Qu’elle parle « comme une Blanche, une Malgache ou une Vietnamienne », dans le regard des gens, Chrislen « reste une Noire à première vue ». Son rapport à l’Afrique, pourtant, est devenu lointain. Bien sûr, il y a les proverbes, les mikatés – sortes de beignets sucrés – dont elle se régale chez sa tante Mama Kasi, les pagnes et les boubous des jours de réunion familiale… Mais l’irruption dans sa vie d’Eboué, un cousin arrivé sans papiers et dont elle ignorait jusqu’à l’existence, la confronte soudain à ses « souvenirs estropiés ». « De mon origine étrangère, il ne me reste que des images floues et irréelles », s’aperçoit soudain Chrislen. « Je ne suis qu’une mixture historique et coloniale », souffre-t-elle. Exilé dans une banlieue froide, à la merci des contrôles d’identité, son cousin, en revanche, se réchauffe le cœur au souvenir de l’époque « où son seul loisir était de jouer au foot sur la terre écarlate et de boire des boissons sucrées ». Déçu, il découvre la misère du quartier, les petits boulots au noir et les discours de rejet. Jusqu’au dénouement – forcément sordide – qui replongera la jeune fille dans son quotidien de grisaille et d’insomnies. Savant mélange d’expressions africaines et d’univers de banlieue, cette « mixture » dont est issu le jeune auteur Artin Dilukeba, Si vous logez les chauves-souris, dormez comme elles a le charme des premiers romans : pas tout à fait assez dense, mais prometteur. Un petit ouvrage entre satire sociale et journal intime, particulièrement désenchanté : « Soi-disant que je passe les meilleurs moments de ma vie, conclut Chrislen, amère. La jeunesse… si convoitée, ouais. Elle me rend pessimiste, ma jeunesse. »
Si vous logez chez les chauves-souris, dormez comme elles
Artin Dilukeba – Ed. Les 3 Génies – 16 €