C’est l’un des romans les plus commentés de la rentrée littéraire. Sans doute aussi l’un des plus déroutants. Avec Les Renards pâles, Yannick Haenel s’attaque à deux thèmes dans le vent : l’indécence du capitalisme et le sort réservé aux sans-papiers. Rien de surprenant a priori pour l’écrivain, qui affectionne les sujets complexes : en 2009, son roman Jan Karski, la biographie d’un résistant polonais, couronnée par le prix Interallié, suscitait polémiques et critiques acerbes. Cette fois, difficile de résumer l’intrigue. Tout commence par l’installation du narrateur – un poète expulsé de sa chambre de bonne après avoir négligé de renouveler ses allocations chômage – dans sa voiture. Les premières pages contemplatives (les lumières de Paris, l’errance du personnage dans les bars underground de la capitale…) cèdent bientôt la place à la chronique de la naissance d’un mouvement contestataire, initié par des sans-papiers anarchistes dissimulés derrière des masques dogons : les Renards pâles, sortes d’Anonymous africains. Le récit, alors, se densifie et s’accélère, jusqu’à l’embrasement final des quartiers riches, entre orgie collective et soulèvement spontané. Soit plusieurs pages de dénonciation méthodique de l’ordre mondial, un peu attendues après les références répétées à Stirner, à la Commune de Paris, au mur des Fédérés ou à Karl Marx. Quant aux sans-papiers, tout y est : policiers zélés, rafiots de fortune, empreintes digitales brûlées au fer rouge… Visiblement, Yannick Haenel s’est documenté avec application. A l’arrivée, il signe un roman inégal, à l’érudition appuyée, qui peine à choisir son camp entre la poésie et le brûlot.
Les Renards pâles
Yannick Haenel – Ed. Gallimard – 16,90 €