Au Maroc, Antoine d’Agata a croisé des clandestins coincés entre l’Espagne et le Maroc. En Tunisie, il a rencontré des réfugiés qui avaient fui la Libye et vivent dans le désert dans des conditions extrêmement dures. En Grèce, il a vu des migrants irakiens, des Afghans, des Iraniens… qui essayaient d’accéder à l’Europe. Depuis 2011, le photographe, membre de Magnum Photos, suit des migrants. Il en retient des images dures et des vidéos obsédantes. A l’image d’Ulysse et de ses compagnons dans l’Odyssée, les migrants rencontrent de nombreuses difficultés sur leur route. Antoine d’Agata n’embellit rien, il photographie des camps de fortune, des hommes et des femmes en errance, et même des cadavres. De cette matière qu’il qualifie lui-même d’« horrible », il a voulu faire une exposition, Odysseia, qui a été présentée en septembre au MuCEM à Marseille et que l’on retrouve désormais en ligne dans son intégralité – afin de mettre chacun des visiteurs « face à ses responsabilités ». « On vit dans un lieu privilégié et on ferme les yeux sur ces dizaines de milliers de morts par notre silence et notre manque d’intérêt », affirme-t-il. Sur ses vidéos, des visages, des sons étranges et des voix en différentes langues que l’on devine évoquant l’exil, la peur, la folie. Surtout, un texte défile en continu en fond d’écran et rend compte de « destins iniques » : « (…) les cadavres de quinze migrants venus d’Afrique dont neuf enfants, morts de faim, ont été trouvés à Almeria, trois femmes venues d’Afrique sont mortes noyées quand un bateau a chaviré près des côtes de Malte, neuf hommes, quatre femmes et un enfant venus d’Afrique sont morts noyés après le naufrage d’un bateau au large de Motril, le cadavre d’un homme de trente ans, venu d’Irak et mort de faim a été trouvé dans le camion où il se cachait, sur un ferry grec entre Patras et Venise, trente-sept migrants venus d’Afrique de l’Ouest sont morts noyés quand un bateau a fait naufrage au large de Libreville (…) ».
Odysseia
Antoine d’Agata –