais dans lesquels ces avis doivent être rendus, délais qui ne peuvent être inférieurs à 15 jours. Ces délais visent à « permettre au comité d’entreprise d’exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l’importance des questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de l’information et de la consultation du ou des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail » (C. trav., art. L. 2323-3 modifié).
Sauf dispositions législatives spéciales, ces délais concernent (C. trav. art. L. 2323-3 modifié) :
→ l’ensemble des consultations prévues aux articles L. 2323-6 à L. 2323-60 du code du travail, c’est-à-dire les consultations sur l’organisation et la marche de l’entreprise, les conditions de travail, la formation professionnelle et l’apprentissage, les consultations lors d’une procédure collective et les consultations périodiques ;
→ les consultations sur le droit d’expression des salariés, le bilan social et le contingent annuel d’heures supplémentaires.
Pour être valable, l’accord employeur/CE doit être adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité d’entreprise. En l’absence d’accord, c’est un décret qui fixera les délais de consultation (C. trav. art. L. 2323-3 modifié). Relevons que, d’ores et déjà, certaines dispositions du code du travail prévoient de tels délais. Par exemple, l’article L. 2323-36 fixe un délai de 3 semaines au moins avant chaque réunion relative à l’élaboration des plans de formation.
A l’expiration des délais fixés par l’accord, le comité d’entreprise sera réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif (C. trav., art. L. 2323-3 modifié).
La loi instaure une voie de recours pour les membres élus du comité d’entreprise en cas de carence de l’employeur. Ces derniers peuvent ainsi, s’ils estiment ne pas disposer d’éléments suffisants, saisir le président du tribunal de grande instance statuant en référé (c’est-à-dire en urgence), pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants. Le juge statue alors sous 8 jours (C. trav., art. L. 2323-4 modifié). A noter que cette possibilité avait déjà été reconnue par la jurisprudence.
Cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du comité d’entreprise, le juge peut décider la prolongation du délai d’examen (C. trav., art. L. 2323-4 modifié).
Le législateur a élargi le champ des consultations du comité d’entreprise à deux nouveaux domaines qui relevaient jusqu’à présent uniquement de la direction de l’entreprise :
→ la définition des orientations stratégiques de cette dernière ;
→ l’utilisation du crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).
La loi prévoit que le comité d’entreprise doit être consulté, chaque année, sur les orientations stratégiques de l’entreprise définies par l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise. Cette consultation porte également sur les conséquences de ces orientations sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages (C. trav., art. L. 2323-7-1 nouveau).
Le CE doit ensuite émettre un avis sur ces orientations et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, qui doit formuler une réponse argumentée. Le comité d’entreprise en reçoit communication et peut y répondre (C. trav., art. L. 2323-7-1 nouveau).
Pour préparer cette consultation, le comité d’entreprise peut s’appuyer sur les informations contenues dans une nouvelle base de données économiques et sociales parallèlement instaurée par la loi et qui doit se mettre en place d’ici à 2014 ou 2015 selon la taille de l’entreprise (voir encadré, page 51) (C. trav., art. L. 2323-7-2 nouveau).
La loi du 14 juin 2013 investit également les comités d’entreprise d’une mission de contrôle du crédit d’impôt « compétitivité et emploi » (CICE). Créé par une loi de finances rectificative pour 2012, ce crédit d’impôt a pour objet, selon l’article 244 quater C du code général des impôts, le financement et l’amélioration de la compétitivité des entreprises « à travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement ».
Ainsi, le comité d’entreprise doit être informé et consulté, avant le 1er juillet de chaque année, sur l’utilisation de ce crédit d’impôt par l’entreprise. Relevons que les sommes reçues dans ce cadre doivent en outre être retracées sur la base de données économiques et sociales (voir encadré, page 51) (C. trav., art. L. 2323-26-1 nouveau).
En cas d’utilisation non conforme du crédit, le comité d’entreprise peut demander des explications à l’employeur. Cette demande est alors inscrite à l’ordre du jour de la séance du comité d’entreprise suivante. A défaut « d’explications suffisantes » apportées par l’employeur ou si les explications fournies confirment une utilisation non conforme du CICE, le comité d’entreprise peut établir un rapport. Lequel est adressé à l’employeur et au comité de suivi régional du CICE (C. trav., art. L. 2323-26-2 nouveau).
Le comité d’entreprise peut également décider de transmettre ses conclusions à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise ou bien, lorsqu’il n’en existe pas, aux associés. Il doit le décider à la majorité de ses membres présents. Ce point est alors inscrit à la prochaine réunion du conseil d’administration ou de surveillance à condition que celui-ci ait pu être saisi 15 jours à l’avance. De leur côté, les associés se voient communiquer le rapport par le gérant de l’entreprise (C. trav., art. L. 2323-26-3 nouveau).
( A noter ) Pour les entreprises de moins de 50 salariés, où la mise en place d’un comité d’entreprise n’est pas obligatoire, il est néanmoins prévu que les délégués du personnel sont informés et consultés sur l’utilisation du crédit d’impôt (C. trav., art. L. 2313-7-1 nouveau).
Le gouvernement doit remettre au Parlement, avant le 30 juin 2015, un rapport sur la mise en œuvre de ce contrôle de l’utilisation du crédit d’impôt « compétitivité emploi » par les institutions représentatives du personnel (art. 8, IX de la loi).
La loi relative à la sécurisation de l’emploi autorise le comité d’entreprise à recourir à un expert-comptable rémunéré par l’employeur pour exercer l’une de ses nouvelles missions : l’examen des orientations stratégiques de l’entreprise. Par dérogation aux règles de droit commun, et sauf accord entre l’employeur et le comité d’entreprise, ce dernier contribue, sur son budget de fonctionnement, au financement de cette expertise à hauteur de 20 %, dans la limite du tiers de son budget annuel (C. trav., art. L. 2323-7-1 nouveau et L. 2323-35 modifié). Pour mémoire, l’article L. 2345-40 du code du travail prévoit que, normalement, l’expert comptable est rémunéré par l’entreprise.
Par ailleurs et de manière générale, le législateur a prévu que les experts-comptables ou les experts techniques, lorsqu’ils sont sollicités par le comité d’entreprise, doivent remettre leurs rapports « dans un délai raisonnable » qui est fixé par un accord entre l’employeur et le CE ou, à défaut, par décret. Ce délai ne peut ensuite être prorogé que d’un commun accord. Au sein de ce délai, doivent être fixés deux autres éléments : le temps qu’a l’expert désigné par le comité d’entreprise pour demander à l’employeur « toutes les informations qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission » et celui accordé à l’employeur pour répondre à cette demande (C. trav., art. L. 2325-42-1 nouveau).
Sans changement, tout établissement d’au moins 50 salariés doit obligatoirement mettre en place un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. La nouveauté apportée par la loi du 14 juin 2013 vise à permettre à l’employeur, dans certains cas, la constitution d’une instance temporaire de coordination des CHSCT lorsque ceux-ci sont consultés sur un projet commun à plusieurs établissements. Ce, afin d’organiser le recours à une expertise unique par un expert agréé (C. trav., art. L. 4616-1 nouveau).
La composition de cette nouvelle instance, ses modalités de fonctionnement et les modalités selon lesquelles elle peut recourir à l’expertise sont détaillées par la loi (C. trav., art. L. 4616-3 à L. 4616-5 nouveaux). Un décret du 26 juin 2013 (4) est venu préciser ce dispositif, applicable depuis le 1er juillet 2013, en ce qui concerne la composition de l’instance, la désignation de ses membres et ses modalités de fonctionnement. Ce décret prévoit en outre des délais plus courts de transmission de l’ordre du jour et, le cas échéant, des documents s’y rapportant pour les consultations des CHSCT ou de l’instance de coordination qui interviendraient dans le cadre d’un projet de restructuration et de compression des effectifs (transmission 3 jours au moins avant la date fixée pour la réunion de l’instance, au lieu de 15 jours pour les autres sujets) (C. trav., art. R. 4616-1 à R. 4616-10 nouveaux).
Conciliation prud’homale.
La conciliation prud’homale est encouragée par la mise en place d’un mécanisme d’indemnisation forfaitaire établi par accord entre l’employeur et le salarié, sur la base d’un barème fixé par décret.
Saisine du juge des prud’hommes. Les actions relatives à l’exécution et à la rupture du contrat de travail se prescrivent désormais dans les 2 ans et celles liées au paiement du salaire dans les 3?ans (au lieu de 5 ans antérieurement).
Comité d’entreprise. De nouveaux champs de consultation sont ouverts au comité d’entreprise et de nouveaux moyens lui sont accordés. En particulier, une base de données économiques et sociales relative à l’entreprise devra lui être accessible d’ici à 2014 ou 2015 selon la taille de l’entreprise.
CHSCT. Lorsque plusieurs établissements d’une entreprise sont concernés par un projet commun, l’employeur peut mettre en place une instance temporaire de coordination des différents comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Objectif : recourir à une expertise unique.
Plusieurs dispositions de la loi relative à la sécurisation de l’emploi concernent la législation relative au licenciement économique. Nous en présentons les principales de façon synthétique.
Licenciements d’au moins 10 salariés
Le texte réforme la procédure de licenciement d’au moins 10 salariés sur 30 jours dans les entreprises d’au moins 50 salariés, réforme qui s’applique aux procédures engagées à compter du 1er juillet 2013. Elle prévoit deux modalités pour l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi : conclusion d’un accord collectif majoritaire (5) ou élaboration par l’employeur d’un document unilatéral. Elle organise la procédure d’information-consultation du comité d’entreprise en redéfinissant notamment les délais applicables. L’accord et le document unilatéral, dont le contenu est encadré par la loi, doivent faire l’objet, respectivement, d’une validation ou d’une homologation par l’administration, c’est-à-dire concrètement par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte). La décision de la Direccte, qui intervient de manière implicite à l’issue de délais fixés par la loi, conditionne la possibilité pour l’employeur de notifier les licenciements économiques. Un décret du 27 juin 2013 est venu préciser le dispositif (6).
Ces nouvelles règles sont par ailleurs rendues applicables aux entreprises soumises à une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, avec toutefois des aménagements pour tenir compte des difficultés rencontrées par ces entreprises et de l’urgence de notifier les licenciements.
Ordre des licenciements
Reprenant une jurisprudence stable de la Cour de cassation, la loi du 14 juin 2013 prévoit que, lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique, il peut privilégier l’un des critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères. Pour mémoire, ces critères prennent notamment en compte les charges de famille, l’ancienneté, la situation des personnes handicapées ou âgées et les qualités professionnelles.
Congé de reclassement
La durée maximale du congé de reclassement, qui doit être proposé à chaque salarié dont le licenciement économique est envisagé dans les entreprises ou établissements d’au moins 1 000 salariés, passe de 9 à 12 mois.
L’objectif est d’harmoniser la durée de ce congé avec celle du contrat de sécurisation professionnelle applicable dans les plus petites entreprises.
En outre, pour ne pas décourager les bénéficiaires d’un congé de reclassement d’accepter des périodes de travail pendant ce congé, l’employeur peut désormais prévoir un report du terme initial du congé à due concurrence des périodes de travail ainsi effectuées.
→ Mesures de lutte contre la précarité de l’emploi
ASH n° 2815 du 21-06-13, page 43 et n° 2816 du 28-06-13, page 47.
→ Nouveaux droits pour les salariés et les chômeurs
ASH n° 2827 du 4-10-13, page 43.
→ Contentieux et représentation du personnel
Ce numéro.
La loi prévoit l’instauration d’une base de données économiques et sociales mise régulièrement à jour et qui rassemble un ensemble d’informations (investissement social – emploi, évolution et répartition des contrats précaires, des stages et des emplois à temps partiel, formation professionnelle, conditions de travail –, investissement matériel et immatériel, fonds propres et endettement, activités sociales et culturelles…) que l’employeur doit mettre à la disposition du comité d’entreprise et, à défaut, des délégués du personnel.
La base de données doit également être accessible, en dehors des membres du comité d’entreprise, aux délégués du personnel, ainsi qu’aux membres du comité central d’entreprise, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et aux délégués syndicaux. L’ensemble de ces représentants sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations contenues dans cette base revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur (C. trav., art. L. 2323-7-2 nouveau).
Les informations contenues dans la base portent sur les 2 années précédentes et l’année en cours et intègrent des perspectives sur les 3 années suivantes. Elles doivent encore être encore précisées par décret et pourront varier selon la taille de l’entreprise (plus ou moins 300 salariés) et être enrichies par le biais d’un accord de branche, d’entreprise ou de groupe (C. trav., art. L. 2323-7-2 nouveau).
Cette base de données doit être mise en place d’ici au 14 juin 2014 dans les entreprises d’au moins 300 salariés et d’ici au 14 juin 2015 pour les autres (art. 8, IV de la loi). Dans un second temps, elle deviendra le moyen de communication des rapports et informations transmis de manière récurrente au comité d’entreprise (C. trav., art. L. 2323-7-3 nouveau). Un décret doit encore fixer la date d’application de cette mesure qui entrera en vigueur, au plus tard, le 31 décembre 2016 (art. 8, IV de la loi). En revanche, les consultations du comité d’entreprise pour des événements ponctuels continueront de faire l’objet de l’envoi de ces rapports et informations (C. trav., art. 2323-7-3 nouveau).
Franchissement de seuils d’effectifs (art. 23)
Un employeur dispose dorénavant d’un délai de 1 an, à compter du franchissement du seuil des 50 salariés, pour se conformer complètement aux obligations récurrentes d’information et de consultation du comité d’entreprise prévues par le code du travail (C. trav., art. L. 2322-2 modifié). Par ailleurs, lorsque le franchissement d’un seuil d’effectif entraîne l’organisation d’élection soit des délégués du personnel (seuil des 11 salariés), soit des membres du comité d’entreprise (seuil de 50 salariés), un employeur dispose maintenant de 90 jours pour organiser le premier tour de ces élections, et non plus de 45 jours conformément au droit commun (C. trav., art. L. 2314-2 et L. 2324-3 modifiés).
Négociation triennale sur la GPEC (art. 14)
En application de l’article L. 2242-15 du code du travail, dans les entreprises et les groupes d’entreprises d’au moins 300 salariés, ainsi que dans les entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise de 150 salariés en France, l’employeur doit engager tous les 3 ans une négociation portant sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). La loi du 14 juin 2013 étend le champ de cette négociation à de nouveaux thèmes obligatoires (C. trav., art. 2242-15 modifié) :
• les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise ;
• les grandes orientations à 3 ans de la formation professionnelle dans l’entreprise et les objectifs du plan de formation, en particulier les catégories de salariés et d’emplois auxquels ce dernier est consacré en priorité et les compétences et qualifications à acquérir pour les 3 années de validité de l’accord ;
• les perspectives de recours par l’employeur aux différents contrats de travail, au travail à temps partiel et aux stages, ainsi que les moyens mis en œuvre pour diminuer le recours aux emplois précaires dans l’entreprise au profit des contrats à durée indéterminée ;
• les conditions dans lesquelles les entreprises sous-traitantes sont informées des orientations stratégiques de l’entreprise ayant un effet sur leurs métiers, l’emploi et les compétences.
Par ailleurs, deux nouveaux thèmes sont ajoutés à la liste des sujets qui peuvent être abordés dans le cadre de cette négociation triennale (C. trav., art. L. 2242-16 modifié) :
• les modalités de l’association des entreprises sous-traitantes au dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de l’entreprise ;
• les conditions dans lesquelles l’entreprise participe aux actions de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences mises en œuvre à l’échelle des territoires où elle est implantée.
Autre nouveauté : un bilan de la négociation sur la GPEC doit être effectué à l’échéance de l’accord (C. trav., art. 2242-15 modifié).
(2) Les contestations relatives à la procédure de licenciement collectif pour motif économique et au contenu du plan de sauvegarde de l’emploi relèvent, elles, de la compétence du juge administratif.
(3) Décret n° 2013-721 du 2 août 2013, J.O. du 7-08-13.
(4) Décret n° 2013-552 du 26 juin 2013, J.O. du 28-06-13.
(5) C’est-à-dire signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des représentants du personnel.
(6) Décret n° 2013-554 du 27 juin 2013, J.O. du 28-06-13.