Les directeurs généraux d’associations sont très attachés à la formation par alternance. Mais à partir du moment où l’on décide de modifier la loi pour étendre à tous les secteurs l’obligation de gratifier les étudiants pour les stages longs, ce qui est légitime, il faut donner aux établissements et services les moyens de l’appliquer. Si les pouvoirs publics considèrent que ceux-ci sont aussi des lieux de formation, ils doivent en assumer les conséquences financières. Sinon, on prend en otage tout le monde, les étudiants dont on peut comprendre les inquiétudes, les écoles, les établissements, et on met en danger l’alternance.
Le problème du financement de la gratification existe depuis 2008 et il n’a jamais été résolu ! Bien sûr qu’il faut une dotation spécifique puisqu’on crée une dépense supplémentaire à la charge des établissements. On ne peut pas renvoyer aux seules associations gestionnaires la recherche du financement de la gratification. Aujourd’hui, seuls les établissements et services qui parviennent en cours d’année à dégager des marges dans leur gestion courante peuvent assumer cette dépense. Ils vont donc réfléchir à deux fois avant d’accueillir un stagiaire.
Nous recevons, chaque année, dans nos établissements et services – qui comptent 380 salariés et aident 6 000 jeunes –, une dizaine de stagiaires. Mais il nous est arrivé de ne pas pouvoir en accueillir, soit parce que nous n’avions pas dégagé les moyens pour les rétribuer, soit parce que les équipes traversaient des périodes de tension et n’avaient pas la disponibilité suffisante pour les encadrer.
Je peux vous assurer au contraire que les employeurs sont fortement mobilisés dans la formation en alternance. Je suis formel, il n’y a pas de manque de motivation des gestionnaires d’établissements. Par exemple, à la Sauvegarde, nous accueillons chaque année, en plus des stagiaires, cinq à huit travailleurs sociaux en apprentissage. Chaque année, 950 professionnels dans les secteurs sanitaires et sociaux sont formés par cette voie en Ile-de-France !
Le paradoxe, c’est que l’Etat élargit les conditions de la gratification alors que l’apprentissage n’est, lui, pas du tout encouragé. C’est une formule pourtant particulièrement intéressante : le taux de réussite aux diplômes de travail social en Ile-de-France dépasse 95 % dans le cadre de l’apprentissage contre 85 % environ pour la voie classique ; on sait en outre que beaucoup de jeunes choisissent cette voie pour des raisons économiques : elle assure un salaire, un statut, une vraie expérience professionnelle.
Les employeurs se mobilisent sur les territoires. Et je peux vous garantir que nous négocions âprement nos budgets dans ce sens là. Avec IDEE 93, qui regroupe les associations de protection de l’enfance de Seine-Saint-Denis, nous avons alerté par courrier le ministère des Affaires sociales sur les difficultés liées à la mise en œuvre de la loi Cherpion (4) et au financement de la gratification. Mais le ministère botte en touche en expliquant que cette loi n’a pas freiné l’accueil des stagiaires et que les services de l’Etat et les conseils généraux doivent prendre en compte les incidences budgétaires liées à la rémunération des stages !
(1) A nouveau mobilisés le 17 octobre à Paris et dans plusieurs villes de province.
(2) Egalement directeur général de la Sauvegarde de Seine-Saint-Denis, Xavier Bombard est aussi président de l’Adapss (Association pour le développement de l’apprentissage des professions sanitaires et sociales) Ile-de-France.
(3) Interrogée par les ASH, n° 2827 du 4-10-13, p. 18.
(4) La loi du 28 juillet 2011 a notamment imposé un délai de carence (équivalent à un tiers de la durée du stage précédent) pour l’accueil de stagiaires successifs.