Les personnes handicapées intellectuelles et les personnes souffrant de troubles mentaux continuent de rencontrer des difficultés pour exercer leur capacité juridique. Un rapport de l’Agence des droits fondamentaux ( FRA) de l’Union européenne (UE), publié le 9 octobre (1), révèle l’écart existant entre « les promesses formulées » par la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRPD) et la réalité à laquelle les personnes handicapées sont confrontées au quotidien dans l’UE.
Adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 2006, la CRPD a été ratifiée par 24 Etats membres de l’Union européenne (2) et est entrée en vigueur en 2008. Son article 12 fait obligation aux Etats parties de reconnaître la capacité juridique des personnes handicapées dans des conditions d’égalité vis-à-vis des autres personnes dans tous les aspects de la vie, et énonce que le handicap ne saurait justifier, à lui seul, la privation de la capacité juridique. Selon l’agence, si tous les Etats membres disposent d’un cadre juridique qui réglemente le processus conduisant à la restriction de la capacité juridique d’une personne, ces législations nationales sont, pour une grande part d’entre elles, « incompatibles avec l’article 12 de la CRPD, en application duquel il y a lieu de favoriser une prise de décision assistée, et non une prise de décision substitutive, comme cela est encore le cas dans un certain nombre de pays européens. La prise de décision substitutive, associée à une mise sous tutelle complète, empêche de nombreuses personnes atteintes de troubles intellectuels ou psychosociaux d’accéder à toute justice, dans la mesure où elles sont représentées dans toutes les procédures par un tuteur qu’elles ne connaissent peut-être même pas et qui se limite à prendre des décisions bureaucratiques, y compris s’agissant de questions essentielles comme l’admission dans une institution, en leur nom. » La FRA plaide donc pour l’abrogation des régimes de décision par personne interposée et leur remplacement par des mesures de prise de décision assistée respectant l’autonomie, la volonté et les préférences de la personne handicapée.
L’analyse de l’agence montre « qu’il existe dans l’Union deux modèles-types de privation de la capacité juridique » : la mise sous tutelle complète ou totale, avec désignation d’un représentant pour tous les actes de la vie, et la mise sous tutelle partielle, où la perte de la capacité ne concerne que certains actes. Selon le rapport, « la majorité des Etats membres de l’UE ont adopté la restriction de la capacité juridique à différents degrés », ce qui est le cas de la France qui distingue la mise sous tutelle (où un tuteur remplace la personne considérée comme juridiquement incapable pour toute activité quotidienne importante) de la mise sous curatelle simple ou renforcée (où un curateur apporte une aide à la personne concernée pour la gestion de ses revenus, sans l’empêcher de jouer d’autres rôles sociaux). D’autres Etats de l’UE « offrent des alternatives à la mise sous tutelle complète et partielle en mettant en œuvre d’autres mécanismes d’assistance », tandis qu’un très petit nombre d’Etats ne prévoient que la mise sous tutelle totale ou complète (Chypre, Irlande, Roumanie). A l’heure actuelle, relève l’agence, seuls deux Etats membres – à savoir l’Allemagne et la Suède – « ont aboli leurs systèmes de mise sous tutelle comme mesure de protection pour les remplacer par d’autres, moins intrusifs ».
(1) La capacité juridique des personnes souffrant de troubles mentaux et des personnes handicapées intellectuelles – Disp. sur
(2) Elle a également été ratifiée en 2010 par l’Union européenne elle-même.